Interview de Sylvain Dolla, CEO

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Interview with Sylvain Dolla, CEO - Hamilton
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De la montre de plongée à moins de 1'000 francs au test de mouvements en apesanteur, Sylvain Dolla informe WorldTempus des développements chez Hamilton

Comment s’est passé Baselworld pour vous cette année ?

Tout s’est très bien passé excepté pour une collection, ce qui ne m’a pas réellement surpris parce que nous l’avons développée spécifiquement pour le marché japonais. Notre nouvelle ligne Broadway a eu beaucoup de succès, et c’est important car c’est un lancement stratégique pour nous. Mais sinon il est difficile de dégager un produit en particulier, parce qu’ils ont tous bien marché.

La Khaki Navy Frogman est l’une de mes montres favorites de Baselworld cette année. Lorsque je vois tout ce qu’elle offre pour le prix qu’elle coûte, cela me paraît incroyable. Comment faites-vous ?

Je n’oublie jamais que si c’était moi le client, j’y réfléchirais à deux fois avant de dépenser 800-1'000 euros pour une montre. Je crois que nos clients connaissent bien la marque et sont très conscients de la valeur. Dans cette industrie, il est important pour nous de garder à l’esprit que mille euros est une somme importante pour la plupart des gens. Donc je prends toujours le prix en considération. La Frogman est un bon exemple, parce que l’objectif était d’avoir une montre de plongée certifiée ISO, ce qui est déjà un défi technique pour l’équipe. Il fallait qu’elle soit belle, qu’elle ait du caractère, et qu’elle comporte des éléments rappelant le passé de la marque. Et elle devait coûter 995 euros pour la version en 42 mm. Nous savons qu’il y a un grand marché en Europe pour les montres de plongée à moins de 1'000 euros. Nous apportons autant de valeur que possible au produit sans que les coûts prennent l’ascenseur. Par exemple, il eût été sympathique d’avoir une lunette en céramique, mais ce n’était pas possible à ce prix.

Hamilton Khaki Navy Frogman

L’an dernier, vous avez commencé à effectuer des tests en apesanteur sur vos mouvements avec ETA. Quels sont vos objectifs ?

J’ai passé une heure et demie à discuter de ces tests avec les scientifiques d’ETA, mais après deux minutes j’étais déjà perdu ! Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’ETA est très enthousiaste à propos de ces tests car ils vont permettre de réunir des données réelles sur l’une des rares inconnues restant dans le domaine des mouvements de montres. ETA détient de nombreuses analyses scientifiques et d’études théoriques sur les effets de la gravité sur la performance chronométrique, mais n’a jamais pu les tester en pratique. Il y a deux ans, nous avons lancé un grand projet pour essayer de mieux comprendre cela. Les ingénieurs d’ETA ont travaillé au développement  d’un équipement spécial destiné à tester les montres en apesanteur. Nous n’étions même pas sûrs que nous découvririons quoi que ce soit sur un vol en apesanteur et nous avons procédé à une semaine entière de tests avec plusieurs vols par jour avec une approche scientifique, raison pour laquelle nous n’avons pas vraiment communiqué à ce propos.

Les scientifiques ont maintenant compilé leurs résultats et nous avons eu un premier compte-rendu il y a un mois pour décider si nous continuions ou non ces tests. Je peux confirmer que les résultats sont contraires à la logique à laquelle nous nous attendions. Certains résultats ont même montré que les mouvements se comportaient presque comme s’ils avaient un effet de mémoire, donc cela a d’autant plus éveillé l’intérêt des ingénieurs d’ETA. Cela valait vraiment la peine de faire cette expérience.

Pouvez-vous nous donner une idée générale de la situation du marché ? Votre origine américaine a-t-elle une incidence sur le marché ?

Oui, bien sûr, mais nous sommes aussi la marque moyen de gamme leader au Japon et nous réussissons très bien en Corée, où nous sommes numéro 4. L’Italie est aussi un grand marché pour nous, qui a connu une croissance considérable. La Chine est très importante également et ces cinq marchés sont équilibrés, donc l’impact négatif de l’un d’eux ne nous affectera pas autant que d’autres marques.

Pensez-vous que votre politique de prix pourrait vous aider dans la situation actuelle ?

Je suis très optimiste. Le ralentissement sur certains marchés forcera les gens à se remettre en question. Il y a huit ans Hamilton a connu une crise au Japon mais nous sommes parvenus à retourner la situation en travaillant beaucoup. Cela a été facile pour nous sur de nombreux marchés pendant plusieurs années, donc c’est bien de devoir faire face à quelques difficultés. Je crois que dans notre segment de prix il y a encore un énorme potentiel.

J’essaie de ne pas trop prêter attention à ce que font les autres ni de trop me laisser influencer par la concurrence. Je ne définis pas ma stratégie pour six mois mais pour des années et des années. Nous essayons d’être cohérents. Nous avons décidé il y a dix ans de nous concentrer sur des montres mécaniques dans une gamme de prix oscillant entre 500 et 1500 francs suisses parce que c’est là que nous avons décelé le  potentiel à long terme. Si j’avais écouté ce que tout le monde disait l’an dernier, je me serais mis à produire immédiatement des montres connectées et cela aurait été une énorme erreur. Je suis très satisfait qu’au lieu de cela nous ayons investi dans des mouvements mécaniques.

Hamilton Broadway

 

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