Xavier de Roquemaurel : « Détecteur de futures tendances pourrait presque être le titre de mon poste »

Image
Xavier de Roquemaurel: “Detecting Future Trends Could Almost Be My Job Title” - Czapek & Cie
5 minutes read
Listen now
WorldTempus s’entretient avec le CEO de Czapek & Cie, Xavier de Roquemaurel, à propos de sa façon unique de diriger une entreprise horlogère indépendante

Un petit oiseau m’a dit que vous avez de nouveaux produits, mais que vous ne les lancez pas officiellement. Pourquoi cela ?
Nous avons cessé de lancer des produits parce que nous constatons que nous avons trop de montres en commande, mais tout le monde sait que nous avons de nouveaux produits et demande à les voir. Alors nous les montrons et nous laissons les gens prendre des photos, etc. alors cela s’apparente davantage à un lancement discret.

L’un des derniers grands lancements a été le chronographe à rattrapante. Comment cela s’est-il passé ?
Fantastique, il n’a fallu que 57 minutes pour le vendre, un résultat remarquable pour une montre valant plus de 40'000 CHF. Cela a été possible parce que nous travaillons main dans la main avec nos détaillants. Avoir 20 personnes qui parlent haut et fort du lancement au lieu d’une seule fait toute la différence.

Nous avons effectué le lancement avec un tiers de la production pour notre propre boutique et notre magasin électronique, et deux tiers pour les détaillants. Beaucoup qualifieraient un tel produit de lancement de boutique. Nous n’y avons jamais cru. Nous avions même un système de ristourne sur la montre si nous vendions directement sur un marché où nous avions un détaillant, estimant qu’il avait probablement fait le travail de vendre la montre au départ ou au moins de la présenter. C’est un système qui consiste à dire : « Ecoutez, chaque centime qui correspond à votre travail vous sera payé. » Ils comprennent et apprécient beaucoup cela. Ce système renforce notre relation avec nos partenaires détaillants et stimule ainsi notre croissance, et c’est relativement rare dans l’industrie.

Xavier de Roquemaurel : « Détecteur de futures tendances pourrait presque être le titre de mon poste »

Qui est le client Czapek ?
La plupart sont des collectionneurs, mais je dirais qu’avec le chronographe à rattrapante nous avons vu un nouveau groupe de collectionneurs vraiment sérieux, avec des montres d’horlogers indépendants ultra haut de gamme dans leurs collections. Cela a été une surprise pour nous. Cela dit, le client typique possède 10, 20, 30 pièces et cherche quelque chose de spécial.

Nous avons également remarqué que certains de nos clients sont assez amusants parce qu’ils n’ont jamais suivi les tendances dans l’industrie ni acheté de montres « iconiques » ou « conventionnelles ». J’ai l’impression qu’ils ne cherchent même pas quelque chose de différent, mais ensuite ils nous découvrent et du coup ils veulent acheter telle pièce parce qu’elle est différente. Ils aiment la montre, ils aiment les gens, et ils aiment l’histoire.

Vous avez une organisation unique avec les actionnaires qui font partie intégrante de l’entreprise. Est-il vrai qu’ils sont impliqués dans le design des produits que vous créez ? Bien que les actionnaires ne décident pas, ils ont la possibilité de grandement influencer les choses et de différentes façons. Tout d’abord, lorsque vous détenez un certain nombre d’actions, vous pouvez avoir une montre personnalisée fabriquée pour vous. Si vous êtes à un niveau inférieur, mais rêvez d’avoir une montre sur mesure, vous obtenez quand même mon attention et mon temps.

Donc il est vrai que je joue le rôle du chef de produit au sein de Czapek et cela m’a permis de devenir un meilleur CEO.

L’activité du sur mesure donne souvent naissance à des montres magnifiques, vraiment incroyablement magnifiques, ce qui peut être problématique car vous vous dites que vous devriez les faire en édition limitée. Par exemple, nous allons lancer un chronographe violet et c’était l’idée de l’un de nos actionnaires. Je lui ai dit : « Ecoutez, je ne peux pas vous laisser cette montre comme une pièce unique, il faut que ce soit une édition limitée parce qu’elle est trop belle. » Et j’ai vu Nick Foulkes (un journaliste du Financial Times) porter du violet et il avait l’air très cool, et j’ai réalisé que cela devenait une tendance, et totalement dans l’air du temps. Alors, humer l’air du temps, détecter les tendances, cela pourrait presque être le titre de mon poste.

Xavier de Roquemaurel : « Détecteur de futures tendances pourrait presque être le titre de mon poste »

Pouvez-vous me parler de votre réseau de vente, comment il a évolué, quelle direction vous souhaitez qu’il prenne à l’avenir ?
Nous avons récemment ouvert en Inde, et à Dubaï au début de la pandémie. Nous prévoyons d’avoir 50 partenaires dans le monde. Notre plus grand réseau se trouve au Japon, suivi des Etats-Unis. Nous sommes également présents à Hong Kong ainsi que dans la plupart des pays européens. Nous avons un mélange de logique et d’illogique, mais il y a toujours une logique derrière l’illogique ! Nous n’avions pas prévu d’ouvrir en Inde, par exemple, mais le CEO de cette entreprise de vente indienne était très sympathique, très gentil, et vraiment drôle et il m’a persuadé de dire oui. En fait, nous aimons les gens. Nous devons nous tenir à notre devise de collectionner les personnes rares. Donc les décisions ne sont pas seulement prises en fonction de la logique des affaires, mais également des personnes que nous rencontrons.

Lorsque vous regardez en arrière, de quoi êtes-vous le plus fier ?
Eh bien, quand je regarde en arrière, je pense à ma femme parce qu’elle a toujours été là et sans elle, je n’aurais pas réussi. Nous avons eu des défis à relever, des nuits d’insomnie, et beaucoup de difficultés. Le succès maintenant est presque aussi grand qu’inquiétant. Nous sommes passés de tout juste survivre à une avalanche de commandes, mais je ne me plains pas !

D’autres grands moments ont été d’aller au Japon, d’ouvrir l’atelier au Locle (que nous sommes sur le point de quitter pour emménager dans un plus grand espace à La Chaux-de-Fonds), d’ouvrir la boutique à Genève, et le lancement de l’Antarctique, la collection animée par notre premier mouvement maison, en mai 2020. Nous avons pris la grande décision de poursuivre le projet au début du confinement, et nous avons dû travailler très dur pour le mener à bien en mai, avec une souscription uniquement digitale. Je crois que cette décision est la chose dont je suis le plus fier, car c’était la bonne décision. Nous avons vendu toutes les 99 premières pièces en quelques semaines. Il aurait été facile de renoncer à ce stade, mais nous n’avons pas renoncé et maintenant nous en récoltons les fruits.

Xavier de Roquemaurel : « Détecteur de futures tendances pourrait presque être le titre de mon poste »

Marque