Icône : la Breitling Navitimer 1 Chronographe 41 mm

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Icon: The Breitling Navitimer 1 41 mm Chronograph - Why not...?
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Les marketeurs horlogers adorent le mot icône. On l’utilise partout, souvent, et parfois même bien trop régulièrement. Il est facile, il impressionne, mais peut aussi être un piège. Partons donc à la découverte des icônes horlogères et de leur vie – pas toujours amusante...

D’abord, de quoi parlons-nous ?

D’origine religieuse, le mot icône est désormais aussi associé à un personnage – ou un objet – qui symbolise un courant ou une époque. L’icône est donc une référence, un guide, un exemple à suivre. Pour mériter ce statut, plusieurs éléments sont indispensables. D’abord, il faut « sortir du lot » et s’imposer comme étant soit à l’origine d’une tendance, soit en être un représentant incontestable. A l’instar de son origine religieuse, l’icône a donc une image puissante, qui s’impose hors d’un cercle de connaisseurs. Elle véhicule un message, attire l’œil et doit être lisible par le plus grand nombre.

Au-delà d’être « visuelle », l’icône est aussi temporelle. Elle s’inscrit dans la durée et se renforce avec le temps. Pour être une icône, il faut donc passer à travers les époques, résister à l’usure du temps et continuer à s’imposer quelles que soient les nouvelles références, tendances ou modes. Tel un phénix, cette dernière peut mourir, mais saura toujours renaître au moment propice. On y revient toujours !

Suffit-il d’avoir une image forte et une capacité à durer pour rentrer dans ce panthéon du marketing ?

Pas uniquement. D’autres éléments se rajoutent rapidement. D’abord, l’image ne doit pas uniquement être forte. Elle doit être universelle. C’est-à-dire qu’elle dépasse les frontières et unifie. En gros, tout le monde « connaît » l’icône et peut s’y référer.

Ensuite, elle perd son statut d’objet, pour devenir une émotion.

Quasi-divine, l’icône rassure parce qu’elle est stable et qu’on a l’impression de la connaître. Elle devient par là même intouchable. Essayer de la changer, c’est prendre de grands risques. Comme c’est une figure de proue, l’icône est aussi une cible facile, qui peut cristalliser les haines et les rancœurs.

Tout n’est donc pas rose au pays des célébrités, mais pourtant, le mot continue d’attirer et reste une base du vocabulaire marketing.

D’ailleurs, puisque nous parlons de marketing, posons-nous une autre question : qui crée l’icône ?

Certains pensent qu’il s’agit d’apposer ce nom sur un objet pour lui attribuer cette distinction. C’est justement la source du problème. « On » ne se décrète pas icône, on le devient – souvent – malgré soi.

En effet, aucun objet n’a été initialement créé pour devenir une référence.

Si cela reste le fantasme de tout chef de produit, l’intention ne crée pas le statut et, souvent, il n’apparaît qu’avec le temps. Il y a donc un effet retard, difficile à quantifier et à anticiper. Qui aurait pensé que la 2CV de Citroën ou la Beetle de VW, le Coke ou le Mocassin 180 de Weston deviendraient de telles légendes ? Personne.

Son image et sa présence sont telles que l’icône capte toute la lumière. On ne pense qu’à elle et on s’y réfère tout le temps. Si elle est immortelle et si puissante, l’icône est aussi une menace. Elle est dangereuse, car elle tue, non pas par des actes rapides et violents, mais par une mort douce, un baiser fatal.

Nombreux sont ceux qui ont essayé de lui faire de l’ombre, ils ont disparu et elle est toujours là. Pensons, par exemple, aux téméraires qui ont voulu changer la formule du Coca-Cola en 1985. D’autres ont voulu créer de la concurrence, ou essayer de la faire descendre de son piédestal. Bien mal leur en a pris. La concurrence n’a que très peu de chances de s’imposer et rares sont les marques qui peuvent se targuer d’avoir plusieurs icônes. 

Enfin, l’icône crée la jalousie. On veut l’approcher et si cela s’avère impossible, on va trouver d’autres moyens. Comment ? En se tournant vers de fausses icônes. L’icône est donc à l’origine des faussaires, qui remplissent un vide « sentimental » en fournissant du rêve à celles et ceux qui ne peuvent pas y accéder. 

Voilà, l’icône est autant un atout qu’une menace. Et l’horlogerie le sait bien...

La bonne chose avec ce sujet, c’est qu’il suffit d’écrire « icône horlogère » pour que chacun d’entre nous mette quelques noms sur la – longue – liste de ces monstres sacrés. La Submariner, la Speedmaster, la Reverso ou la Royal Oak. La liste est, bien sûr, bien plus longue. Ces montres ont marqué leur époque, elles restent vivantes aujourd’hui et leur pouvoir d’attirance ne diminue pas. On se sent proche d’elles, au point de leur donner parfois des surnoms (à vous de trouver : la Pepsi, la Pogue, la Subzilla, la Anakin, la Willard, ou l’Ultraman) et une existence propre qui dépasse celle de leur marque d’origine (on dit La Sub ou La Speed sans citer leurs marques).

Les icônes et la Breitling Navitimer 1 Chronographe 41 mm

Elles se sont imposées alors que leurs origines ne les prédisposaient pas à ce succès. Qui faisait de la plongée quand la Sub est née ? Ou, pourquoi donc une montre de pilote automobile qui part dans l’espace devient-elle plus tard un tel succès commercial ? Comment une montre réservée à l’intelligentsia du polo s’est-elle imposée comme un classique horloger ? Ou, qui aurait pu imaginer que quelques vis et une lunette octogonale allaient changer la destinée d’une marque ?

Un destin, une image, un nom. Voici donc la trilogie du rêve horloger.

Mais toute réussite a un côté noir.

Certaines marques sont aujourd’hui prisonnières de leurs pièces maîtresses. Elles ont pris le pouvoir et tué leur maître. Tel Frankenstein, elles échappent au contrôle et vivent leur propre vie. Il faut alors « faire avec » et accepter leur influence. Jaeger-LeCoultre peut-elle vivre sans la Reverso et Panerai sans ses Luminor ? Probablement que non.

Pourquoi Breitling ?

Pour moi, l’icône de Breitling s’est d’abord appelée la Chronomat.

C’est en 1984 que Breitling a relancé ce modèle né dans les années 40. Il faut noter ici que les premiers chronographes Chronomat ont inspiré la Navitimer dont nous parlerons plus tard. Mais comme le cœur a ses raisons que la raison ignore, pour moi, le Chronomat reste le modèle dans sa version eighties ! J’ai passé de longues heures à admirer cette montre qui se distinguait des autres par de nombreux aspects : sa taille, ses rondeurs, sa lunette si particulière ou ses déclinaisons « professionnelles » pour diverses patrouilles aériennes, dont les fameuses Frecce Tricolori [ndlr : les flèches tricolores en français] ou la Patrouille de France. Jusqu’au jour où j’ai pu passer à mon poignet ce qui restera ma première « belle » montre, une Chronomat à fond blanc montée sur un bracelet en veau vert foncé.

Les icônes et la Breitling Navitimer 1 Chronographe 41 mm

Au-delà de cette pièce, Breitling reste très largement perçue comme une marque de chronographes, avec la chance de pouvoir afficher dans ses collections deux montres qui ont marqués l’histoire de l’horlogerie : la Chronomat et la Navitimer (et sa déclinaison Cosmonaute).

La marque de Granges est née en 1884 et ses recherches lui ont permis de contribuer grandement au développement des chronographes. C’est Breitling qui invente le premier poussoir indépendant en 1923, auquel elle ajoute un second poussoir pour la remise à zéro quelques années plus tard. Le design du chronographe classique à deux poussoirs et une couronne est ainsi né. Il restera ainsi jusqu’à aujourd’hui. C’est aussi Breitling qui contribuera au premier mouvement chronographe automatique en 1969 avec le Calibre 11, créé en partenariat avec Heuer et Buren. C’est enfin Breitling qui continuera de développer les technologies liées au quartz (l’Aerospace) ou à l’électronique (l’Emergency).

Les icônes et la Breitling Navitimer 1 Chronographe 41 mm

Aujourd’hui, Breitling continue à asseoir son succès sur ses deux piliers historiques, mais essaie aussi de trouver d’autres alternatives, comme la nouvelle Navitimer 8 qui est une tentative courageuse de repenser une icône en la privant de son principal élément d’identification : sa lunette.

La Breitling Navitimer 1 – 41 mm : sans changement de taille !

L’histoire de la Navitimer commence avec son ancêtre la Chronomat de 1942. A cette époque, Breitling lançait ce qui pourrait être la première smartwatch, une montre qui intégrait différentes règles à calcul, indispensables pour les pilotes de l’époque.

10 ans plus tard, ce sera la Navitimer qui poussera encore plus loin cette idée d’instrument professionnel pour pilote en revisitant sa règle à calcul et en lui rajoutant plusieurs fonctionnalités. La Navitimer, telle qu’on la connaît encore aujourd’hui, était née. Il y aura ensuite de nombreuses versions, passant d’un mouvement mécanique à un automatique – puis au quartz. Ses dimensions changeront au gré des décennies et des modes (41, 43, 46, 48, 49 mm). Au fil des ans, Breitling dotera sa Navitimer de différentes fonctions, comme le GMT ou le calendrier perpétuel.

Les icônes et la Breitling Navitimer 1 Chronographe 41 mm

La marque connut le succès, mais aussi l’échec en disparaissant brièvement à la fin des années 70. En 1982, elle se relancera et ne cessera plus son activité jusqu’à aujourd’hui. Tout au long de cette période, la Navitimer ne fut pas oubliée et elle revint sur le devant de la scène dans les années 90, avec son design unique.

Ce qui est intéressant – mais aussi frustrant – avec les montres iconiques, c’est que leur look reste immuable, même s’il change ! Au cours de ses nombreuses années de service, la Navitimer a beaucoup changé pour ne finalement pas trop évoluer. Il est facile de la résumer : la règle à calcul, un boîtier rond, des poussoirs bien marqués, trois compteurs et des cornes plutôt élancées.

C’est ce que nous offre cette nouvelle Navitimer 1, dont la taille a été revue à la baisse pour reprendre ses proportions historiques, mais aussi s’adapter à la tendance actuelle. Elle affiche donc 41 mm, ce qui la remet au niveau de ses ancêtres. Auparavant, la taille la plus réduite était de 43 mm, et ces 2 mm font toute la différence.

Hormis ce changement, notre « nouvelle » classique Navitimer 1 nous propose tout ce qui a fait d’elle un monument horloger.

Les icônes et la Breitling Navitimer 1 Chronographe 41 mm

Proposée en or et acier, ou en acier, elle se décline en plusieurs couleurs de cadrans : noir, bleu et crème/argenté. Si je reste un fervent supporter de la version noire, comme la 806 de 1952, je suis aussi très attiré par la version bicolore. J’avoue n’avoir jamais été un grand fan de ces modèles or et acier, mais, pour je ne sais quelle raison, la combinaison marche sur cette Navitimer, surtout que la montre conserve son aiguille centrale rouge, renforçant ainsi la chaleur de cette pièce et son aspect vintage.

Le calibre 13 Chronomètre qui l’équipe est une déclinaison Breitling du fameux Valjoux 7750, reconnaissable à la disposition des compteurs à 12h, 6h et 9h, ainsi qu’à la présence d’une date à 3h. Il est visible grâce à un fond saphir.

La montre est proposée sur un bracelet en cuir, noir, bleu ou brun, équipé d’une boucle ardillon.

En résumé, nous voici en présence d’une belle montre, dont les proportions s’adaptent à tous les poignets.

Qu’en pense l’avocat du diable ?

Parler d’icône devant le diable revient à prendre un gros risque ! Il les déteste !

Plus sérieusement, si cette Navitimer semble bien née, il faut donc lui trouver quelques défauts.

A mon sens, le principal est le bracelet en cuir. Breitling a toujours réalisé de beaux bracelets, épais, solides et qui respirent la qualité. Rien à redire. Sauf que lorsque la montre subit une belle cure d’amaigrissement, le bracelet épais ne marche plus. Il est en décalage avec la finesse de la boîte et son diamètre. Il fait « faux ». Et c’est dommage.

J’aurais adoré voir un mesh fin, un bracelet en canvas beige aux coutures vintage ou un cuir vieilli. La bonne nouvelle c’est que Breitling a doté sa Navitimer 41 d’une boucle ardillon et que de multiples options restent présentes sur le marché pour remédier à ce – petit – défaut.

Mon autre souhait serait de voir le fond transparent et la date disparaître. Cette dernière alourdit le cadran déjà compliqué de la Navitimer et le fond saphir n’apporte pas grand-chose. Je lui préférerais un fond lisse et simple, comme ses aînées.

Montre iconique, style iconique !

Le choix est donc simple. Pour accompagner la Navitimer, il faut l’assortir avec d’autres références de la mode et de l’habillement.

Pas de chemise, mais un polo. Et seulement un Lacoste. Né en 1927, mais commercialisé à partir de 1933, choisissez une réédition du L12.12, le premier d’une longue série. Il devra rester sobre, blanc ou bleu.

Après, rien de mieux qu’un chino ou slack. Là encore, nous sommes en présence d’une pièce d’habillement historique, venue cette fois-ci de l’équipement militaire. Difficile de savoir quelle marque l’a popularisé, alors sentez-vous libres de choisir, il y en a pour tout le monde, à condition de bien choisir sa couleur, qui devra rester en accord avec son autre nom : le kaki.

Pour la ceinture, je pense immédiatement à une Hermès avec boucle H. Et pour les souliers, le choix se fera entre des mocassins 180 de J.M. Weston (cités plus haut) ou des sneakers Adidas Robert Haillet sortis en 1965 et rebaptisés plus tard… Stan Smith.

Il faudra ensuite enfiler une veste, et quoi de plus iconique qu’un blazer ? L’association jean/blazer a été rendue célèbre par Andy Warhol et Fred Hugues, tous les deux connus pour apprécier la mode british. Alors, le blazer pourra venir de Turnbull and Asser (modèle Beeston en cachemire) ou un Chester Barrie (pourquoi pas le Kingly croisé en laine, lin et soie).

Avant de partir pour l’aéroport – n’oublions pas que la Navitimer reste une montre de pilote - il faudra alors remplir votre sac Keepall (né en 1930, comme sac qui « garde tout » - en anglais keep all) de Louis Vuitton et sauter dans une Fiat 500L de 1968, deux autres beaux exemples d’icônes !

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