Que les véritables icônes se lèvent

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Will the Real Icons Please Stand Up? - Editorial
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Le débat fait rage sur des catégories qui sont, par définition, indéfinissables

Il existe des gens dévorés de passion pour les montres. Vous êtes en train de penser : cette femme est rédactrice en chef d’un site horloger et elle nous dit qu’il y a des gens qui s’intéressent profondément aux montres ? N’est-ce pas toute la raison d’être d’un tel site ? Oui, je vous entends. Je sais très bien que n’importe quel centre d’intérêt, que ce soient les montres, la boulangerie maison, la haute couture ou le tricot, suscite des communautés de passionnés. Ce que je veux dire, c’est que les amoureux des montres peuvent afficher des niveaux de passion comparables à l’ardeur que la plupart des gens réservent uniquement à des symboles culturels adorés (rappelez-vous le vitriol déversé sur Jamie Oliver il y a quelques années lorsqu’il a eu l’audace de suggérer de mettre du chorizo dans la paella) ou à des rivalités entre équipes sportives.

En tant que journaliste, j’ai été entraînée à prendre en compte les deux côtés du débat, d’avoir ma propre opinion informée mais d’être néanmoins capable de reconnaître le bien-fondé d’un point de vue également informé. Le mot-clé ici est « informé ». Vous pouvez croire ce que vous voulez. Vous pouvez penser ce que vous voulez. Mais vous ne devriez pas vous sentir autorisés à imposer vos opinions aux autres à moins de pouvoir les étayer avec des faits et une logique bien raisonnée. Je crois que ce n’est que justice. Alors que faites-vous lorsque le sujet du débat ne repose que sur des critères subjectifs ? Je fais bien sûr référence à la catégorie « Iconique » des montres en compétition pour le Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG).

Will the Real Icons Please Stand Up?

Je déjeunais l’autre jour avec un ami qui travaille aussi dans l’industrie horlogère et la conversation s’est échauffée au moment du café alors que nous parlions des finalistes de la catégorie « Iconique » du GPHG de cette année. Il ne comprenait pas que la Casquette de Girard-Perregaux en fasse partie et résistait (avec une énergie inattendue) à mes efforts pour l’éclairer. J’aurais pu passer tout l’après-midi à essayer de le convaincre et cela n’aurait pas fait la moindre différence. Il n’avait jamais entendu parler de la Casquette avant cette année, la Casquette n’était pas une montre iconique dans sa vision personnelle du monde horloger, point final. Heureusement (espérons), le jury du GPHG cette année est composé de gens qui sont davantage capables de faire la différence entre expérience subjective et évaluation objective.

Il va sans dire que la Casquette est iconique. Elle fait partie d’une longue tradition de montres avec des orientations alternatives en matière d’affichage de l’heure, mais aussi du milieu horloger connu sous le nom de « drivers' watch » (la Vacheron Constantin 1921 et la Patek Philippe ref. 576 en sont d’autres illustres exemples). Au milieu des années 1970, la nouvelle génération de drivers' watch a commencé à faire sentir sa présence, avec des pièces comme la Bulova Computron, l’Amida Digitrend, la Mido Swissonic et, oui, la Casquette de Girard-Perregaux, toutes arrivées sur le devant de la scène à peu près au même moment.

Will the Real Icons Please Stand Up?

La Casquette n’a pas été fabriquée en grandes quantités, certainement pas dans le contexte de ce à quoi nous sommes habitués de nos jours, mais une production totale de 8’000-8'500 exemplaires entre 1976 et 1978 était assez substantielle, surtout pour un design aussi inhabituel. Et c’était d’autant plus remarquable qu’elle était produite en or (et pas seulement plaquée or) avec un mouvement à quartz. A l’époque, l’avènement des mouvements à quartz était encore vivement blâmé pour la chute vertigineuse des montres mécaniques sur le marché, mais les mouvements à quartz n’étaient pas dénigrés comme étant « bon marché » ou rejetés pour leur qualité médiocre de la même façon que les puristes mécaniques le font aujourd’hui.

Même avant le nouveau lancement de cette année, la Casquette de Girard-Perregaux a continué à enflammer les cœurs des aficionados horlogers du monde entier, et la Casquette 2.0 est bien partie pour se faire aimer des nouveaux collectionneurs et des amateurs en 2022.

Will the Real Icons Please Stand Up?

Voilà pour la montre elle-même, même si je n’ai jamais pensé que je devrais argumenter à propos de l’importance de la Casquette de Girard-Perregaux auprès de quelqu’un qui se targue d’être un passionné de montres. Mais est-elle importante au point d’être une icône ? C’est là que le critère de jugement est essentiel. Les règles du GPHG stipulent que les montres en compétition dans cette catégorie doivent provenir « d’une collection emblématique qui a exercé une influence durable sur l’histoire de l’horlogerie et le marché horloger pendant plus de 20 ans. »

Pour commencer, je ne crois pas que beaucoup de gens connaissent vraiment ces règles. Je pourrais vous offrir un verre pour chaque personne que vous trouvez dans le jury du GPHG (et même au sein de l’Académie) qui connaît le règlement, et vous seriez encore plus ou moins sobres à la fin. Deuxièmement, l’intitulé lui-même est largement sujet à interprétation. Comment définir « emblématique » ou « influence durable » ? C’est là que va se situer le véritable champ de bataille lorsque le jury du GPHG arrivera à la catégorie « Iconique » durant ses délibérations finales le mois prochain.

Si vous me demandez mon avis, il est incontestable que la Casquette de Girard-Perregaux a mérité sa place dans cette catégorie. Elle a capturé les imaginations quand elle a été lancée et c’est un exemple parfait de l’horlogerie de son temps. Elle a conservé son attrait au fil des décennies. Elle continue d’inspirer l’horlogerie aujourd’hui : Max Büsser, dont l’impact sur l’horlogerie moderne indépendante est indiscutable, a reconnu l’influence de la Casquette et d’autres drivers' watch des années 1970 sur certaines de ses créations clés. Si vous ne croyez pas qu’il s’agisse d’une icône, je serai heureuse d’entendre votre réfutation (gorgées de café).

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