Michel Jordi se retrouve au zénith

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Avec sa nouvelle ligne de montres lancée en 2004, Michel Jordi revit
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La Twins de Michel Jordi: un bijou à deux étages, tout en or, au prix de 69 000 francs 

Avec sa nouvelle ligne de montres lancée en 2004, Michel Jordi revit. Présent dans le monde entier avec ses montres Twins, il doit sa renaissance économique à sa grande force intérieure

«Entrez donc, je suis quasiment prêt. En­core un téléphone et je suis à vous…» souligne d'emblée Michel Jordi, en ouvrant la porte de son chalet à Veyson­naz (VS). Le célèbre entrepreneur y passe quelques jours pour se ressourcer, comme il le fait souvent dans l'année. «C'est un endroit que j'aime vraiment. Ici, avec mon épouse, on se repose, on fait des balades, et du ski l'hiver.» C'est là aussi qu'il a passé du temps lors des problèmes rencontrés avec sa société Swiss Ethno, en 2001. Michel Jordi se souvient de cette chute: «Cette année-là, nos articles subis­saient tellement de copies qu'on ne voyait plus l'original. Cela a banalisé nos pro­duits, on vendait beaucoup moins. En plus, le drame du 11 septembre 2001, la défaillance de Swissair… tous ces événe­ments ont créé du tort à l'économie. En 2002, j'ai donc décidé d'arrêter la société», raconte-t-il calmement.


Avec son épouse, Ki, la mère de ses deux enfants, Michel Jordi aime se promener le long du bisse de Vex, qui traverse plusieurs communes, dont celle de Veysonnaz.

Elles plaisent aux Russes


Après cet échec, l'entrepreneur ne sombre pas. Au contraire, il rebondit. En 2004, il a l'idée de lancer une nouvelle ligne de mon­tres de luxe appelée Twins. «Il s'agit de montres à deux étages tout en or, au prix de 69 000 francs pièce. Comme en Suisse nous avons la main-d'oeuvre la plus chère et la plus qualifiée du monde, je me suis dit qu'il fallait réaliser des produits avec grande valeur ajoutée.» Et son entreprise cartonne. Après trois ans, Michel Jordi estime qu'il détient 20% de parts de marché chez les Asiatiques, au Moyen-Orient, en Suisse, en Europe et aux Etats-Unis. «Nos montres plaisent par exemple beaucoup aux Russes. Elles permettent aux acquéreurs de mon­trer qu'ils ont des moyens. Car aujourd'hui les riches portent tous des jeans et des T-shirts. Le seul moyen de se distinguer, ce sont les accessoi­res, comme les montres, les sty­los Mont-Blanc, les portables de grande valeur, etc.» Les Twins fonctionnent tel­lement bien que Michel Jordi va lancer une nouvelle ligne de montres à 42 000 francs pièce à la fin de l'été, puis une autre à 26 000 francs en octobre pro­chain. «Cela nous permettra d'avoir encore une clientèle plus large.» En évoquant ses nouveaux projets, Mi­chel Jordi s'anime, les yeux brillants. A 59 ans, il a toujours une pêche d'enfer. Son secret pour se remettre des moments durs? «Je suis très croyant. Je ne suis pas du style à aller à la messe tous les dimanches, mais j'ai foi en une force supérieure. J'ai aussi foi en mes capacités: on a le droit de tomber, mais on n'a pas le droit de rester couché. Il faut se relever et aller de l'avant», note-t-il. Pendant sa traversée du désert en 2002, Michel Jordi a renforcé ses liens avec sa femme et ses deux enfants, voyagé, découvert la voile. «C'était une belle période. Pendant dix mois, je n'ai plus rien entrepris professionnellement. Je savais que le citron était pressé et que je devais d'abord me ressourcer, ne plus penser à rien.» Nullement découragé, il avoue ne jamais avoir eu recours à des somnifères ou autres médicaments. «Dans la vie, pour progresser, il faut se casser la figure de temps en temps. Ces mo­ments- là sont un tremplin pour monter une marche de plus. Je me rends compte que j'avais besoin de cette expérience pour arriver à mon entreprise d'aujourd'hui», ajoute-t-il. Ki, sa femme, l'écoute, admira­tive. «Mon mari a une telle énergie, c'est impressionnant. Il a une volonté et une foi extraordinaires; il est toujours positif.»

Michel Jordi, 59 ans, se ressource régulièrement en Valais avec son épouse Ki.
 


Le sport est essentiel
Son énergie, Michel Jordi la canalise aussi dans le sport. Il en pratique au quotidien. «Ici, à Veysonnaz, je fais du jogging; mais il y a aussi le VTT, le ski… Le sport forge le caractère, on apprend à respecter l'autre.» Bouillonnant d'énergie, Michel Jordi reste sourd au son du mot «re­traite ». «De toute façon, à un moment donné, il faudra bien que je m'arrête. J'envisage de confier plus de responsabili­tés à mon équipe, mais je voudrais tou­jours garder un oeil dessus. Alors la re­traite oui, mais une retraite contrôlée!» conclut-il le sourire aux lèvres.

De famille modeste >

D'origine soleuroise, Michel Jordi fêtera ses 60 ans l'an prochain. Etabli à Crans­près- Céligny (VD), il est marié depuis 33 ans avec Ki, son épouse coréenne; le couple a deux enfants, une fille de 29 ans et un garçon de 26 ans.
Michel Jordi a grandi dans une famille modeste. «Ma mère faisait le travail de l'horlogerie pour mon père. J'ai appris la notion du travail et du respect. C'est aussi dès mon enfance que j'ai compris qu'il fallait se battre tout le temps dans la vie!» Son parcours professionnel comporte des hauts et des bas. Michel Jordi a connu le succès avec la montre Clip en 1986, qui se fixe comme une pince à linge sur les habits, et sa série de montres Swiss Ethno, dont il a dû liquider tous les stocks en 2003 pour éviter la faillite. Mais, en 2004, le créateur lance les Twins, des montres à deux boîtiers s'ouvrant en éventail. Le succès est de retour.

Le Matin / Christine Savioz Photos: Philippe Krauer  / www.lematin.ch