La consécration de la montre sport : Partie 2

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The triumph of the luxury sports watch: Part 2  - Luxury Sports
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En vingt ans, la montre sport chic est passée du statut de registre majeur à celui de catégorie reine*

La montée en puissance des bracelets en acier et en caoutchouc, l’esthétique épurée des tool watches, le débordement de l’or vers le registre sportif et surtout l’apparition de nouveaux braquets de tarifs élevés chez les poids lourds du secteur en ont fait la montre du XXIE siècle.

Matières

La montre sport luxe est le plus souvent en acier. Ce métal est majoritaire dans la catégorie, au point qu’il a fini par l’incarner. Son excellent rapport solidité / sobriété /poids /prix le rend naturellement polyvalent et c’est bien ce que l’on attend de ces montres. En particulier lorsqu’il s’agit de réaliser un bracelet métallique, aucune autre matière ne se révèle aussi propice. En effet, un bracelet acier est un élément profondément identificateur d’une montre. Insensible à l’eau, à la transpiration, à la chaleur, à l’usure, au froid, au sable, il reste confortable en toutes circonstances, surtout s’il a été conçu dans un objectif de souplesse. Proche en apparence, le titane a gagné ses lettres de noblesse au fil du temps et a réussi à sortir de son pré carré technique. Il est devenu quasiment incontournable dans le segment. Mais ce sont les métaux précieux qui ont le plus bouleversé la nature même de la montre sport luxe. Par définition, faire du sport avec une montre en or ou en platine est une aberration. Trop lourde, trop sensible à la rayure, trop coûteuse, on devrait à tout prix chercher à la préserver. Mais paradoxalement, une montre de sport n’est pas faite pour une pratique sportive engagée, tout au plus pour une activité physique ou un sport sans effort intense. On a donc vu chez Rolex une recrudescence de Submariner en or gris, de chronographes Daytona en or rose, l’apparition de la Yacht-Master II tout en or gris. Chez Breguet, des déclinaisons du modèle Marine en or gris. Chez Vacheron Constantin, deux générations d’Overseas en or rose. Les exemples se multiplient car après tout, le look, le feeling, le design sont prépondérants dans le rapport qui s’installe entre une personne et une montre. Rien d’étonnant alors à ce qu’Audemars Piguet propose toujours à son catalogue une Royal Oak Offshore à la boîte et au bracelet massifs en platine, qui frise les 450 grammes…

La consécration de la montre sport

Hyper-fonctionnalités

Elle est principalement sans ou à petite complication, le chronographe étant avec les fonctionnalités de type GMT ses alliés naturels. Très naturellement, la mesure des temps courts est indissociable de l’esprit horloger sportif et il le lui rend bien. On ne compte donc plus les chronographes, mono-poussoir, à double poussoir, flyback voire à rattrapante. Le fait que cette dernière complication, extrêmement sophistiquée et complexe, ait sa place dans la catégorie illustre l’ouverture dont elle a su, ou dû, faire preuve. Car les deux décennies passées ont vu l’éclosion de dizaines de tourbillons, quantièmes perpétuels et autres grandes complications dans des boîtiers dont elles ont longtemps été exclues. Dans la même veine que les métaux précieux, des applications horlogères très sophistiquées ont été embarquées par la vague du style.

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Certes, des propositions pionnières comme des Royal Oak à quantième perpétuel remontent aux années 1980, mais en or. De plus, il s’agit d’exceptions. Leur généralisation n’a eu lieu que vingt ans plus tard. Quant au tourbillon, il s’est révélé d’une ubiquité telle, d’une force de séduction si forte qu’il était impossible qu’une catégorie horlogère aussi prisée lui échappe. Dès le début des années 2000, on a assisté à la naissance de Hublot Big Bang Chronographe Tourbillon ou de Blancpain Fifty Fathoms Tourbillon Huit Jours.

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Même les mouvements ultrafins ont rejoint le mouvement, avec comme exemple emblématique les versions Finissimo que Bulgari a réalisées avec son Octo. 5,15 mm d’épaisseur pour une montre typée sport, 6,90 mm pour sa version chronographe, voilà un concept qui est passé de contradiction à succès commercial en l’espace de dix ans.

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Changer la donne

Au-delà de ces exemples emblématiques, plutôt liés aux fonctions et aux tendances de porter qui n’ont cessé de fluctuer en vingt ans, quatre marques ont laissé une empreinte particulièrement décisive sur la montre de sport luxe. Elles ont chacune à leur manière ancré, voire créé, les conditions de succès de cette catégorie. Rolex, leader de l’horlogerie, de très loin et depuis très longtemps, a entièrement bâti son succès sur la montre sport. Adepte quasi exclusif du bracelet métallique, Rolex a décliné presque tous ses modèles dans une palette de cadrans immense et en or souvent avant l’acier. En réalité, c’est Rolex qui a implanté dans l’imaginaire collectif l’idée que sport et luxe pouvaient être compatibles. Richard Mille de son côté a eu un rôle décisif dans la rupture des frontières. Son tourbillon chronographe rattrapante en titane est vendu 40% plus cher qu’une grande complication Patek Philippe ! Boîtes en carbone, céramique, saphir, la marque a fait de la technicité un luxe et a transformé le luxe en hyper-luxe avec des niveaux de prix stratosphériques.  De son côté, Panerai a réussi à imposer un design vintage si particulier que la plupart de ses acheteurs ne se rendaient pas compte qu’ils achetaient un style historique.

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En banalisant cet apport ancien et en l’intégrant très naturellement dans le paysage contemporain, Panerai a légitimé tout le registre néo-vintage et fait du passé une source de légitimité absolue. Sans compter l’appétit que ses créations oversize ont généré. Enfin, l’apport d’Audemars Piguet se situe plus dans la composante virile du sport luxe

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Aujourd’hui, tous les regards sont fixés sur les Royal Oak mais, en lançant sa variante Offshore en 1993, la marque du Brassus avait fait faire un pas de géant à la montre pour homme. Plus épaisse, plus grande, plus forte, plus musclée, plus exubérante que toutes les autres, l’Offshore a fait céder la digue qui empêchait les mâles de porter des montres véritablement fortes, blindées même. Car au final, si la montre sport luxe a si bien su s’imposer, c’est qu’elle a été la première à promouvoir l’idée d’un acheteur fort, actif, prêt à affronter les circonstances, dont la montre est un compagnon fidèle et dont il n’a pas à s’inquiéter, ce malgré son prix élevé, voire exorbitant. Polyvalente, solide et flatteuse, pouvait-on imaginer des fondations plus solides ?

*À l’occasion du 20ème anniversaire de GMT Magazine et de WorldTempus, nous nous sommes lancés dans le projet ambitieux de résumer les 20 dernières années en horlogerie dans The Millennium Watch Book, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book est disponible sur www.the-watch-book.com, en français et en anglais, avec une remise de 10% en utilisant le code WT2021.

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