L'horloge vivante

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The Living Clock - Editorial
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Vous êtes-vous déjà réveillé au milieu de la nuit en sachant exactement l’heure qu’il était ?

On porte des montres pour nous aider à garder la notion du temps. On accroche des horloges au bureau et à la maison pour la même raison. Les gens me disent qu'ils regardent leurs smartphones pour connaître l'heure, mais ça ne fonctionne que rarement pour moi. Dans la plupart des cas, lorsque je sors mon téléphone dans l'intention de vérifier l'heure, je finis par être distraite par des notifications et, lorsque je remets mon téléphone dans ma poche ou dans mon sac, je réalise que je ne sais toujours pas l’heure qu’il est. Peut-être que ce n'est que moi. Quoi qu'il en soit, on est entourés d'objets qui mesurent et enregistrent le temps pour nous, afin qu’on n’ait pas à le faire. Mais on pourrait le faire, si on le devait. C'est à ça que sert notre horloge circadienne.

On est tous nés avec une horloge circadienne (ou horloge interne), un mécanisme biochimique interne qui fonctionne selon des cycles réguliers, indiquant naturellement à notre corps quand se réveiller, manger et se coucher. Vous avez peut-être déjà entendu parler de l'hormone mélatonine, qui est produite naturellement par l'organisme mais qui est également vendue en pharmacie pour lutter contre le décalage horaire et réguler le sommeil. La mélatonine est créée dans la glande pinéale, dans le cerveau, et son taux est le plus élevé la nuit, c'est pourquoi certains l'appellent "l'hormone du sommeil". Vous savez peut-être aussi que la nuit, votre température corporelle diminue légèrement, ce qui est une façon pour votre corps de vous dire qu'il est temps d'aller au lit. Ces changements physiologiques sont contrôlés par votre horloge circadienne, dont les rythmes sont inscrits dans notre matériel génétique.

Une étude d’Harvard publiée en 1999 a montré que nos horloges circadiennes suivent naturellement un cycle d'environ 24 heures, qu’on reçoive ou non des stimuli ou des informations externes comme la lumière du jour. Les chercheurs ont placé des sujets humains dans des pièces avec un niveau constant de faible lumière et les ont observés. Au fil du temps, ils ont constaté que, même sans avoir conscience du cycle jour-nuit qui se déroulait à l'extérieur, le corps des participants à l'étude produisait des hormones et changeait de température d'une manière qui correspondait à la journée de 24 heures. Cela s'est produit même lorsque les chercheurs ont simulé des journées de 28 heures par le biais d'un éclairage artificiel et d'activités programmées. Malgré un cycle veille-sommeil de 28 heures, les participants ont continué à présenter des fluctuations hormonales et de température corporelle en cycles de 24 heures.

Tout ça est très fascinant sur le plan biologique et neurologique, mais sur le plan émotionnel, ça nous dit qu’on est faits pour ce monde. Même si le monde s'écroulait demain et qu’on parvenait à nous échapper dans une sorte d'arche de Noé interplanétaire pour établir une nouvelle colonie sur Mars, notre corps signalerait toujours notre appartenance terrestre. Tout comme l'oscillateur mécanique d'un mouvement de montre, qui est calibré pour mesurer le temps dans des unités qui n'ont de sens que sur Terre, notre horloge circadienne est un oscillateur biochimique qui nous maintient en phase avec la planète où nous sommes nés.

On a tous un ami qui a un sens inné du temps, qui peut vous dire l'heure qu'il est sans regarder une montre ou même jeter un coup d'œil par la fenêtre. Je ne suis pas une experte en neurobiologie, mais ma théorie actuelle est qu'il s'agit de personnes qui sont très à l'écoute de leur corps, qui comprennent ce qu'il leur dit et qui mènent une vie équilibrée. Le cortisol, autrement dit l'hormone du stress, est également lié à l'horloge circadienne, ce qui explique en grande partie pourquoi les personnes stressées oublient les heures de repas et ont des problèmes de sommeil.

Ceux d'entre nous qui aiment les montres le font pour diverses raisons – on est attirés par leur créativité, leur complexité, leur beauté. Mais peut-être qu'à un niveau plus profond, on aime les garde-temps parce qu’on reconnaît une parenté chronométrique commune.