Nulle part ailleurs

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Nowhere else on earth - Limited editions
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Si vous ne mettez pas les pieds dans le pays, ou la boutique, où elles sont vendues en exclusivité, vous ne pourrez pas acquérir ces montres. Pourtant, elles valent le déplacement.

La logique d'une marque horlogère est d'être internationale. De proposer ses produits partout où elle en voit l'intérêt, de manière identique. Les catalogues et l'actualité horlogère sont donc dans une large mesure internationaux. Après cela, chaque marché retient les références qu'il pense pouvoir proposer, ce qui tempère l’uniformisation globale des vitrines. Ce d'autant plus que certaines maisons fabriquent des séries limitées spécialement pour certains marchés, voire pour certaines boutiques importantes, à forte personnalité.

L'idée est de faciliter les affaires de ces détaillants, qui sont importants en termes de volumes de vente ou simplement d'image, parce qu'ils attirent l'attention par leur actualité, leur clientèle, leur assortiment de marques. Par exemple, Kronometry, en France, a proposé bien des marques rupturistes, vend à de nombreux footballeurs et agite son petit monde. Très fortement associé à Ulysse Nardin, il est donc logique que la marque lui fasse des pièces spéciales, dont les 8 exemplaires d'un tourbillon squelette saphir nommé Royal Brown.

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Autre détaillant de légende, et pour bien d'autres produits que la montre, Harrods a récemment fait éditer une série de huit pièces spéciales, par autant de marques. Elles sont destinées à son espace haute horlogerie, « The fine watch room ». Parmi elles, une Breguet Classique ref. 7337 à calendrier complet dont le cadran bleu profond et guilloché est de toute beauté. Mais à Londres, Marcus est dans une classe à part. Parmi les nombreuses pièces uniques qu'il commandite, une série de dix Greubel Forsey toutes en platine DLC noir a capté l'attention. Dans le lot, une Double Tourbillon 30 Degrés Secret est la plus sombre de toutes les Greubel jamais créées.

Bien souvent, et par facilité, ce sont les couleurs qui changent. Elles sont des marqueurs identitaires forts, extrapolés de logos ou simplement de références culturelles. Le vert est ainsi profondément ancré dans la culture islamique et signale généralement des séries spéciales destinées au Moyen-Orient, comme la Lucea de Bulgari dite « green dial ». Le bleu est symbole de mer et Seiko l'a choisi pour habiller les cadrans de sa nouvelle série de quatre montres créées dans le cadre de son partenariat avec PADI. Mais elles sont réservées au Japon, une habitude de la marque qui agace ses fans et en même temps, renforce leur attachement. En effet, Seiko bénéficie de cette raréfaction naturelle de son offre.

Le choix de la couleur et du marché peut être parfaitement arbitraire, ou la décision d'une filiale. Parfait exemple, le noir et le rouge de la RM-50-27-01 de Richard Mille dont les 5 exemplaires sont réservés aux Etats-Unis. Elle est née de la fusion d'un mouvement d'une RM 27-01 et du boîtier d'une RM 050. Avec son nom à la nomenclature inhabituelle et la synthèse des symboles de la marque qu'elle représente, il semblait logique de la réserver aux 4 boutiques Richard Mille du pays.

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En effet, les boutiques de marques en nom propre sont les premiers destinataires de ces séries spéciales. Souvent, c’est à l’échelle planétaire, puisque les maisons horlogères se sont dotées d'importants réseaux de vente directe. Mais il arrive, à l'occasion d’une inauguration ou d'un anniversaire, qu'une boutique unique bénéficie d'une série dédiée. Jaeger-LeCoultre a ainsi offert 26 Reverso Ultra-Thin à son point de vente londonien. En plus d'un cadran vert anglais (car c'est aussi la couleur du gazon, pas seulement celle du Prophète), cette montre a été gravée au dos d'une vue du parlement et de la tour qui abrite la célèbre horloge de Big Ben.

Les partenariats entre marques et détaillants sont fréquents mais il est rare que les seconds apportent une matière consistante aux premiers. C'est alors qu’un second type d'association prend un sens plus profond. Panerai est ainsi lié depuis des années avec le fabricant de fusils de chasse anglais Purdey. Leurs armes sont extraordinairement exclusives et coûteuses, entre autres à cause du travail de gravure fine qu'elles subissent. A intervalles irréguliers, il décore des séries limitées du modèle  Sealand, exécuté sur la base d'une Luminor. Ce modèle recouvert d'un capot articulé et bombé est destiné à être gravé à la main. Pour 2016, les artisans de Purdey ont exécuté cinq modèles, totalisant 80 exemplaires, représentant les Big Five, les cinq plus gros animaux chassés en Afrique. Ils ne sont disponibles que dans la maison-mère de Purdey, sise dans le quartier de Mayfair à Londres.

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Ainsi, la série spéciale peut naviguer entre une forte intensité horlogère, destinée à satisfaire un appétit d’exclusivité lié au savoir-faire de la marque, comme l'est le cas de Richard Mille, ou alors vivre d'un effet de type carte postale. Entre les deux, les considérations culturelles sont déterminantes. Cela tombe bien, c'est souvent pour les découvrir que l'on voyage. Alors pourquoi ne pas le faire sous la forme d'une montre qui ne se trouve, littéralement, nulle part ailleurs.