Interview avec Frédéric Grangié, CEO de Chanel Horlogerie et Joaillerie

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Interview with Frédéric Grangié, President Watches and Jewelry at Chanel - Chanel
« Dans tous les domaines d’activité de Chanel, ses créateurs sentent l’air du temps »

Comment se porte le best-seller horloger de Chanel ?
La J12 vit une deuxième jeunesse ! Vêtue de céramique noire à son lancement en l’an 2000, c’était un positionnement aussi remarqué que spécifique, mais l’introduction du blanc en 2003 a révolutionné tout ce que l’on voyait au poignet, et nous avons entretenu la flamme jusqu’en 2019. Sous la houlette de Arnaud Chastaingt, directeur du Studio de création horlogerie, nous nous sommes lancés dans un exercice particulier autour de cette icône avec deux objectifs : revoir son design avec humilité mais en le modifiant à 70%, rendre le verso et le contenu technique aussi beau que le recto et ancrer notre qualité horlogère avec cette icône. Notre participation dans la manufacture de mouvements Kenissi a donc accompagné cette métamorphose de la J12, devenue référence horlogère à part entière : design, composants, matériaux, calibre. Une nouvelle campagne a redynamisé son image, portée par les muses de la maison Chanel, générant d’excellents résultats partout, du Japon aux USA. Cette année, au second semestre, la J12 écrira un nouveau chapitre, porté par une déclinaison de 33mm de diamètre en blanc et noir et un nouveau calibre 12.2 visible à travers son fond saphir. Elle est sous le feu des projecteurs à travers une campagne digitale de 12 mini-films mettant en exergue ses spécificités d’icône horlogère et la révélation de Margot Robbie comme nouveau visage de la campagne publicitaire.



La J12 Electro prend le contre-pied d’une certaine grisaille conjoncturelle, est-ce un pari ou une demande de la clientèle ?
Dans tous les domaines d’activité de Chanel, ses créateurs sentent l’air du temps. Ce projet Electro a été initié en 2019 sur le thème musical, illustrant la French Touch des années 1990. Très rapidement nous nous sommes aperçus que c’était un thème transversal qui recoupait les lignes Boy.Friend, J12, Première et Code Coco. Il s’agit d’un geste créatif peu commun dans l’horlogerie. Nous avons cette liberté-là. Ce n’est pas une formule, chez Chanel la création est la plus libre possible, nous faisons confiance à nos créateurs pour avoir ces fulgurances. Le timing fait aussi partie de la force de la création, or son lancement a été parfait. Cela répond certainement à ce que la clientèle a envie de porter aujourd’hui, traduisant la force des grands créateurs d’avoir cette anticipation sur le marché. Nous avons prévu en Asie des concerts et un programme d’événements très ambitieux. Mais le concept de vente à distance conjugué au salon W&W nous ont permis d’être dépassés par le succès et de vendre la quasi-totalité des pièces de la collection Electro Haute Horlogerie.

Interview Frédéric Grangié, CEO de Chanel Horlogerie et Joaillerie

Chanel s’est prêtée au jeu du boîtier en saphir avec une série limitée très réussie de la Boy.Friend Squelette X-Ray. Sa taille convient plutôt aux femmes, envisagez-vous son utilisation pour un autre modèle ?
La Boy.Friend se prête en effet très bien à ce type d’exercice. En créant cette collection, Arnaud Chastaingt s’est inspiré de codes masculins appliqués à l’univers féminin. Par sa taille, elle s’adresse essentiellement à la clientèle féminine mais dans certains pays les hommes l’aiment beaucoup. N’oublions pas qu’à une époque, la taille de l’élégance pour les hommes correspondait à 36,5mm. Il s’agissait de bousculer les codes de l’horlogerie classique avec un modèle qui a très vite trouvé sa cible au sein des clientes Chanel. Dans la foulée, il a accueilli le Calibre 3 développé chez nous à la Chaux-de-Fonds, tout en expérimentant de nouveaux matériaux, dont le saphir. Avec un résultat final qui nous plait énormément et qui aboutira sans doute sur d’autres expérimentations. Notamment pour la clientèle masculine, avec la montre Monsieur qui contient le premier calibre maison réalisé par Chanel. Entre notre liberté de création et notre large programme d’investissement dans l’outil de production visant à faire de Chanel un grand acteur horloger au sens pur du terme, cette capacité à développer ce type de produits dotés d’une excellence horlogère absolue ouvre un vaste champ d’action.

Interview Frédéric Grangié, CEO de Chanel Horlogerie et Joaillerie

Quel bilan tirez-vous de votre participation à Watches & Wonders ?
Soulignons d’abord que le projet était très ambitieux, il convient de féliciter toute l’équipe de Watches & Wonders. L’orchestration était très complexe et nous avons bien travaillé tous ensemble, aboutissant à une réalité digitale. Les positionnements de chaque marque et leurs directions se sont finalement reflétés dans leurs présentations. Chanel avait à cœur de mettre en avant ses créateurs, ce format se prêtant mieux à rêver qu’à présenter de manière très détaillée nos produits. Il y a certainement beaucoup d’enseignements à tirer de ce que nous venons de réaliser, mais pour être franc nous attendons tous beaucoup de 2022 et d’un salon physique. Un des grands plaisirs consiste à découvrir les stands et à se déplacer pour y rencontrer des gens. J’appelle de tous mes vœux un salon physique à Genève avec tous les acteurs majeurs de l’horlogerie suisse. Il est essentiel d’avoir une unité de lieu, de temps et d’action.

La marque Chanel fait rêver toutes les générations dans le monde entier, que souhaiteriez-vous de plus pour vos montres ?
Notre ambition est de donner de l’allure au temps. Cela a démarré de manière très singulière. Pour sa première montre en 1987, la maison avait décidé d’ouvrir une boutique rue Montaigne, faisant sourire beaucoup de monde. Cela en disait long sur sa volonté de s’inscrire dans le temps. Car si l’on veut être pris au sérieux, c’est essentiel.

Interview Frédéric Grangié, CEO de Chanel Horlogerie et Joaillerie

La grande différence ces dernières années, c’est l’accélération dans le savoir-faire horloger, l’intégration de notre savoir-faire sur la céramique, notre indépendance de production à long terme. C’est important d’avoir ce socle d’excellence technique au service de la création. Aujourd’hui Chanel propose en même temps une J12 X-Ray Electro avec un calibre de manufacture et un boîtier en saphir d’une maitrise fantastique, une J12 automatique absolument parfaite en 38 et 33mm avec un mouvement Kenissi ou encore dans les métiers d’art une Mademoiselle Privé Bouton brodée par la maison Lesage, que nous vendons toutes en intégralité. Cette unité de création allant du très technique au produit mode permet d’entretenir ce rêve, mais aussi d’obtenir six distinctions au Grand Prix d’Horlogerie de Genève. Cela représente beaucoup de travail et d’investissement, nous gardons une immense humilité tout en affirmant une grande confiance.

Interview Frédéric Grangié, CEO de Chanel Horlogerie et Joaillerie

Observez-vous une évolution de la répartition des achats de montres entre dames et hommes ?
En effet, et pas seulement sur les produits unisexes comme la J12. Nous observons sur des marchés comme le Japon des ventes concernant les hommes à 20% déjà, et de fortes croissances sur d’autres comme les USA. Mais les hommes détournent aussi des produits tels que la Boy.Friend dans certaines régions. Cette taille reviendrait-elle comme facteur d’élégance pour les hommes ?

Sur quelle pièce unique travaillez-vous pour Only Watch 2021 ?
Peut-être des pièces au pluriel ! Nous sommes partie prenante depuis le tout début et mettons beaucoup d’envie et de passion dans les modèles créés pour Only Watch. C’est formidable de voir à quel point le monde horloger a été fédéré par cette cause.

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