Andy Warhol portait une montre Piaget avec cadran en pierre dure – parce que l’homme dépassait les conventions de style, les attributs de matériaux. L’épaisseur sociale attachée à du lapis lazuli ou de la malachite, Warhol n’en avait que faire. Il portait cette Piaget parce qu’il l’aimait.
Certes, tout le monde n’a pas l’esthétique aussi affûtée que celle du maître. Il n’empêche : alors que tombent (enfin !) les barrières de la montre pour femmes ou hommes, les matériaux emportent toujours leur lot de préjugés sexués. Si les diamants commencent tout juste à s’en débarrasser, la nacre résiste. Elle serait une matière « féminine ». Pourquoi ? Nul ne le sait. La nature ne l’a certainement pas conçue comme telle. Pourquoi l’être humain la restreindrait dans une case si étroite ?
Des débuts récents
Heureusement, certaines marques ont franchi ce Rubicon. François-Paul Journe, par exemple. En 2012, l’horloger dévoile à Genève sa dernière création, l’Edition Boutique Nacre, alliant la nacre avec un tour d’heures orné de chiffres arabes et, au centre, un guillochage clous de Paris. Ce cadran nacre était proposé pour le Chronomètre Souverain, l’Octa Automatique Lune ou l’Octa Automatique Réserve, signe d’un réel engagement de la marque dans la nacre.
Quatre ans plus tard, Vacheron Constantin dévoilait une étonnante collection, les Métiers d’Art Elégance Sartoriale. Dédiée à l’homme dandy, cassant quelques codes, elle affichait un étonnant jeu de cadrans guillochés et d’entrelacs où le tour des heures et minutes s’habillait de nacre blanche.
L’année suivante, en 2017, Omega proposait une De Ville arborant une nacre grise sur son cadran. Son diamètre idéal de 40 mm la rendait parfaite pour les hommes comme pour les femmes.
Citons également le cas de Parmigiani Fleurier avec sa Tonda 1950.
La pièce associe une finition Rainbow avec un cadran nacre grise, une combinaison rare. Enfin, dans l’actualité brûlante se trouve Ulysse Nardin qui vient, en ce début février, de dévoiler sa nouvelle Skeleton X Sparkling – une proposition atypique puisque c’est le barillet qui est ici drapé de nacre.
Complications nacrées
Pour Jaquet Droz, spécialiste des cadrans minéraux, la nacre est depuis longtemps partie prenante de ses créations. L’un de ses automates, le Loving Butterfly Automaton, incarne aujourd’hui cette créativité, avec un boîtier de 43 mm au sein duquel se déploie un cadran en nacre grise, territoire d’expression d’un charriot tiré par un papillon animé.
Autre maison, autre complication : la Midnight Poetic Wish, création portée par Van Cleef & Arpels dans le cadre de ses Complications Poétiques. La maison a créé des pièces en grand nombre féminines mais cette version de 43 mm en or blanc peut également se porter à un poignet masculin.
Chez les indépendants, la proposition de Greubel Forsey n’est pas la plus connue. Il existe pourtant une rare déclinaison d’un Balancier Contemporain, ici sertie, mais qui n’a pas nécessairement à l’être en permanence – et avec un diamètre de 41,6 mm, la pièce se porte avec aisance sur un poignet masculin. Enfin, moins « compliquée » mais toujours d’une rare technicité, Richard Mille a constaté que sa RM-037 est aujourd’hui autant appréciée des poignets masculins que féminins. Et ce n’est pas un hasard si la marque possède aujourd’hui sa version avec cadran nacre.
Premier prix nacré
Reste que les maisons aux tarifs plus accessibles, donc plus grand public, affichent un certain retard lorsqu’il s’agit de démocratiser la nacre pour hommes. Doit-on en conclure que le matériau séduit d’abord une frange de collectionneurs matures avant de se diffuser à plus large échelle ? Corrélation n’est pas causalité mais le doute subsiste.
Raymond Weil fut l’une des rares à proposer une montre homme avec cadran nacre au début des années 1990, dans sa collection Parsifal.
Aujourd’hui, quelques rares marques poursuivent l’aventure, à l’image de Tissot avec sa Le Locle Powermatic 80, avec cadran nacre noire, au prix public conseillé de 590€.
