« Oh la vache ! »

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“Holy cow!” - Claude Meylan
D’où vient l’expression « oh la vache » ? Personne ne le sait. Sauf Claude Meylan, qui apporte une réponse horlogère pour le moins...inattendue

Il y a, durant la semaine horlogère pilotée par Watches and Wonders, beaucoup de montres techniques, sérieuses, voire très sérieuses. Pour des collectionneurs avertis, souvent fortunés. Mais au-delà des travées de Palexpo, un autre univers s’ouvre, celui des marques indépendantes à la créativité débridée et qui, parfois, proposent des nouveautés à contre-courant. C’est le cas de Claude Meylan. 

Talking Meeeuuuh Piece

La marque est spécialisée dans l’univers des montres squelette. Pas nécessairement de l’œuvre d’art établie selon les canons séculaires de la haute horlogerie, mais un squelette plus accessible, plus ludique, et souvent plus créatif. Et ce n’est pas la dernière création présentée cette semaine à Genève qui dira le contraire !

Parce que la montre parle ? Non, mais elle me meugle ! Sur son cadran, la pièce affiche plusieurs niveaux de profondeur. On y voit une coccinelle, les herbes folles d’un champ et, à titre principal, une magnifique vache qui nous regarde d’un œil insistant. Une Reine du Valais ? Peut-être. La pièce n’est pas sans évoquer les dernières créations de Michel Jordi, créateur indépendant qui, naguère, avait créé une collection qui fleurait bon la vache, sa cloche et l’edelweiss. 

« Oh la vache ! »

Quoi qu’il en soit, sous des abords plutôt ludiques, la pièce a le mérite de rappeler les origines terriennes et paysannes des premiers horlogers. Au cœur de la Vallée de Joux, ils occupaient leurs longues soirées d’hiver à ciseler à la main d’infimes composants, ensuite livrés à des ateliers d’établissage pour assembler des montres, d’abord de poche, puis de poignet. 

Nonobstant, la belle facture chère à Claude Meylan est toujours bien présente, avec un mouvement Swiss Made visible à 3h. Il est parcouru de deux aiguilles blanches comme les cimes, à pomme évidée comme une Breguet. C’est tout ce qui confère à cette pièce, au demeurant très attachante, sa double personnalité : ludique par son apparence, historique par son ascendance. Chacun y verra le versant qu’il lui plaît. Et sans faire force démonstrations ni voltiges horlogères compliquées, cette création est probablement l’une des meilleures « talking piece » de la semaine : comment ne pas engager la conversation devant cette saynète horlo-bovidée ? 

« Oh la vache ! »

Mécanique royale

Dire que Claude Meylan fait le grand écart avec sa nouveauté féminine relève de l’euphémisme. La pièce quitte les alpages, et même la Suisse, pour se projeter trois siècles plus tôt, au XVIIIe, à Versailles. C’est là que Claude Meylan a puisé l’inspiration de sa nouvelle création, elle aussi délicatement squelettée. Mais pourquoi Versailles ? Pour son gris « Marie-Antoinette », du nom de l’épouse de Louis XVI qui partagea avec lui jusqu’à son dernier souffle de guillotine. 

La couleur, d’un gris pastel très doux, est en réalité un anachronisme, le « gris Marie-Antoinette » n’ayant jamais eu cours du (bref) vivant de la Reine. Cette teinte est le fruit d’un blanc originel que sa forte teneur en plomb a progressivement dégradé en un gris clair. L’une des nombreuses affres du plomb, également utilisé sous l’Ancien Régime pour éclaircir la peau par un maquillage...hautement toxique. Pour la petite histoire, le blanc de plomb fut aussi utilisé pour blanchir des meubles, en ce cas appelé « Blanc de Saturne », dont on retrouve trace dans le mot « saturnisme », pathologie liée à une exposition excessive au plomb. 

Mais ici, le plomb a bien évidemment disparu, au seul profit de ce gris pastel qui habille la lunette ponctuée de chiffres romains. On remarque les aiguilles Breguet qui, avec une belle acuité, trouvent ici leur pertinence historique – Marie-Antoinette comme Louis XVI étaient clients de Breguet. Le mouvement, quant à lui, sera d’un joli rose poudré. Dans le même esprit, le bracelet n’est pas en cuir traditionnel, mais en satin gris, lui aussi beaucoup plus cohérent eu égard à l’inclinaison altière de la pièce. La base du calibre, un ETA 2892, se fond dans un boîtier acier d’un délicat diamètre de 35 mm, pour 42 heures de réserve de marche royale. Subtile et raffinée !

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