30 ans, l’interview exclusive

Image
30th anniversary: the exclusive interview - Christophe Claret
De 1987 à 2017...et au-delà : Christophe Claret, tout juste 30 ans après ses débuts, continue à imaginer l’horlogerie de demain.

Rien n’arrête Christophe Claret. Surtout pas une interview de WorldTempus ! L’homme s’y adonne pourtant avec affabilité depuis bien des années mais, comme souvent, il ne se passe guère plus de 10 minutes sans que la porte de son bureau ne s’ouvre : validation de plans, contrôle de pièces finies, Christophe Claret répond à tout, tout le temps. Il s’en excuse dans un sourire gêné, « vous voyez, ça ne s’arrête jamais ! », glisse-t-il avant de reprendre l’échange. Sur quoi, à propos ? Ah oui, ses trente ans de service à la cause horlogère ! C’était en 1987 mais Christophe Claret ne s’arrête pas souvent aux bougies. WorldTempus, si. Rétrospective éclairée sur un parcours hors norme.

Que vous évoque l’année 1987 ?
L’année de mes premières commandes ! En l’occurrence, en mon nom propre, pour le compte d’Ulysse Nardin. J’étais indépendant, je n’allais créer ma société que deux ans plus tard mais Rolf W. Schnyder m’avait personnellement commandé un certain nombre de répétitions minutes. Tout est parti de là.

30 ans, l’interview exclusive

Ainsi est née la manufacture ?
Son premier embryon, oui. J’étais jeune et je n’avais pas encore les moyens de créer ma propre manufacture, alors je me suis associé à Giulio Papi et Dominique Renaud pour prendre, avec moi, chacun un tiers de cette nouvelle structure. Ils m’ont permis de me lancer. Nous avons ainsi pu engager le développement et la construction de nos premières complications. Deux ans plus tard, nous avons estimé qu’il était temps que chacun suive sa propre route. J’ai racheté leurs parts et la suite appartient à l’histoire.

Vous avez choisi l’horlogerie ou c’est l’inverse ?
Difficile à dire ! Mon premier attrait est celui de la mécanique. A ce titre, je n’ai pas attendu mes premiers diplômes horlogers pour me passionner pour cet art, puisque c’est à partir de l’âge de 8 ans que je démontais mes premiers réveils pour en découvrir les mécanismes – voire en faire des sculptures personnelles ! C’était il y a donc 45 ans...

La passion s’est imposée d’elle-même ?
Oui, mais pas seule. Dès l’âge de 18 ans je me suis intéressé aux métiers d’arts. J’ai énormément côtoyé des restaurateurs comme d’éminents artisans, notamment des ébénistes, des menuisiers, des restaurateurs de vitraux. Depuis, la passion des monuments historiques m’anime avec le même feu que celle de l’horlogerie, qui est évidemment un autre de ces métiers d’art.

Votre propre marque ou vos collaborations n’ont jamais vraiment mis en valeur cet attrait pour les métiers d’art...
Si, beaucoup, mais avec des pièces qui ne sont pas visibles. Il s’agit le plus souvent de pièces uniques. Nous en avons beaucoup fait avec Jean Dunand, environ 120. On parle ici de garde-temps qui oscillent entre 400 000 et 500 000 francs, ce sont donc des réalisations hors norme mais qui restent dans l’ombre.

30 ans, l’interview exclusive

On pourrait imaginer de futures collections Claret faisant la part belle aux métiers d’art ?
Tout est possible ! J’ai énormément de projets mais on ne peut hélas pas tout développer. L’industrie horlogère n’est plus dirigée par des horlogers mais par des financiers mus par des considérations telles que l’absence de risque ou le retour sur investissement. Les temps ont changé. Je dois en tenir compte. Nous développons quelques projets par an mais sans les porter à maturité complète. L’appui des marques nous est indispensable.

Cela doit avoir quelque chose de frustrant de ne pas pouvoir aller au bout de ses idées...
Parfois, oui. Toutefois, j’ai encore beaucoup d’idées sous le coude et il faut se montrer patient. Je m’étonne de temps à autres que des idées auxquelles j’ai pensé il y a bon nombre d’années arrivent seulement maintenant sur le marché, alors qu’elles me paraissaient évidentes. Inversement, il m’arrive de devoir remiser des projets parce qu’ils sont trop en avance sur leur temps. Par exemple, l’X-TREM-1 était un projet développé pour une marque qui a finalement décidé de ne pas aller au bout. Je l’ai menée à terme sous ma propre marque...et c’est devenu notre best-seller. Il y a un temps pour tout, il faut sentir le bon moment. C’est autant une question d’instinct que d’expérience.

30 ans, l’interview exclusive

Vous restez donc optimiste sur le potentiel commercial de ce type de grandes complications ?
Oui, je le reste. En 2009, c’était dur. Aujourd’hui, ce n’est plus la même chose. Les très grands clients horlogers sont toujours là mais plus avisés. Ils investissent différemment pour consolider leurs positions mais leur curiosité est toujours là et leurs moyens aussi. La crise actuelle revêt une large dimension psychologique et l’on commence à en voir les effets s’estomper.

Et demain ? Quand s’arrêtera Christophe Claret ?
Pas avant 10 ou 15 ans ! Le développement et le bureau d’études sont des choses qui me passionnent véritablement. Pour le reste, je suis très bien entouré. C’est aussi le cas à titre personnel puisque j’ai trois enfants en bas âge et que, naturellement, cela réoriente mes priorités.

Il fut un temps où je venais à 6h30 à la manufacture pour finir moi-même les angles rentrants de mes cages de tourbillon. Je ne fais plus ce genre de chose actuellement mais cela me permet encore, de temps à autres, de prendre le pouls de certaines opérations bien précises, du temps à leur consacrer. Certaines collections exigent parfois une forte réactivité. Ce fut récemment le cas avec la Grand Deck que nous avons développée pour Ulysse Nardin. Nous arrivons en fin de série mais par moment nous en livrions jusqu’à huit par mois ! C’est un succès considérable, l’archétype de la bonne pièce au bon moment, audacieusement portée par la bonne marque. Lorsque les planètes sont ainsi alignées, les clients répondent présents.

Marque