Mais où s'arrêtera le chrono ?

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Where Next For the Chrono? - Chronostory
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Il est si présent dans notre quotidien que l’on finit par ne plus le voir. C’est un tort : c’est avec un peu de recul, d’un « pays éloigné », comme l’écrivait Racine, que l’on peut mesurer la trajectoire fulgurante du chronographe. Jusqu’à pouvoir prédire son avenir ?

L’histoire est connue mais reste savoureuse. Nous sommes en 2008. Montblanc développe un chronographe extrêmement réussi, le Nicolas Rieussec. Il porte le nom de celui qui a inventé en 1817 le « chrono – graphe », c’est-à-dire, littéralement, l’instrument capable d’écrire le temps. Toute la communication de la marque est fondée sur cet événement et Nicolas Rieussec est – légitimement – considéré comme l’inventeur du chronographe. 

Mais où s'arrêtera le chorno ?

Mais le 21 mars 2013, le fondateur des Ateliers Louis Moinet, Jean-Marie Schaller, annonce une nouvelle fracassante : il vient d’acquérir un chronographe de l’horloger éponyme, daté de 1816 – un an plus tôt que Rieussec. L’inventeur du chronographe, c’est lui : Louis Moinet. Mais pas que cela. 

Nouveau coup de théâtre : non seulement ce « Compteur de Tierces » de Louis Moinet est le premier chronographe de l’histoire, mais il est de surcroît cadencé à la folle fréquence de 30 Hz, soit 7 à 8 fois la cadence usuelle d’un chronographe traditionnel. 

Quand l'histoire s'arrête 

L’histoire aurait pu poursuivre sur cette voie novatrice mais elle fit...demi-tour ! Car aucun horloger ne sera capable d’atteindre une telle fréquence avant des décennies. La technologie horlogère se met donc à régresser : malgré l’éclatante démonstration de Louis Moinet, l’horlogerie retombe dans la torpeur des 3 ou 4 Hz. Cette inexplicable léthargie dura jusqu’en 1916 : un certain Jack Heuer dépasse cette fréquence et atteint finalement 360.000 alternances par heure.

Belle échappée mais, hélas, nouveau coup de frein en raison des deux Guerres Mondiales. Pourtant, quelques belles inventions ont malgré tout eu lieu : le premier chronographe pour montre-bracelet (Longines 13.33 de 1913), l’invention du second poussoir en 1915 (Breitling), l’industrialisation (Lemania 13 CH et 15 CH), la finition (les très beaux Lemania 13/20 de 1923), le principe de chronographe modulaire (Movado 90M de 1938), etc. 

La révolution El Primero 

Mais pour le grand public, l’invention qui allait changer le cours de l’histoire intervient en 1969. Cette même année, Breitling présente son premier chrono automatique (avec Dépraz et Buren), le Calibre 11, cadencé à 19'800 alt./h, suivi du Calibre 12 (21’600 alt./h). Il était précédé de quelques semaines par El Primero de Zenith, cadencé à 28'800 alt./h. Le Chronomatic était modulaire, l’El Primero intégré. L’histoire du chronographe se remet-elle en route ? 

Mais où s'arrêtera le chorno ?

Faux départ 

Hélas, non. À nouveau, l’histoire va caler. Le quartz balaie l’industrie mécanique suisse. Il faudra attendre le XXIe siècle pour que la recherche chronographique se remette en route, grâce à TAG Heuer. En 2009 naît le Mikrograph : : une montre, deux mouvements indépendants. Celui du chronographe fait un tour de cadran en une seconde. Sa lecture du 1/100ème de seconde est donc directe. Suit le Mikrotimer Flying 1000 en 2011. De la haute fréquence (50 Hz), TAG Heuer passe à la très haute fréquence : 500 Hz. La pièce permet donc de mesurer le 1/1000ème de seconde. 

Mais où s'arrêtera le chorno ?

Dès l’année suivante, TAG Heuer repousse une fois encore les limites. De 500 Hz, on passe à 1000 Hz. C’est le Mikrogyrder. Toujours en 2012, TAG Heuer s’attaque au balancier. Le Mikrotourbillon S repose toujours sur une chaîne duale. Elle est équipée de deux tourbillons semi-volants, à 4 Hz et 50 Hz. Suit enfin le Mikropendulum (chrono à balancier magnétique). 

Mais où s'arrêtera le chorno ?

Au-delà de la haute fréquence 

Le chronographe moderne se veut aussi plus esthétique. En 2015, Piaget le glisse dans une Altiplano. En 2019, Bulgari, dans une Octo Finissimo (record du monde, 4,65 mm d’épaisseur, toujours d’actualité). 

Mais où s'arrêtera le chorno ?

Entre les deux, en 2018, Agenhor met en production un chronographe à aiguilles centrales, l’AgenGraphe. Il est simultanément acquis par H. Moser & Cie. et par Singer Reimagined, qui a contribué à son développement deux années durant. Contrairement à une légende tenace, ce n’est pas le premier chrono central : ce fut le Maxichrono de De Bethune (2014) mais aussi et surtout le Multi-Centerchrono de Mido sorti en...1941 !

Mais où s'arrêtera le chorno ?

Mais où s'arrêtera le chorno ?

Et demain ?

Vers quel horizon pourrait à présent évoluer le chronographe ? Première piste : les matériaux avec lesquels il est réalisé. L’on reste, en écrasante majorité, avec du maillechort. Aluminium (comme avec la marque Lornet), titane, et pourquoi pas composites : de nombreuses voies restent ouvertes. Parmigiani Fleurier a notamment réalisé un chrono en or, baptisé...Chronor. 

Autre piste : sa résistance aux chocs. Alors que l’on a jusqu’à présent beaucoup travaillé sur sa précision, sa finesse, il reste à travailler sa capacité à encaisser des « G ». Bianchet avait notamment posé dans ses fondamentaux une résistance minimale à 5000 G. 

Mais où s'arrêtera le chorno ?

Il pourrait en aller de même avec sa miniaturisation. Greubel Forsey travaille sur des nano-structures qui pourraient autoriser une réduction drastique du volume des composants, pour une autonomie considérablement accrue. Les premiers prototypes sont attendus en 2023. 

Enfin, en termes de complications de chrono, du chemin a été fait. A. Lange & Söhne a développé une triple rattrapante, Cyrus un double chrono indépendant, et MB&F un chrono double cumulant split-second, mesures indépendantes, séquentielles ou cumulées. L’imagination des horlogers est loin d’être tarie ! 

Mais où s'arrêtera le chrono ?