Interview de Jean-Claude Biver

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Interview with Jean-Claude Biver - TAG Heuer
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Pourquoi TAG Heuer mise-t-elle autant sur la Chine alors que les exportations vers ce pays chutent? Où et comment la Carrera Connected remporte-t-elle le plus de succès? WorldTempus a demandé au CEO de TAG Heuer quelques éclaircissements.

Il y a eu votre ambassadrice GEM qui a chanté sur le glacier du Jungfraujoch, l'équipe chinoise qui a participé à la Patrouille des Glaciers, et maintenant vos deux ambassadeurs chinois invités au Grand Prix de Monaco avec une ribambelle de journalistes chinois. Vous êtes très actif en Chine à un moment où les exportations sont en chute libre dans la région. Pourquoi?
Comme tout le monde se retire la Chine, c’est le moment idéal pour y aller! Il faut savoir nager à contre-courant et ne pas faire comme tout le monde. Mais il ne s’agit pas seulement d'être différent. Si vous investissez en Chine aujourd’hui, vos retours sur investissements sont bien plus importants qu'auparavant. Quand on est en concurrence avec dix personnes pour attirer l'attention, c’est difficile de faire entendre sa voix. Mais aujourd’hui, en Chine, il n'y a que moi dans la salle et quand je frappe dans les mains, les gens écoutent, se demandent ce qui se passe et ils voient TAG Heuer.
La deuxième raison est que tout n’est pas fini en Chine. Ce n’est pas parce que le pays connaît un ralentissement depuis quelques années qu’il faut cesser d'investir dans la région. La Chine est en train de se consolider. Imaginez que vous ayez investi dans Nestlé en 1980: ce n’est pas parce que les actions ont plongé en 1984, pour une raison ou une autre, que vous auriez dû les vendre - sauf si vous aviez des informations de l'intérieur. Je fais confiance à l'économie chinoise et je suis convaincu qu’elle est aujourd’hui dans une phase de consolidation. La consolidation est nécessaire parce qu’une forte tendance à la hausse ne peut pas continuer éternellement. Après cette consolidation, je pense que le marché sera plus solide et plus juste.

Vous portez la nouvelle Carrera Connected en or rose. Cette montre est un énorme succès, mais pouvez-vous nous dire où elle est déjà disponible et où elle le sera ensuite ?
Jusqu'à présent, nous n’avons livré la montre que dans quatre pays: les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon et l'Allemagne. Nous avons livré environ 20’000 pièces, plus quelques-unes en France, en Suisse et en Australie. Aujourd’hui, nous commençons nos livraisons dans le monde entier et la montre sera donc vraiment disponible sur le marché.

TAG Heuer Carrera Connected rose gold

Que pensez-vous du rachat du groupe Frédérique Constant par Citizen? Eux aussi ont une smartwatch à succès…
Je suis très heureux pour tous les deux. Citizen est un grand groupe avec une gestion efficace et Frédérique Constant une marque très intéressante parfaitement en phase avec Citizen, ce qui n’aurait pas été le cas s'il s'était agi d'un autre grand groupe. Ils se complètent mutuellement, donc je pense que c’est une bonne chose.

Toute la technologie de la Smartwatch de Frédérique Constant a été développée en interne. Pourriez-vous envisager de faire la même chose?
Je crois qu'il est important de souligner que la technologie nécessaire à la connexion entre les téléphones mobiles et les montres connectées n'existe pas en Suisse. La Suisse ne fabrique pas de puces électroniques pour téléphones, même si elle en produit pour les paiements NFC ainsi que différents types de capteurs. Il est par conséquent impossible d’"internaliser" en Suisse quelque chose qui n'y existe pas. Depuis le 1er mai, nous assemblons nos propres puces en Suisse mais nous n’avons pas communiqué sur ce point, parce qu’il ne s’agit que d’assemblage. Nous ne pouvons pas reproduire le savoir-faire pour les fabriquer. C’est pareil lorsque vous achetez un mouvement japonais et l’assemblez en Suisse ; cela ne suffit pas pour en faire une montre Swiss Made. Le développement et le savoir-faire doivent également être suisses. Pourtant, le fait que nous assemblions les montres en Suisse nous donne plus de flexibilité, grâce notamment à nos collaborateurs qui peuvent travailler le week-end et faire des heures supplémentaires, ce qui serait impossible si les puces étaient assemblées ailleurs.

L’éventail des produits TAG Heuer s’étend désormais de la montre connectée au tourbillon à 15’000 francs suisses. Peut-on espérer un calendrier perpétuel?
Oui bien sûr! Nous pourrions faire un calendrier perpétuel à moins de 10’000 francs suisses, et nous ne serions d’ailleurs pas les premiers. Il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas faire la même chose. Ce n’est pas sur ma liste des priorités, mais ce n’est pas pour autant que nous ne pourrions, ou ne devrions pas le faire.

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