Interview de Laurent Perves

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Interview with Laurent Perves - Vacheron Constantin
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Comment les grandes civilisations ont inspiré le partenariat entre Le Louvre et la maison séculaire, décrit par son directeur commercial international

Comment est née cette idée de partenariat avec le Louvre ?
L’idée germait depuis assez longtemps car Vacheron Constantin nourrit un long historique de travail sur les sujets culturels. Or nous avons eu l’opportunité en 2016 de participer à la restauration d’une très belle horloge post-renaissance pour Le Louvre, appelée « la création du monde ». Notre savoir-faire en la matière a permis au projet de se dérouler parfaitement, donnant lieu naturellement à des échanges sur de possibles partenariats stratégiques. Le Louvre a affiché sa volonté de discuter de collaborations très intéressantes autour des savoir-faire, des ateliers et des métiers rares. On trouve dans leurs équipes des artisans qui restaurent en permanence les palais, les salons ou les meubles, alors que d’autres s’occupent de la lumière ou de la mise en place des œuvres. A travers ces échanges nous avons trouvé beaucoup d’atomes crochus entre nos deux maisons, au-delà de leur âge respectable, et avons décidé de travailler ensemble autour de plusieurs axes : notamment la préservation des métiers d’arts et des métiers rares, la préservation patrimoniale, le fait de maintenir le passé de manière à pouvoir le partager, et finalement la création commune de pièces. Comme les civilisations constituent une des spécialités du Louvre, et les métiers d’art une des nôtres, nous avons choisi d’effectuer un travail de fonds sur les grandes civilisations et les œuvres qui les représentent le mieux avec l’aide des curateurs et des experts du musée, pour créer quatre montres en série limitée.

Interview de Laurent Perves

Avec quels musées avez-vous eu des collaborations auparavant ?
Nous avons eu des partenariats culturels avec l’Opéra Garnier par exemple, ou le Musée Barbier-Muller, qui avaient donné naissance respectivement à la série de montres Métiers d’Art « Chagall & l'Opéra de Paris » et « Les Masques ». Mais c’est la première fois qu’une collaboration est menée avec Le Louvre sur un processus de création aussi poussé. C’est-à-dire que le travail a été réalisé en commun entre les équipes de Vacheron Constantin (les départements héritage et design), et celles du Louvre. C’est une première à notre connaissance, et c’est la première fois également que ces œuvres font l’objet d’une telle réalisation. Chaque montre rend hommage à l’une des quatre grandes civilisations définies ensemble : l’Egypte Antique sous son âge d’or, la Mésopotamie et Babylone de l’Empire Perse, la Grèce Antique dans sa période helléniste, et Rome lors de la prise de pouvoir d’Auguste. 

Qui a choisi les œuvres issues de chaque civilisation ?
Les experts du Louvre nous ont proposé les œuvres majeures de chaque période et nous ont renseignés sur les techniques employées à l’époque, pendant que nous apportions des recommandations sur les métiers d’art les plus adaptés pour leur rester fidèles. Les montres sont livrées avec un certificat du Louvre indiquant que la reproduction est fidèle à l’esprit originel de l’œuvre et aux souhaits des équipes techniques du Louvre, pour qui ces œuvres représentent un véritable trésor historique.

Interview de Laurent Perves

Par exemple ?
Si l’on prend le Lion de Darius, « La Frise des lions », un décor de briques siliceuses glaçurées, se trouvait dans la première cour du palais de Darius 1er à Suse, capitale de l’Empire perse achéménide au sud-ouest de l’Iran actuel.. Nous avons utilisé la technique très rare de la marqueterie de pierres, nous posant un énorme défi. Vacheron Constantin dispose de nombreux artisans en interne et dans son réseau dans tous les métiers, mais principalement pour l’émail, le guillochage, la gravure et le sertissage, parfois pour la marqueterie de paille et de bois. Nous étions très heureux de pouvoir retravailler ce métier d’art dans ce cadre, et de reprendre des codes de cette culture mésopotamienne. Pour accentuer l’aspect réaliste du décor de briques, les artisans d’art ont choisi des fragments de pierres, des turquoises et des jaspes mokaïtes, différents en aspect et en taille, mais surtout veinés, donc par définition plus fragiles que ceux qui en sont dépourvus. L’agencement est très réfléchi pour donner l’impression du mur craquelé, ce qui a nécessité de très nombreuses recherches. Outre la marqueterie de pierres, on observe sur cette pièce plusieurs dimensions : lion en or sculpté et patiné, frise en métal gravé et émail champlevé avec des inclusions pour un effet de « vieillissement », écritures cunéiformes gravées par métallisation sur glace saphir, ce qui donne une profondeur et un relief saisissant au cadran. Sur la montre présentant le buste d’Auguste, la mosaïque de pierres qui met en scène 660 minuscules pierres carrées de 0,5mm de côté sort également de l’ordinaire et peut nous inspirer pour d’autres pièces. Il a fallu deux ans de travail pour réaliser les pièces et faire aboutir le concept. Tout est cohérent, les curateurs ont veillé à la pertinence de chaque élément de décoration des montres, hiéroglyphes inclus, de même que pour les frises. Chaque montre a un contenu narratif complet et pertinent, porté par l’artisanat et les métiers d’art.

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Comment faire en sorte de ne pas paraitre trop élitiste avec ce type de partenariat et cette série limitée ?
Il s’agit en effet de pièces très compliquées à réaliser et très rares, que nous tenons à créer au plus haut niveau de qualité et d’esthétique possible comme d’habitude, donc leur production reste très limitée. Cela souligne la volonté de mener à bien un partenariat moins mercantile et plus de message. En l’occurrence, le message porte sur la tradition fortement ancrée chez Vacheron Constantin de rendre hommage à la culture sous toutes ses formes et toutes ses origines. Pour ceux qui connaissent la maison, François Constantin était un voyageur et avait ouvert la Chine et l’Amérique avant les pays limitrophes à la Suisse, et Vacheron Constantin s’est toujours inspiré de beautés à travers le monde. Les collections du Louvre vont bien au-delà de la Joconde et nous avons puisé dans leurs archives pour montrer à quel point les métiers d’art peuvent rendre leur beauté à ces œuvres du passé. Le deuxième message clé réside dans la collaboration sur les métiers d’art entre Le Louvre et Vacheron Constantin, témoignant que le travail de nos artisans n’est pas si loin de celui des artisans qui travaillent dans un musée ou de certains artistes de l’époque élaborant ces chefs d’œuvre. Enfin, le message souligne aussi l’ambition de Vacheron Constantin en tant que maison horlogère avec qui Le Louvre qui est au sommet du prestige et de la légitimé a accepté de collaborer, et de quelle manière nous opérons au plus haut niveau.

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