Interview de Jean-Christophe Babin, CEO du groupe Bvlgari

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Interview with Jean-Christophe Babin, CEO, Bvlgari group - Bulgari
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C’est au Panthéon de Rome que Bvlgari a célébré le 10e anniversaire de la collection Octo et dévoilé son 8e record du monde au premier jour du printemps

Que retenez-vous de ce 10e anniversaire de l’Octo ?
Avant tout un constat. Alors que les premiers indices allaient dans ce sens il y a 5 ans, aujourd’hui on peut affirmer que l’Octo est devenue une icône. C’est même la première icône du 21e siècle, qui a par ailleurs atteint ce statut le plus rapidement dans l’histoire des icônes. Par rapport à celles du 20e siècle qui se sont construites avant tout sur le design, elle se distingue aussi par son aspect tridimensionnel : certes elle possède un design totalement unique avec ses 110 angles et sa fusion du cercle et du carré, mais on lui a ajouté les matériaux tout en osant la monochromie. Tous ces records du monde se caractérisent par un choix esthétique impliquant un design avec une même couleur pour le cadran, la boite et le bracelet, qui a encore renforcé son identité. En parallèle Bulgari a introduit des technologies qui ont révolutionné l’esthétique, en symbiose avec l’homme moderne et son style de vie, son environnement contemporain tel que son appartement design ou sa voiture racée, autant de valeurs esthétiques du gentleman d’aujourd’hui qu’il retrouve dans l’Octo Finissimo. Ces trois dimensions ont accéléré l’iconisation de la pièce.

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Pour Bvlgari qui possède déjà une icône féminine avec la Serpenti, c’est fantastique de pouvoir assoir une dimension horlogère forte et en pleine croissance avec une icône masculine telle que l’Octo. C’est une chance extraordinaire qui n’est pas une garantie de succès pour Bvlgari, mais constitue une base solide pour construire un succès à long terme, inscrivant la marque non seulement comme un leader mondial de la joaillerie, mais aussi comme un leader mondial de l’horlogerie.

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Vous venez de présenter au Panthéon de Rome la montre mécanique la plus fine du monde, l’Octo Finissimo Ultra ; en quoi consistait le principal défi au bout de 3 ans de R&D ?
Le défi le plus important consistait à réinventer une 2e fois la montre mécanique ! En 2014 pour l’Octo Finissimo nous étions partis d’une feuille blanche en mettant à plat tous les principes de la chaine horlogère mécanique, dans la mesure où réduire de 40% les composants existants menaient à une impasse. Il a donc fallu repenser toutes les pièces du mécanisme, réinventer les éléments de A à Z pour aboutir sur une montre ultrafine et ultraélégante. En l’espace de 8 ans, cet exercice a de nouveau été réalisé pour l’Ultra, en repartant de nouveau d‘une page blanche, et qui s’impose à la fois comme le modèle numéro 8 de la saga (signe d’éternité et de chance) et comme le numéro 1 d’une nouvelle génération. Son épaisseur se limite à 1,8mm ! Nous avons de nouveau réinventé la montre mécanique, réduit encore le nombre de composants, elle n’en contient que 170. Ses 8 brevets reflètent le degré d’innovation qu’elle condense, notamment la mise à l’heure par une petite roue horizontale permettant d’éviter une couronne trop volumétrique et la recharge par une autre roue à l’opposé. Sa boucle déployante elle-même est un prodige de micromécanique, car elle ne devait pas ajouter d’épaisseur. Nous aurions pu nous contenter d’un bracelet non métallique pour respecter l’épaisseur et contourner le problème de l’absence de carrure du boîtier, mais tous les efforts ont été déployés pour en concevoir un en carbure de tungstène parfaitement en ligne avec l’équilibre esthétique de la pièce et la continuité avec les 7 premiers records. Ce record de finesse est d’autant plus impressionnant qu’il s’agit d’une montre commerciale et pas d’un concept, dont nous garantissons la chronométrie parfaite. Ajuster la chaine horlogère sur de telles dimensions relève du grand art et nécessite encore plus de temps que l’assemblage, car nous ne faisons naturellement aucun compromis sur la qualité.

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Voir l’Aiguille d’Or du GPHG attribuée à l’Octo Finissimo Quantième Perpétuel en 2021 était important ?
Cela nous a procuré un plaisir immense, c’était une première pour une marque d’horlogerie suisse d’origine italienne. C’était notamment important pour les équipes et vis-à-vis de ceux qui nourrissaient encore des doutes sur notre authenticité horlogère. Cette distinction suprême couronnait à mon sens moins le QP que cette saga Octo Finissimo que le jury a toujours appréciée.

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En prenant les rênes de Bvlgari vous aviez doublé le chiffre d’affaires en 5 ans, que souhaitez-vous à Bvlgari pour les 5 prochaines années ?
Ce sont les analystes qui le disent ! Je souhaite bien entendu que Bvlgari parvienne à gagner encore en désirabilité, afin que la grande marque s’impose parmi les leaders aussi en Horlogerie haut de gamme. Il faut continuer à fournir des efforts de créativité sur le créneau de la joaillerie extraordinaire pour devenir la marque joaillière de référence la plus désirée au monde, car c’est notre cœur de métier, tout en se hissant parmi les marques les plus désirées en horlogerie. Dans le dernier rapport Morgan Stanley sur l’horlogerie, Bulgari se classe au troisième rang des marques horlogères les plus désirées en Chine, et au premier rang pour la joaillerie.

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Cela s’explique par l’ouverture récente de ce marché à l’horlogerie, qui nous place sur un pied d’égalité avec les autres marques, car Bvlgari est devenue une marque vraiment connue et internationale en joaillerie avec la B.Zero 1 seulement depuis seulement 20 ans, soit une génération. Sur les marchés américains et européens plus matures, nos concurrents directs sont actifs depuis deux ou trois générations alors que Bvlgari était essentiellement et trop connu pour ses parfums dont le succès extraordinaire a surpris toute l’industrie. Pour combler cet écart de notoriété et d’image il faut continuer à créer de la désirabilité avec cette fusion du design et de la technologie.

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Quelles sont d’après vous les opportunités et menaces qui planent sur l’horlogerie suisse ?
Si beaucoup ont pris le phénomène à la légère à son apparition, il faut se rendre à l’évidence que les montres connectées ont fait perdre beaucoup de volumes en-dessous de 1500CHF aux marques qui évoluaient sur ce segment, et cette menace reste importante. Cependant, le côté très positif des montres connectées réside dans leur faculté à familiariser les gens au port d’un objet au poignet qui n’auraient pas pensé à une montre tout de suite. Cela prépare donc un peu le terrain pour la montre de luxe : la montre connectée n’est pas très chère, cela ne constitue pas un obstacle à l’achat d’une montre suisse artisanale comme Bvlgari les fabrique. Mais après avoir loupé le virage de la montre connectée dans l’industrie, elle ne doit pas manquer le virage du Metavers. Pas uniquement au niveau du produit, car on conçoit déjà des montres 3D dans nos phases de création, mais en utilisant le Metavers et l’intelligence artificielle pour magnifier l’expérience l’horlogère.

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J’en veux pour témoin l’Octo Finissimo Ultra qui est la première à avoir un QR code tridimensionnel intégré au mécanisme et donnant accès non seulement à une partie classique de traçabilité, mais aussi à un NFT artistique unique et indissociable de chaque montre, et indissociable. Certaines marques annoncent des montres virtuelles avec de très beaux 3D, mais Bvlgari offre une œuvre d’art NFT qui s’inspire de la montre. Or l’art moderne est voué à un grand développement sur ce créneau et franchit une nouvelle frontière avec le digital. Les marques pionnières dans ce domaine acquièrent un avantage car nos clients de belle horlogerie sont des grands amateurs d’art moderne. La mise en scène d’intelligence artificielle les touche car l’art statique devient dynamique et évolutif. Cela change tout d’un point de vue émotionnel, ce que confirme des prix parfois impressionnants. 

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