Il est facile de se perdre dans les collections Cartier. Il y en a tellement. Et encore, leur nombre était encore plus important il y a de cela six ans, quand la marque avançait dans la haute horlogerie à la vitesse d'un TGV. La plupart des montres à grande complication de la marque étaient alors logées dans une boite nommée Rotonde. Elle était la plus souple, la plus facile à utiliser dans l'éventail extrêmement large de tailles, épaisseur et complications dont la marque faisait alors étalage. Du coup, la personnalité de Rotonde passait au second plan derrière l'esthétique très forte des cadrans, des squelettes, des tourbillons en suspension.
Pourtant, Rotonde est une boite géniale au poignet. Et pour l'apprécier, il faut l'essayer dans une de ses variations les plus simples. En l'occurrence, je pense à une pièce qui m'avait fait une très forte impression, la Rotonde de Cartier Chronographe. Présentée au SIHH 2015, elle était un peu passée à travers les mailles du filet. Il faut dire que Cartier lançait alors vingt ou trente nouveautés majeures par an. Il était donc facile de regarder la Rotonde Chrono un peu trop vite.
Cela semble étrange à posteriori, parce que Cartier occupait un espace horloger très vaste, mais la marque n'avait aucun chronographe habillé. De montre qui serait juste un chronographe, pas couplé à un QP, pas avec une modalité d'affichage exotique, pas sportif, pas extrême dans sa présentation. Et d'ailleurs, il n'y en a pas eu d'autre depuis. La Rotonde de Cartier est le seul chronographe élégant de la marque.
Élégant, oui, absolument. La Rotonde est très classe : ses flancs arrondis, ses longues cornes très courbes et vissées, sa couronne marquée de perles en relief, sa lunette bombée et sa finition totalement polie en font un véhicule de prestige. D'autre part, à 40 mm, ce chronographe était parfait au poignet.
D'autre part, le cadran bleu avait de quoi surprendre. Etampé d'un motif ondulé et rayonnant typique de la marque, il était bleu avec des compteurs blancs, une minuterie argentée et des chiffres romains (un must chez CArtier) peints en blanc vif. Le plus étonnant est qu'elle avait des aiguilles pomme en acier. C'est une des prérogatives de cette collection : elle avait cette caractéristique extrêmement rare chez Cartier, qui privilégie la forme glaive et une finition bleuie. Mention spéciale pour la trotteuse, qui était aussi longue qu'on puisse imaginer : elle allait tout au bout de la minuterie chemin de fer, touchant presque le réhaut, et avec un long contrepoids. Il existe peu de trotteuses aussi élancées. Au final, on avait affaire à un cadran assez ornemental, mais pas bavard et raffiné.
Le mouvement était un chronographe intégré automatique et maison, le 1904-CH MC. Il a une histoire à part. Au moment de lancer son premier calibre 3 aiguilles de grande série et de manufacture, le 1904MC, Cartier avait en réalité commencé par créer sa version chronographe. Le mouvement plus simple en était dérivé, les éléments de chronographe n'étant pas ajoutés. Une souplesse de structure qui est la signature unique de ce mouvement, que Cartier a transformé de mille manières, et ce encore aujourd’hui. A l'usage, les poussoirs, rectangulaires et peu saillants pour ne pas briser la ligne de la boite, étaient confortables parce qu'ils était larges, mais aussi parce que le mouvement avait un déclenchement doux et qualitatif.
La Rotonde de Cartier Chronographe existe toujours en acier et cadran argent galvanique ou en version or rose avec le même cadran. Mais ly cousine bleue et blanche avait plusieurs années d'avance sur l'omniprésence du bleu. Sa dimension habillée, elle, n'avait tout simplement pas d'équivalent.
