Fréquence : pourquoi (presque) toujours 4 Hz ?

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Frequency:  why is it (almost) always 4 Hz?  - Frequency
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Les plus fins la repère à l’oreille. D’autres, d’un battement de cil. Dans la plupart des cas, on n’y prête guère attention : la fréquence qui anime un garde-temps semble être une affaire de spécialistes. Mais eux, comment la choisissent-ils ?

Voilà la petite ligne technique à laquelle on ne porte pas vraiment attention : « fréquence : 4 Hz (28'800 alt./heure) ». Le plus souvent, on se concentre sur les matériaux, le diamètre, la réserve de marche. C’est un peu comme en automobile moderne : on regarde la vitesse, pas le régime moteur. Est-ce un tort ? Nullement ! Mais les horlogers, eux, choisissent la fréquence de leur mouvement avec le plus grand soin. Pourquoi ? Une affaire de compromis

Comme dans tout moteur, il n’y aura pas de réponse unique, encore moins universelle. En horlogerie comme dans la plupart des systèmes de propulsion, le régime que l’on lui attribue résulte d’un compromis entre vitesse, précision, durabilité, couple, parmi d’autres variables. Une fréquence horlogère se choisit pour être la plus adaptée au cahier des charges qu’on lui impose. Dans certains cas, il s’agira de privilégier la précision. Dans d’autres, la réserve de marche, ou encore la résistance. Idéalement, tout cela à la fois, dans les limites de ce qui reste acceptable pour le commun des mortels. 4 Hertz sinon rien.

Pourtant, la fréquence de 4 Hz semble s’être imposée comme celle des temps modernes, alors que les temps anciens favorisaient celle, plus douce, plus lente, de 3 Hz. Simple effet de la frénésie d’un siècle qui va toujours plus vite ? Loin de là : il s’agit d’offrir la plus grande stabilité chronométrique à une montre de poignet. Ce changement de fréquence au mitan du XXe siècle ne doit d’ailleurs rien au hasard : il correspond à l’apparition d’instruments de mesure du temps de plus en plus précis – les fameux « witschi », du nom de la marque qui en conçoit les modèles les plus utilisés dans les ateliers d’horlogerie.

Entre chocs et accélérations

Alors que les montres de poches étaient relativement stables (verticalement) et protégées, celles de poignets sont exposées à des variations incessantes de positions, d’angles, et soumises à quelques brutalités urbaines et sportives. « Or ce qui caractérise la stabilité chronométrique d’une montre, c’est la capacité de son oscillateur à revenir à son état de base après un choc ou une accélération », explique Carole Kasapi, Directrice Mouvements chez TAG Heuer. « Plus un oscillateur bat vite, plus il reviendra rapidement après un choc ou un changement de position à son état initial ». Dès lors, on serait tenté de pousser la logique jusqu’au bout : plus la fréquence est élevée, plus l’oscillateur reviendrait rapidement à son état naturel. Dans un monde purement théorique, il suffirait donc d’opter pour des fréquences de 5, 10 voire 50 Hz pour avoir la plus grande stabilité. D’ailleurs, les mouvements quartz, affichant quelques secondes d’écart de marche par an, n’en sont-ils pas les meilleurs exemples, avec leur fréquence à 32 kHz ?

Fréquence :  pourquoi (presque) toujours 4 Hz ?

Hélas, cette projection théorique se fracasse bien souvent sur les rives de la réalité. Choisir la fréquence la plus élevée possible engendre plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions. Le plus évident : l’usure. En toute logique, en mouvement cadencé à 10 Hz va s’user environ deux fois plus vite qu’un autre cadencé à 5 Hz. « Ce n’est pas le seul souci », complète Carole Kasapi. « La dispersion des huiles va devenir un vrai problème. La chimie actuelle n’a pas encore résolu de manière pérenne la lubrification des mouvements à haute fréquence ». Le silicium (plus léger, inusable) serait une solution mais, pour le moment, seul l’échappement et le spiral et en sont faits et ce dernier reste protégé par brevet. Enfin, dernier inconvénient, plus un oscillateur est rapide, plus il a besoin d’énergie pour fonctionner, et donc plus la réserve de marche en est affectée.

Le meilleur compromis possible

Au final, si la fréquence des 4 Hz s’est imposée, c’est probablement parce qu’elle constitue le meilleur compromis possible. Avec un barillet adapté et relativement simple, elle autorise une réserve de marche de trois jours. Or « un client sur trois change de montre, voire ne porte pas de montre du tout, durant le week-end, ce qui rend nécessaire la réserve de marche qui va du vendredi soir au lundi matin », explique Carole Kasapi.

Fréquence :  pourquoi (presque) toujours 4 Hz ?

Pour maintenir une telle réserve de marche avec une fréquence à 5 Hz, voire plus, il faudrait un barillet plus imposant. Le compromis technique se doublerait alors d’un compromis esthétique, ce que la plupart des marques se refuse à faire. La fréquence de 4 Hz permet d’obtenir 70h voire 80h de réserve de marche, ce dont la plupart des clients se satisfait. D’ailleurs, le premier geste de Rolex après avoir décidé de reprendre en interne la production du calibre El Primero que lui fournissait naguère Zenith, fut de passer sa cadence de 5 Hz à 4 Hz. Quelques décennies plus tard, il n’est guère de marque qui semble remettre durablement ce choix en cause.

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