L'exceptionnel redevient l'exception

Les montres joaillières sont-elles des joyaux ou des montres ? Lors de ces cinq dernières années, on a pu répondre, sans ambiguïté, les deux. La fusion parfaite entre l'art des horlogers et celui des bijoutiers vient de connaître un âge d'or. Ce ne sont pas ses derniers feux qu'il vit, mais un changement de style. La joaillerie ne s'est jamais aussi bien portée et c'est elle qui permet à Cartier et Van Cleef & Arpels, les deux marques possédant une puissante culture joaillière exposantes du SIHH, de se démarquer des difficultés que connaît la montre. Ainsi, Cartier a mis un bémol à la foison de pièces stupéfiantes qui ornait son stand du SIHH. Chez Van Cleef, il n'y a jamais eu de foison, la marque étant parcimonieuse dans ses lancements. Mais elle n'a pas ralenti l'effort, au contraire. Quant aux autres marques, elles qui ont tant misé sur les montres créatives et abondamment serties, se retirent presque complètement du jeu. Seules restent quelques propositions épatantes, mais parsemées.

On trouve ainsi des lunettes serties de diamants baguette chez Parmigiani Fleurier sur fond de répétition minutes et cadrans émaillés. Quelques rarissimes pièces ornementales chez Piaget, comme sa nouvelle Altiplano tourbillon. Sa lunette est sertie, son cadran en émail flinqué, et il n'existe pas de proposition clairement masculine pour ce modèle à complication qu'on attendait destiné aux hommes. Mais Piaget n'a pas fait de cette montre une démonstration d'opulence.



Van Cleef & Arpels, joaillier dans l'âme, présentait des pièces qui lui ressemblent : imaginatives, charmantes, impeccablement exécutées. Parmi elles, la Ruban Secret Diamants se distingue par son sertissage intégral qui ne bascule pas dans l’emphase. On ne trouve pas sur cette montre à secret de diamant de 14 carats, ni de rubis géant caché. Juste un nœud fait de lumière et qui peut s'écarter pour donner l'heure.



Avec un éventail de propositions divisé par deux par rapport à 2016, Cartier arrivait encore à présenter la collection de montres joaillières la plus abondante, épatante et variée de tout le SIHH et ses événements périphériques, avec un total de vingt pièces uniques de haute joaillerie. Là où on trouvait des tourbillons mystérieux mis en scène dans des pièces folles, on découvre désormais plutôt des mouvements à quartz. Si les montres de haute horlogerie de l'année précédente étaient toutes proposées dans des versions intégralement serties, il faut aujourd’hui trouver la déclinaison diamants de la Rotonde Répétition Minutes Double Tourbillon Mystérieux.

La composante horlogère de ces montres a beau avoir été atténuée, leur créativité, leur magie, elles, restent intactes. Les pierres géantes ne servent pas à l'ostentation, mais à la narration. La Montre Flamant en est un parfait exemple. Le quartz rose de 78 carats qui domine cette montre n'est là que pour charger l'espace de rose, pas la facture. Et la collection reine de 2017, Panthère, s'offre un espace d'expression sauvage et coloré, fait de manchettes ornées de pierres fines comme l'aigue-marine et l'héliodore...pas le saphir ni le rubis. Pour ce dernier, il faut regarder du côté de Trait d'Eclat, un éclair de lumière rouge soutenu par une ligne de diamants baguette. Sublime.