Ce fut d'abord 2,5 Hz. Puis 3, puis 4. La fréquence à laquelle les mouvements battent a longtemps représenté un enjeu majeur, tant technologique que commercial, quand le commercial s'appuyait encore sur la performance technologique. Le nombre allers-retours qu'effectue le balancier d'un mouvement mécanique est un des moyens les plus sûrs, et prestigieux, d'en garantir la précision de marche. Alors quand Zenith a réussi à installer El Primero sur la branche des 36 000 en 1969, la marque a défini ce qui est resté un maximum durant plus de trente ans.
D'autres l'y ont rejoint. Certains dans les années 60 et 70, Girard-Perregaux et Longines, mais ils se sont éloignés de ce plateau, n'ayant pas su y trouver un avantage commercial suffisant, et ayant fait face à des problèmes de fiabilité redoutables. Atteindre le cap du “36 000” était donc une véritable morceau de bravoure. Puis une courte épisode de fréquences encore supérieures (6, 8 et 10 Hz) au tournant des années 2010, a atténué l'auréole de ceux qui avaient réussi à atteindre ce plafond. Un plafond qui n'est donc plus de verre. Et pourtant, quel effort a représenté le petit saut incrémental qui fait passer la fréquence des mouvements de 28 800 à 36 000 alternances par heure !
C'est d'ailleurs toujours un petit club. Il est constitué d'une douzaine marques, qui exploitent toutes, et avec plus ou moins de discrétion, des calibres battant à ce que l'on est encore en droit d'appeler haute fréquence. Certes, on réalise l'ironie de ce terme quand, depuis aussi longtemps que les mouvements mécaniques sont passés à 5, les quartz, eux, battent sans sourciller à 32 768 Hz ! Mais eu égard aux contraintes physiques que cela représente, 5 Hz est encore et toujours une zone où l'oxygène est rare...et l'huile aussi.
Car la question de la lubrification est encore le coeur de la problématique de la fréquence. Rien de complexe à faire battre un balancier à grande vitesse. Le problème est que les autres pièces qui l’accompagnent, ancre et roue d'ancre, elles, n'arrivent pas tenir la distance.
Les frictions à l'échappement sont très fortes. Pour y remédier, il faut lubrifier, plus et/ou mieux. Et quand on lubrifie plus, l'huile est éjectée par l'accélération des composants. L'obstacle est haut surtout quand il faut faire fonctionner tout le mouvement à cette fréquence, mais les contraintes apparaissent déjà sur les mouvements à double chaîne cinétique comme la Breguet Tradition Chronographe Indépendant 7077, dont seule la partie chronographe est à 5 Hz. La recherche en tribologie a fait d'importantes avancées, qui ont résolu la question. D'un côté, les huiles sont d'une technicité inédite et de l'autre, le silicium permet une lubrification naturellement à sec.
Zenith (et par conséquent, Bulgari), Patek Philippe, Grand Seiko, Vacheron Constantin, DeBethune, Parmigiani et Richard Mille via Vaucher Manufacture, Longines via ETA, Omega via Blancpain et ce dernier bien entendu y ont recours. Mais tous les calibres à 5 Hz n'embarquent pas de composants en silicium. Zenith exploite les deux options, silicium ou aciers et palettes en rubis. Ce qui est bien la preuve que l'ingéniosité en horlogerie s'appuie à la fois sur l'innovation de rupture et sur l'optimisation de l'existant.