Les nouveaux matériaux ont trouvé leur maître

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The smart man and his smart watches - Richard Mille
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Nous avons rencontré Richard Mille au SIAR de Mexico il y a quelques jours et quelle ne fut pas notre surprise de voir une smartwatch Samsung à l’un de ses poignets – et un de ses modèles tourbillons à l’autre.

WorldTempus: On n’a pas pu s’empêcher de remarquer que vous portez une smartwatch…
Richard Mille: Oui, c’est ma Samsung. Elle me sert à compter le nombre de pas que je fais chaque jour et à lire mes emails. Ce matin, j’ai fait 1.03km. C’est très pratique. Je ne vois aucune contradiction entre cette montre –là et un modèle traditionnel – l’une n’empêche pas l’autre.  Mais il y a quand même un inconvénient avec les smartwatches, c’est qu’il faut les toucher pour voir l’heure.

Pourriez-vous envisager d’incorporer cette technologie dans vos montres ?
Je ne suis pas contre l’utilisation de l’électronique, à condition qu’elle remplisse trois critères.  Tout d’abord, il faut que l’électronique offre une fonction qui ne peut pas être générée mécaniquement (comme un chronographe précis au millionième de seconde). Ensuite, la montre doit pouvoir continuer de fonctionner si l’électronique tombe en panne. Et enfin,  il faut que l’on soit capable de la réparer durant les 30 à 50 années à venir.

 

"Je suis plutôt dictatorial dans ma façon de travailler"

Il y a beaucoup d’échanges ici au Mexique avec les clients et les collectionneurs. Est-ce également une source d’idées pour vous ?
Non, pas vraiment. Je suis plutôt dictatorial dans ma façon de travailler. Quand j’ai une idée, je n’aime pas étudier le marché ou demander l’avis des gens. Parce qu’en général, quand vous le faites, chacun apporte ses opinions et vous risquez de perdre une bonne partie de la substance de la montre. Au final, vous vous retrouvez avec un produit politiquement correct mais qui a beaucoup perdu en route.

 

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Quand on achète une montre Richard Mille, peut-on être certain qu’il y a vraiment du Richard Mille derrière?
Bien sûr,  même si toutes les idées ne viennent pas de moi. Il arrive parfois que mes développeurs arrivent avec des idées,  mais c’est moi au final qui décide de les exploiter au pas. Généralement, si le concept me plaît, nous analysons la faisabilité technique et décidons si nous pouvons le faire ou pas, indépendamment des coûts ou du temps que cela prendra. C'est un peu l'aventure, car on sait quand on commence mais pas quand on aura fini.

Votre prédilection pour les nouveaux matériaux complique-t-elle les choses ?
Oui, car il y a beaucoup de tests à faire. J’aime les nouveaux matériaux, mais avant tout s’ils ont une utilité pratique. Les gadgets ne m’intéressent pas. Et puis, ces matériaux doivent être antiallergiques et résistants à l’érosion et au porter ; de plus, nous devons nous assurer qu’ils seront encore intacts dans 50 ans et que la montre pourra être réparée.

Où puisez-vous votre inspiration pour ces nouveaux matériaux ?
Le monde de l’automobile et la Formule  m’inspirent  beaucoup, mais j’aime aussi tous les secteurs techniques, comme l’aéronautique ou les bateaux. Ce qui m’a toujours fasciné dans l’horlogerie est le fait de travailler dans le très petit. Une montre Richard Mille est le réceptacle de toutes mes passions, combinées avec la difficulté suprême de l’horlogerie – ces toutes petites dimensions. C’est cela qui m’intéresse, car il existe des matériaux venant de l’aéronautique qui sont inutilisables dans l’espace ou en horlogerie. J’ai aussi fait des expérimentations avec des matériaux utilisés dans l’aérospatiale, mais qui se sont révélés nocifs pour la santé, et donc inexploitables. Ils étaient parfaits pour lancer des fusées dans l’espace, car une fois là-haut il n’y avait aucun problème.  Mais nous sommes obligés de faire des tests approfondis pour nous assurer qu’ils sont antiallergiques. Et puis, il y a aussi le problème de l’usinage. Certains matériaux sont tout simplement impossibles à usiner.

 

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"Les boîtiers en saphir sont une horreur : il faut 3 mois pour en fabriquer un seul"

Y a-t-il donc des limites à ce que vous pouvez faire en termes de matériaux ?
Non, aucune. Notre manufacture (aux Breuleux) peut produire de très petites quantités et passer d’un matériau à l’autre. C’est à chaque fois une nouvelle aventure. Par exemple, certains types de carbone émettent de la poussière hautement corrosive qui dégradent les outils. Nous passons beaucoup de temps à nettoyer et réparer les outils, et à reprogrammer les machines.  Les boîtiers en saphir sont une horreur : il faut 3 mois pour en fabriquer un seul.

Vous êtes proche du monde des courses automobiles et depuis peu, partenaire de l’écurie E.Dams de Formule E. Une montre dédiée est-elle prévue ?
Non. J’ai quelques idées, mais elles ne seront pas réalisables tout de suite.  Notre temps de développement moyen est d’environ trois ans, et peut aller jusqu’à sept ans.

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