Le problème de la lisibilité

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A question of legibility  - Watch dials
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Couleur ton sur ton, typographies trop petites, cadrans saturés d'indications nuisent à la lisibilité des montres. Le problème est qu'il ne s'agit pas toujours d'un effet de style.

La montre n'est pas seulement cet outil fonctionnel qui donne l'heure. Il est aussi un exercice de style, un concentré de technicité, un moyen de différenciation. Il arrive parfois que ces deux natures se contrarient, voire s'annulent, rendant une montre illisible. Il suffit d'un jeu de couleurs, d'un foisonnement de marquages, d'une taille de typographie sous-estimée et les informations du cadran deviennent tout d'un coup impossibles à décrypter.

Premier écueil, celui de la couleur et une en particulier : le noir. Le style commando a connu une phase de gloire, éphémère mais qui lui a permis d'atteindre ses limites. Cadran noir, boite noire, aiguilles noires et typographies noires, même en plissant les yeux au soleil, on n'est pas tout à fait sur de l'heure qu'il est. L'étonnant est que ce résultat est un sous-produit de la montre de sport qui a justement comme habitude de rester ultra lisible, l'exemple le plus marquant étant la montre de plongée. Poussé à l'extrême du concept pour le concept, le ton sur ton a carrément conduit quelques marques niche à proposer des montres au verre saphir occultant, opaque, noir.

Second écueil, le rapport d'échelle entre la montre et son mouvement. Les boîtiers et les cadrans ont grandi depuis quinze ans et il est facile de les adapter aux goûts du jour. Les mouvements, eux, ne se développent pas comme des petits pains. Pour continuer d'utiliser des calibres taille M dans des montres XL, nombre de nouveautés disproportionnées ont ainsi peuplé les vitrines horlogères. Avec comme résultat typique des sous-cadrans de calendrier perpétuel qui louchent près du centre et 48 mois consécutifs indiqués dans un cercle de 0,8 cm de diamètre.

Troisième risque, la surpopulation. Les montres à complication sont l'objet d'une surenchère qui multiplie les informations sur les cadrans. A force, on ne s'y retrouve plus vraiment. Le phénomène touche au sublime avec les montres squelette compliquées. Aiguilles ajourées, cadran saphir laissant parfaitement voir un écheveau de composants eux-mêmes squelettés, un chat n'y retrouverait pas ses petits.

Ces difficultés de lecture peuvent relever une volonté affichée. La marque assume alors pleinement ses choix et le client les accepte comme tels. Mais il peut s'agir d'une faute de design. Les montres sont développées sur des écrans d'ordinateur haute définition de 24 pouces et plus, affichés à un grossissement de 800%. Or un cadran mesure en général 35 mm de diamètre et il ne faut pas perdre ce fait de vue.

Le vrai risque lié à ces questions de lisibilité est qu'il laisse de côté bonne partie de la clientèle de l'horlogerie haut de gamme, les presbytes. En effet, après 50 ans, la vue de près baisse. C'est aussi là que le niveau de vie est le plus élevé. La conjonction d'une carrière au sommet, d'enfants partis du nid et du besoin de plaisirs égoïstes conduit à l'achat de belles montres. Or ce que les américains appellent « mid-life crisis » se conjugue avec le recours à des demi-lunes pour lire son journal... et sa montre. L'oublier est un risque d'échec commercial.

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