Entretien avec Julien Tornare : partie 2

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In Conversation With Julien Tornare: Part 1 - Zenith
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Le CEO de Zenith se confie à propos de la nouvelle initiative DreamHers de la marque, de la catégorisation par genre en horlogerie et de la description de Zenith qu’il aime le moins

Zenith est au sommet de son art. Demandez à n’importe qui, des journalistes aux détaillants en passant par les observateurs de l’industrie. L’un des domaines dans lequel Zenith est aux avant-postes des marques traditionnellement orientées vers le public masculin est sa nouvelle approche du versant féminin de l’horlogerie, à la fois en termes de produits et de public. Récemment, le premier événement international célébrant son initiative DreamHers, lancée l’an dernier comme une campagne sur les réseaux sociaux pour mettre en valeur des femmes exceptionnelles dans leurs domaines et aujourd’hui plateforme à part entière, s’est tenu à Madrid. WorldTempus a eu la chance de rencontrer le leader de cette marque dynamique, le non moins dynamique Julien Tornare, et de discuter avec lui de l’avenir de Zenith.

Je suis entièrement d’accord avec vous sur le fait qu’une entreprise doit aller au-delà des montres elles-mêmes et travailler sur son image.
Vous ne pouvez pas être une compagnie du 21ème siècle avec une mentalité du 19ème. Certaines personnes me disent, d’accord, une approche dénuée de connotations de genre, c’est très bien, mais vous ne vous attendez tout de même pas à vendre des montres serties de diamants à des hommes ? Et je réponds : nous l’avons déjà fait. Et plutôt souvent. Et honnêtement, même si vous prenez la montre la plus féminine du monde, qu’est-ce que cela peut faire si un homme souhaite la porter ? Qui suis-je pour lui dire que cette montre est destinée aux femmes et non à lui ? C’est intéressant, parce que vous voyez des femmes porter des montres catégorisées pour hommes, et c’est perçu comme quelque chose de cool, de tendance même. Mais les gens voient un homme acheter une Defy Midnight et ils remettent cela en cause ? Ce n’est pas juste. Pourquoi pas une Defy Midnight sur le poignet d’un homme ? Nous avons des clients – des hommes – qui ont acheté la Defy Midnight 36 mm sertie de diamants pour eux-mêmes.

Entretien avec Julien Tornare : partie 2

J’ai vu que nous étions tous deux cités dans le même article du Financial Times l’autre jour, précisément sur ce sujet. Vous avez déclaré qu’il était temps d’en finir avec cette catégorisation vieux jeu.
Mon avis était que nous devrions continuer à faire les mêmes montres, mais cesser d’insister sur qui devrait les porter. J’ai le sentiment que les gens sont réfractaires à l’idée de montres non genrées parce qu’ils croient que nous voulons les pousser à ne faire que des montres unisexes. C’est tout à fait faux. Nous devrions continuer à faire des montres masculines, mais cesser de dire que seuls les hommes peuvent les porter. Continuer à faire des montres féminines, mais cesser de dire que seules les femmes peuvent les porter.

Exactement, parce que nous sommes une entreprise moderne, voilà tout. J’ai fait une présentation devant quelques détaillants l’autre jour, et l’idée leur a beaucoup plu. Être une compagnie moderne ne consiste pas seulement à utiliser des matériaux innovants. Nous ne nous définissons pas comme une entreprise du 21ème siècle sur ce seul critère. Cela doit concerner la culture tout entière de l’entreprise. Et dans ce domaine, nous apprenons tous sur le tas. Par exemple, l’an dernier, nous voulions parler davantage de notre retour dans le secteur des montres féminines, que nous avions peu abordé les années précédentes. Nous avons choisi un point de vue avec des femmes achetant ces montres féminines, puis nous avons réalisé que beaucoup de ces femmes préféraient des montres plus grandes, pas seulement des modèles en 36 mm. Aujourd’hui bien sûr nous savons que nous ne pouvons pas simplement approcher les consommatrices de cette façon. Il ne s’agit pas spécifiquement de la Defy Midnight, par exemple, mais plutôt de la culture de notre marque. Et vous verrez que le concept et la plateforme DreamHers évolueront au sein de la marque de cette manière.

Entretien avec Julien Tornare : partie 2

Selon les réactions que j’entends, je peux confirmer que c’est une magnifique direction à prendre. Je suis membre d’un groupe WhatsApp de plus de 150 femmes collectionneuses et passionnées de montres. Et vos déclarations trouvent vraiment un écho chez elles. J’ai partagé avec elles ce que vous avez dit dans l’article du Financial Times et la réponse a été 100% positive.
Vous savez, ce n’est pas du marketing, c’est vraiment quelque chose que je ressens, que je crois, que je pratique dans ma vie personnelle, avec ma famille. Cette division rose-bleu pour les garçons et les filles, je ne l’aime pas. Je dis à ma fille d’aller jouer au football avec ses frères, d’essayer de les battre. Si mon fils joue avec des poupées, il n’y a pas de problème. Je jouais avec les poupées de mes sœurs quand j’étais enfant et je ne crois pas que cela m’ait traumatisé. Evidemment je n’essaie pas de changer le monde avec ce que nous faisons chez Zenith, mais je veux vraiment que nous soyons perçus comme une marque qui est réellement présente ici et maintenant, une marque qui s’adapte à la société dans laquelle elle vit, une marque qui évolue. Notre marque a 156 ans, et nous sommes encore là parce que nous avons évolué de différentes façons au fil des années. Lorsque je suis arrivé chez Zenith, il y avait ce conservatisme que les gens associaient avec nous, le côté poussiéreux de Zenith, on nous appelait la Belle au Bois Dormant. Je ne veux plus jamais entendre cela. Les choses ont été incroyables pour Zenith cette année, mais nous ne nous arrêterons pas là. Nous allons continuer à avancer.

Entretien avec Julien Tornare : partie 2

Avancer vers le futur ? Dans quel autre domaine peut-on voir cela au sein de la marque aujourd’hui ?
En général nous essayons de travailler d’une façon conforme à la société actuelle et non à nos propres convictions, qui se sont peut-être forgées à une autre époque. J’ai presque 50 ans maintenant, et je vois tellement de gens, des collègues qui ont entre 50 et 60 ans qui pensent encore avec des mentalités d’hier. D’un autre côté il y a quelqu’un comme Jean-Claude Biver, qui a 72 ans et qui dit qu’il faut écouter les jeunes parce qu’ils savent de quoi il retourne. Nous devrions avoir l’humilité d’admettre que nous ne savons pas toujours mieux parce que nous avons plus d’expérience, un titre plus ronflant, un plus haut salaire, etc. Regardez la montre Defy 21 Felipe Pantone. Ce jeune homme de notre équipe des réseaux sociaux, 24 ans, il vient vers moi en disant que nous devrions faire quelque chose avec un artiste de rue. Ma première réaction, celle d’un gars de 49 ans, est de dire qu’à mon époque nous mettions les gens qui faisaient des graffitis en prison. Maintenant ce sont des superstars. La montre s’est avérée incroyable, et j’ai dit au jeune homme des réseaux sociaux : vous avez raison, je suis peut-être plus vieux, mais vous savez mieux que moi. C’est exactement ce que nous faisons pour les jeunes gens, à la fois dans l’entreprise et comme consommateurs. Et maintenant aussi avec DreamHers, je suis si fier de cette initiative. Plus je travaille dessus, plus les idées me viennent, et même maintenant je réfléchis à comment cela pourrait prendre une plus grande dimension. Pour être honnête, c’est la chose que je préfère dans ce que nous faisons en ce moment.

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