Qu'est-ce qu'une montre pour dames ? Auparavant, c'était une montre conçue pour les dames. Aujourd'hui, c'est une montre achetée par les dames. La différence est de taille. En effet, les femmes achètent des montres pour hommes depuis longtemps. Alors les marques se sont engouffrées dans la brèche et on lancé des collections de montres d'hommes, pour les femmes. C'est-à-dire avec un petit coup de maquillage sur le cadran et le bracelet. Et les montres pour femmes, seulement pour femmes, rien que pour les femmes dans tout ça ? Il en reste.
Le grand détournement de la montre hommes a été l'un des moteurs des tendances horlogères de ce siècle. Puisque les femmes ont d'abord emprunté les montres de leurs hommes, puis se sont mises à acheter les mêmes que leurs hommes, ces messieurs ont fait monter les curseurs de la virilité. Ils se sont reportés sur des pièces plus grandes, plus massives, indéniablement viriles. La surenchère a été frappante dans les catégories sport.
Puis, les marques ont étendu leurs collections existantes à un nouveau segment entre-deux, en les modifiant légèrement. Rien de plus simple que de faire une montre pour dames. Il suffit de prendre un raccourci. De choisir une montre pour hommes, de préférence pas trop large ni trop épaisse, et de lui mettre du rouge à lèvres doublé d'un trait d'eye-liner sur fond de poudre Terracotta. Autrement dit un cadran nacre, une lunette diamants et un bracelet en satin blanc ou gris perle. Le tout pas forcément en métal précieux. Le bénéfice collatéral de cette manœuvre est d'utiliser des mouvements mécaniques, vers lesquels les femmes ne penchent pas toujours volontiers.
Mais ces deux dernières catégories sont des détournements, des extensions, des modifications. Et elles sont tellement nombreuses, ces pièces qui pourraient être, ou sont, portées par des hommes, mais qui le sont par des femmes ! Même les tout petits diamètres ont des clientèles masculines, en Chine, au Japon et même dans la vielle Europe où 34 mm n'est pas forcément une taille fillette. Elles sont partout et la mixité s'est cumulée à un refus de la prise de risque en matière de design. D'où l'omniprésence de ces pièces au design intersexué, pas très affirmé, qui visent à ne pas perdre une vente. A plaire à tout le monde. C'est-à-dire, assez souvent, à personne.
Aujourd'hui, il faut trancher, s'affirmer. Si certaines montres naviguent avec aisance sur la frontière entre les genres, floue qu'elle est devenue, il reste une place légitime pour une création féminine, uniquement féminine.
Ce n'est pas qu'une question de diamètre, même si cela joue un rôle. C'est une affaire de style. Le phénomène est identique dans la mode vestimentaire. Un tailleur pantalon, ce n'est pas un costume. Un shorty n'est pas un boxer. Une doudoune cintrée pour hommes taillés à la serpe n'a rien à voir avec une doudoune pour dames à la taille fine.
Elles sont souvent issues de maisons joaillières, ou qui ont fait du bijou une affaire majeure. Elles se nomment Hortensia de Chaumet. Impériale de Chopard. Première de Chanel ou Code Coco. Panthère, Baignoire et Ballon Blanc de Cartier. Ce sera Lvcea ou Diva chez Bulgari. Allegra et tant d'autres pour de Grisogono. Elles sont souvent serties, toujours proposées en or et souvent aussi, en acier. Elles sont plutôt menues, mais c'est un effet de mode relativement récent.
Les marques horlogères aussi on su créer pour la femme sans penser aux hommes. Promesse chez Baume & Mercier. Cat's Eye chez Girard-Perregaux. Symphonette chez Longines. Même si le mâle dicte bien des canons de la montre contemporaine, il reste possible de s'extraire de ces codes esthétiques, fussent-ils détournés à coups de couleurs, de matériaux et de dimensions.