Depuis 2018, l’agence ethiwork accompagne les acteurs de la mode et du luxe dans l’amélioration de leurs empreintes environnementales, sociales et culturelles. Nous avons rencontré sa fondatrice à Genève, à l’occasion du salon ReLuxury.
Dans le domaine du développement durable, quels sont les enjeux auxquels les maisons horlogères doivent faire face aujourd’hui ?
Tout d’abord, il faut comprendre que la montre est un produit éco-conçu, particulièrement pour des raisons économiques. L’horlogerie traite essentiellement des matières précieuses, les volumes sont faibles et l’acte de consommation peu fréquent. La base est donc saine et l’empreinte de la montre est minime par rapport au secteur de la mode, mais les enjeux restent multiples : environnementaux, sociaux, culturels ou réglementaires. L’horlogerie doit les prendre en compte et, selon les domaines, elle le fait avec plus ou moins de maturité. La multiplication des certifications et des normes liées aux matériaux rend également les choses très complexes, tout particulièrement pour parvenir à être transparent, de l’origine des matières à l’achat et l’usage du produit par le consommateur final.
En quoi est-ce complexe d’engager une transition vers une horlogerie plus vertueuse ?
C’est à la fois simple et complexe. Simple car l’éco-conception et la durabilité émotionnelle et physique du produit ont toujours fait partie de l’histoire de la montre d’excellence. Complexe car c’est un secteur très traditionnel, secret et fermé. La traçabilité des matières précieuses est également très difficile et loin d’être une généralité. Le secteur tente de s’approvisionner en or auprès de sources qui apportent des garanties environnementales et sociales et fait de plus en plus appel à l’or recyclé. Concernant l’acier, c’est par essence un métal issu du recyclage. On travaille de plus en plus l’acier recyclé, avec un processus finalement assez énergivore. Certaines entreprises cherchent alors à décarboner le recyclage de l’acier, notamment avec l’énergie solaire. En cela, l’innovation est importante et elle vient d’acteurs comme Panerai ou ID Genève, à travers des collab’ très intéressantes avec d’autres secteurs comme le médical.
Les consommateurs sont-ils vraiment sensibles à un luxe plus durable ?
Le consommateur n’est pas encore très cultivé à ce sujet et ne se pose pas tant de questions. Les premiers critères d’achat restent le design, la qualité, la rareté. Le luxe, c’est avant tout une histoire de storytelling et de durabilité émotionnelle plus que d’impact environnemental. D’ailleurs, pendant longtemps, le secteur horloger ne s’en est pas préoccupé. On s’en soucie enfin et, même si la demande des consommateurs n'est pas encore vraiment là, on sait que les nouvelles générations s’y intéressent avec des attentes assez diverses : le packaging, la transparence, les pratiques éthiques et environnementales, la réparabilité ou la bientraitance animale. On constate aussi une appétence croissante pour le luxe de seconde main.
Comment accompagnez-vous les marques de luxe dans les changements qui s’imposent ?
Je me suis confrontée à ces sujets il y a environ 6 ans. Depuis, ethiwork a vocation à accélérer la compréhension de ces enjeux et la mise en œuvre des solutions. Cela implique notamment de travailler dans la formation du personnel. Ce n’est plus suffisant, aujourd’hui, de ne former que les élites : il doit y avoir des courroies de transmission à tous les échelons, y compris dans la sous-traitance. Cela dit, toutes les marques n’ont pas les mêmes choix à faire en fonction de leur histoire, de leur territoire, de leurs volumes de production. Cela implique une dimension de conseil et beaucoup de créativité car tout n’est pas normatif. Pour résumer, nous intervenons sur quatre axes : l’audit, le conseil, la formation et l’inspiration.
