CPO, vous avez dit CPO ?

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Did someone mention CPO?  - Certified Pre-owned
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En quelques petites années, le terme CPO (Certified Pre Owned) s’est imposé. Encore peu de marques en font, mais toutes y pensent. Pourquoi ?

L’obsession d’un grand nombre de maisons est le « tracking », ou suivi. En premier lieu, de ses clients. Savoir qui ils sont, ce qu’ils achètent, où. Le « customer data » est l’un des plus grands enjeux du marketing horloger, probablement parce que c’est encore l’une de ses principales faiblesses, notamment comparé à la (grande) distribution. La data, c’est l’avenir, nous disait déjà en substance Jean-Marc Pontroué, CEO Panerai, il y a quelques semaines.

L’étape suivante, c’est le suivi de la montre, un exercice beaucoup plus difficile. Si des archives aussi riches que celles de Longines permettent de connaître l’origine d’une montre sur plusieurs siècles, rien n’est en revanche plus difficile que de connaître ses propriétaires successifs, ses réparations, ses modifications, les prix auxquels elle se revend. En somme, sa vie. Sauf à ce que les marques s’occupent elles-mêmes de tout cela. C’est le CPO.

Idée ancienne, nouvelles étapes

L’idée n’est pas nouvelle mais est longtemps restée discrète. Dès 2010, Vacheron Constantin vendait en certaines de ses boutiques une petite sélection de pièces que la manufacture avait rachetées, documentées, restaurées. Des pièces vintage exclusivement, pour ne pas venir en vente concurrentielle aux montres neuves, et une manière habile de contrôler, à une échelle test, la qualité et le prix des montres Vacheron Constantin sur le marché de l’occasion, de manière à éviter tout dérapage pouvant écorner l’image de la vénérable manufacture. Autre maison majeure à s’intéresser au sujet : Audemars Piguet. Un pilote est en cours depuis 2018 à Genève et au Japon, en s’appuyant sur les détaillants multimarques de la marque. Pour le moment, il ne s’agit que de la vente de pièces d’occasion, pas (encore ?)de rachat.

CPO, vous avez dit CPO ?

Depuis, trois changements sont intervenus. Le premier : la généralisation du procédé. Panerai (en ses boutiques de Paris, Hong-Kong, Munich et bientôt des Etats-Unis), MB&F, H. Moser & Co, Urwerk, bientôt De Bethune (fin de 2020) s’y sont mise ou vont s’y mettre. Les marques qui ont de petits volumes de production sont naturellement plus enclines à les maîtriser – volonté qui serait de toute manière vaine avec des volumes tels que ceux d’Omega, Seiko ou TAG Heuer.

CPO, vous avez dit CPO ?

Pour Max Büsser, le CPO est un jeu gagnant – gagnant : « C’est un moyen de montrer à nos clients que nous prenons soin d’eux, qu’ils comptent pour nous. Nous avons lancé notre CPO courant 2018 et avons déjà pu trouver une vingtaine de pièces pour des collectionneurs qui les voulaient, de la part d’autres collectionneurs qui s’en séparaient. Les règles du jeu sont simples : une pièce CPO ne doit jamais, absolument jamais, même à un seul exemplaire, être encore proposée neuve chez un de nos partenaires. Ce ne sont que des pièces 100% épuisées en boutique. On ne négocie jamais le prix de rachat, que nous sommes également libres d’accepter ou pas. Une fois l’entente trouvée, on reprend la pièce, on la refait à neuf, nous contrôlons mouvement et faisons un rhabillage complet, et elle ressort de chez nous avec deux ans de garantie ».

Nouvelle donne, nouveaux joueurs

Deuxième changement : l’entrée d’acteurs « boutique » dans la course. C’est par exemple le cas de Tourneau. L’enseigne américaine a dédié une page officielle de son site à la revente de montres d’occasion. C’est aussi le cas de Bucherer, qui se tourne vers le CPO en ce moment-même.

Toutefois, d’autres détaillants ont un point de vue contraire. C’est notamment le cas de Laurent Picciotto, président fondateur de Chronopassion. « Je n’y crois pas », tranche l’intéressé. « C’est surtout un moyen de se constituer un stock gigantesque, très hétérogène, dont la valeur réelle est hautement imprécise. Par ailleurs, le client qui veut du neuf n’est pas celui qui veut de l’occasion. Ce sont deux profils différents. La plupart des clients qui sont dans l’optique de l’occasion, c’est avant tout pour se séparer d’une montre et pas nécessairement pour en racheter une autre, de surcroît pas toujours dans la même boutique. Ce métier où l’on peut rapidement se perdre n’est tout simplement pas le nôtre ».

CPO, vous avez dit CPO ?

De nouveaux acteurs intermédiaires

Enfin, dernier changement : la prise en main de ce marché par des acteurs spécialisés, qui ne font que cela. Le cas le plus emblématique est celui du groupe Richemont, qui a racheté en 2018 le britannique Watchfinder, leader mondial dans l’achat et la vente de montres haut-de-gamme de seconde main.

Watchbox est né de la même volonté en 2015, avec une antenne à Neuchâtel dirigé par l’ancien CEO d’Ulysse Nardin, Patrick Hoffmann. La plate-forme a enregistré 45'000 transactions en deux ans, pour un prix moyen de 15'000 USD. Elle compte en ses rangs de multiples analystes capables de donner, en temps réel le cours de la valeur d’une montre, comme pour un ordre boursier. Watchbox détient en propre la totalité de son stock, valorisé à environ 80 millions d’USD, pour un chiffre d’affaires de 240 millions d’USD.

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