Double tourbillon et tourbillon Messidor

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Double tourbillon and tourbillon Messidor - Breguet
Inventé et breveté par Abraham-Louis Breguet en 1801, le tourbillon fait référence à la sphère céleste et à la révolution des planètes autour d’un axe. Avec ces deux modèles, Breguet propose de nouvelles interprétations de son invention originale.

Abraham-Louis Breguet a signé des innovations qui visent la fonctionnalité des montres. En 1801, il invente et brevète le tourbillon dans un but précis : résoudre un des problèmes horlogers les plus épineux : les variations de marche de la montre en fonction de ses positions par rapport à l’attraction terrestre. Le tourbillon Breguet, dont le principe consiste à mettre les composants qui assurent la régulation de la montre en rotation constante, annule – en les moyennant – les écarts occasionnés par la gravitation. La logique qui a présidé à l’invention d’Abraham-Louis Breguet est tellement évidente de nos jours que cette invention est non seulement mise à l’honneur dans le monde horloger, par des interprétations proches de l’original, mais elle a conservé le nom de « tourbillon » que lui a choisi Abraham-Louis Breguet lui-même.

Au-delà de son caractère fonctionnel en faveur de la chronométrie, toujours valable après plus de deux siècles, un tourbillon qui anime le cadran d’une montre exerce une fascination que nul ne saurait nier. Le terme de « tourbillon », qui évoque une multiplicité de mouvements, a été choisi par Abraham-Louis Breguet en référence à la sphère céleste et à la révolution des planètes autour d’un axe. L’image convient parfaitement au spectacle offert par la rotation de la cage, de l’échappement et des oscillations du balancier. Avec le Double Tourbillon et le Tourbillon Messidor, Breguet renouvelle cette mise en scène et propose des interprétations uniques de l’invention originale de la Maison.

Double Tourbillon

Un nom qui parle de lui-même, pourrait-on dire. Dans le cas du Double Tourbillon, cela ne recouvre qu’une faible part de la réalité. Certes, ce garde-temps au boîtier de 44 mm de diamètre, en or rose ou en platine, abrite deux tourbillons qui assurent l’affichage du temps. Mais ce n’est pas tout, les deux tourbillons gravitent ensemble autour du cadran avec l’aiguille des heures. Ainsi, les composants de la régulation effectuent non seulement une rotation par minute, au sein de leurs cages de tourbillon respectives, mais aussi une révolution sur 360° en 12 heures. L’aiguille des heures sert de pont supérieur à l’un des tourbillons et elle se prolonge en arrière, pour former le pont du deuxième tourbillon. Naturellement, comme le veulent les codes Breguet, le demi pont-aiguille des heures reprend la forme classique des aiguilles « à pomme ». Selon les modèles, cette aiguille est soit en acier poli bleui avec son extension poli-miroir, soit dorée en accord avec la montre et dotée d’une extension étirée grise.

Double Tourbillon

Une construction de montre de ce type, sans tourbillon, mais comportant la rotation sur 360° de deux balanciers simples, avait été présentée par l’École Technique de la Vallée de Joux en 1947. Le mécanisme avait été réalisé sous forme de maquette et les horlogers de l’époque s’étaient heurtés à des problèmes de fonctionnement dus aux balourds dans les positions verticales. Ce mécanisme intéressant et didactique est décrit en détail dans le fameux livre de Reinhard Mies : « Le Tourbillon ». Une analyse de la construction de l’école technique montre que le différentiel nécessaire à la distribution de l’énergie sur les deux balanciers complique sérieusement le rouage de finissage de cette construction.

Forts de cette expérience, les constructeurs Breguet se devaient d’explorer l’ensemble des alternatives permettant de limiter les influences néfastes connues sur ce mécanisme. Le fonctionnement d’une montre peut être appréhendé en termes simples en le décrivant de la manière suivante : une énergie est stockée dans un barillet puis transmise par le rouage de finissage au balancier qui régule le temps. On comprend ainsi que, plus ce rouage de finissage est simple et direct, plus la fonction de garde-temps sera fiable. Le rouage de finissage entraîne également le rouage d’affichage qui, comme son nom l’indique, entraîne les aiguilles, mais sans transmission importante d’énergie, et donc sans grandes contraintes sur la fiabilité du garde-temps. Les constructeurs Breguet ont donc proposé de garder pour chaque tourbillon son rouage de finissage le plus simple et son barillet. Cette option nécessite d’embarquer, avec l’aiguille des heures qui porte les deux tourbillons, les deux rouages de finissage et les deux barillets. Ces éléments sont assemblés entre le pont de barillet et la platine tournante et expliquent pourquoi le pont de barillet tourne avec l’ensemble. On peut considérer que cette platine tournante comporte en fait deux mouvements à tourbillon complets et indépendants l’un de l’autre. Avec cette construction, la fonction de garde-temps n’est pas pénalisée par la complication. En revanche, la rotation de cet ensemble de 360° n’est pas encore maîtrisée.

Double Tourbillon

Pour assurer cette maîtrise, nous retrouvons notre différentiel dans la partie que nous avons appelée rouage d’affichage. Effectivement, comme le rouage d’affichage ne transmet que peu d’énergie vers les aiguilles, l’ajout de rouages complexes ne perturbera que peu la fonction de garde-temps. Un brevet déposé par Breguet protège cette idée et a permis la réalisation du Double Tourbillon.

Une des particularités des rouages différentiels est de transmettre à sa sortie une moyenne des rotations de ces deux entrées. Le rouage différentiel du Double Tourbillon va permettre de faire la moyenne des rotations des barillets et la transmettre à la platine tournante. Par exemple, si l’un des rouages prend deux secondes d’avance par jour et l’autre deux secondes de retard, le produit du l sera de +/- 0 seconde. Deuxième exemple : avec l’un des rouages qui prend deux secondes d’avance et l’autre quatre, le résultat sera de 3 secondes d’avance par jour. Enfin, un exemple très évident : si les deux premiers rouages prennent deux secondes d’avance, le troisième fera de même. Cette faculté à faire la moyenne des marches fait du différentiel une construction idéale pour un garde-temps à deux régulateurs comme le Double Tourbillon.

Double Tourbillon caseback

Faire tourner un ensemble de deux mouvements à tourbillon sur un affichage des heures a évidemment ses contraintes, les deux principales étant la sensibilité aux chocs due à sa masse importante et la sensibilité de l’affichage aux jeux du rouage d’affichage. En effet, les horlogers sont les mieux placés pour savoir que les jeux sont nécessaires à tout rouage pour fonctionner efficacement, et que les chocs génèrent, par la masse des composants sollicités, des couples pouvant rattraper ces jeux. Par exemple, lorsqu’une aiguille est entrainée par le rouage d’affichage, les jeux du rouage sont tous toujours compensés dans le même sens grâce aux frottements. Lors d’un choc, le balourd de l’aiguille va lui permettre d’avancer de quelques degrés, jusqu’à compensation des jeux dans l’autre sens. À la fin du choc, l’aiguille restera arrêtée, le temps de rattraper à nouveau ces jeux, et reprendra ainsi sa position normale. Pour une montre de qualité, les rouages d’affichage sont calculés pour que ces erreurs potentielles dues aux jeux soient nettement plus faibles que la possibilité de lecture et ne posent donc pas de problème. À l’opposé, un rouage aussi complexe que le différentiel du Double Tourbillon cumule un nombre important de jeux d’engrenage qui pourraient pénaliser la lecture du temps. L’affichage est d’autant plus sensible aux sollicitations des chocs qu’il porte, comme nous l’avons vu, la masse de l’ensemble des composants de deux mouvements.

Les constructeurs Breguet ont donc dû inventer un système de rouage double et parallèle qui permet de compenser les défauts d’affichage cités plus haut. Ce rouage double se compose du rouage normal reliant une valeur de rotation à son affichage et d’un second rouage parallèle, élastique, qui engendre un couple inverse et constant dans le premier rouage. Ce couple inverse garantit que tout déplacement des affichages dû à un choc est instantanément ramené à sa position initiale. Le second rouage élastique se compose de mobiles semblables au premier rouage et d’au moins un mobile particulier tendeur. Ce mobile tendeur illustré cicontre est composé de deux engrenages reliés par un ressort tendu par l’horloger à sa mise en place.

Le remontage des deux barillets supportés par la platine tournante du Double Tourbillon est également remarquable par sa fonction de remontage sur deux barillets. Nous avons noté plus haut que la marche de la montre était la moyenne des rotations des deux mouvements ; leur marche individuelle n’étant pas forcément identique, il en résulte un désarmage potentiellement non uniforme des deux barillets. Pour garantir un armage complet de ces deux barillets dans tous les cas, le mécanisme de remontage ne doit pas être limité par l’armage complet du premier barillet, ce qui arriverait avec un remontage simple depuis la couronne : le premier barillet armé bloquerait le remontage du second et ne garantirait pas son armage complet. La solution retenue par les constructeurs Breguet comporte deux rouages de rapports légèrement différents et entraînant chacun un barillet. Le rouage ayant le rapport le plus faible entraîne un barillet normal, alors que le rouage au rapport plus élevé entraîne un barillet à bride glissante semblable à ceux utilisés dans les montres automatiques. Chacun comprend l’astuce : le rouage au rapport élevé permet au barillet automatique d’être armé plus rapidement et de glisser sur sa bride jusqu’à l’armage complet du second barillet. Pour sécuriser au maximum le remontage, la couronne est équipée d’un système de sécurité dynamométrique qui limite la rotation qu’elle transmet et protège le ressort du barillet à remontage manuel d’une éventuelle casse. Ces mécanismes inédits garantissent en tout temps l’armage complet des deux barillets et le bon fonctionnement de cette montre extraordinaire.

Revisité, le cadran en or massif guilloché de Breguet bénéficie d’un motif exclusivement réservé au Double Tourbillon. On trouve bien entendu la couleur argentée classique, mais également de nouvelles variantes, dévoilées à Baselworld 2016, sur lesquelles le guilloché est recouvert d’émail transparent de teinte grise, bleue ou rouge. Quant au fond du boîtier, il accorde lui aussi une place de choix aux arts décoratifs, exprimés par une gravure à la main des planètes et des étoiles sur le dos de la platine fixe.

Double Tourbillon movement

Tourbillon Messidor

Les pendules « mystérieuses » ont connu leur apogée il y a un siècle. Elles étaient dotées d’aiguilles qui semblaient flotter dans le vide sans connexion apparente avec le reste du mouvement, ce qui n’était évidemment pas le cas. Le secret ou le « mystère » reposait sur l’emploi de disques transparents pour entraîner les aiguilles. Le mouvement, généralement caché dans le socle, actionnait les disques pour faire tourner les aiguilles et afficher l’heure.

Tourbillon Messidor

Le Tourbillon Messidor puise son inspiration dans le concept de ces pendules historiques, mais avec une approche typiquement Breguet. Le Messidor ne devait pas avoir des aiguilles mystérieuses — cela n’aurait pas été nouveau — mais un tourbillon mystérieux. C’est lui qui semblerait flotter dans le vide, en accomplissant ses mouvements complexes sans lien visible avec le reste du mouvement.

Le choix du nom « Messidor » n’est pas anodin. Breguet ne voulait pas employer le terme « mystérieux » car il nous renvoie à l’histoire des horlogers qui ont créé des pendules mystérieuses et il n’exprime pas le mystère spécifique à ce tourbillon. « Messidor » s’est avéré être un choix parfait puisqu’il fait référence à l’enregistrement du brevet déposé par Abraham-Louis Breguet pour son tourbillon en 1801. Comme c’était le calendrier révolutionnaire qui était en vigueur à l’époque en France, la date inscrite était « 7 Messidor An 9 » (26 juin 1801).

Pour réaliser le tourbillon mystérieux, la clé était le saphir. Le tourbillon est monté entre deux plaques de saphir et sa cage est rattachée à une troisième. C’est cette dernière qui engrène avec le rouage de la montre : sa bordure, munie de dents en laiton (matériau traditionnel pour les roues de montre), est en prise avec une roue à 7 heures. Comme il s’agit d’une construction mystérieuse, le cercle de dents en laiton et la connexion à la roue reliée au reste du mouvement sont masqués par la lunette en or autour de l’ouverture sur le tourbillon.

Tourbillon Messidor caseback

Au-delà du tourbillon en suspension dans l’espace, nombre d’éléments viennent parfaire l’esthétique du gardetemps Messidor. Le cadran en saphir dévoile au recto le squelettage fait main du mouvement. Si le nom est historique, les finitions ont un style résolument contemporain. Les contours de tous les composants sont naturellement soulignés par des anglages main traditionnels et il ne faut pas oublier qu’avec des ponts ajourés, il y en a au moins deux fois plus à réaliser que dans un mouvement standard, puisque l’on a des bords extérieurs et des bords intérieurs. La cage de tourbillon est polie miroir alors que les surfaces du reste des composants sont finement brossées.

Afin d’offrir une vue optimale sur le mouvement ajouré logé dans un boîtier de 40 mm de diamètre, le tour d’heures apparaît sur une zone dépolie du cadran en saphir. La lecture de l’heure est facilitée par les index en or.

Tourbillon Messidor

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