Peter Stas : « Le potentiel de l’horlogerie Swiss Made est encore largement sous-estimé »

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Peter Stas: “The potential of Swiss Made watchmaking is still greatly underestimated” - Frederique Constant
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Voilà bientôt 4 ans que le CEO historique du Groupe Frédérique Constant a cédé les rênes de son entreprise. Ambitions pour la marque, pour Alpina, projets médicaux, marché horloger : Peter Stas, lucide et prospectif, se confie.

Vous inaugurez aujourd’hui une nouvelle extension de votre manufacture, pour quasiment doubler sa superficie. Est-ce un signe de bonne santé ?
Nous préparons l’avenir. Nous avons réalisé 160 000 pièces en 2018. C’est un bon résultat mais, en 2018 comme en 2017, nous n’avons eu une croissance qu’à un seul chiffre, contrairement aux années précédentes.

Peter Stas : « Le potentiel de l’horlogerie Swiss Made est encore largement sous-estimé »

Était-ce prévu ?
Pas véritablement. Quelques indicateurs structurels nous avaient alertés, notamment la performance, en certains points du globe, de la vente en boutique. Il y a aussi la reprise encore incertaine du marché de l’horlogerie mécanique. En revanche, selon moi, le marché de la montre connectée est toujours très largement sous-estimé. Il représente pourtant 15% de nos ventes chez Frédérique Constant et plus de 30% chez Alpina. Ce sont clairement nos montres connectées qui nous ont permis de rester en croissance cette année.

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Sont-elles encore un réservoir de croissance ?
Oui, je pense que l’on peut aller au-delà. Toutefois, ce n’est pas tant le volume brut de ventes connectées qui compte, mais l’équilibre au sein de la marque. Il est important, chez Frédérique Constant, de préserver une part dominante et donc une image de belle horlogerie mécanique. Chez Alpina, la combinaison aiguilles et digital, le succès de l’AlpinerX, mais aussi l’âge relativement jeune de notre clientèle, sont autant de potentialités pour une croissance connectée. Alpina devrait pouvoir doubler, voire tripler, ses ventes d’ici 3 à 5 ans. Je suis confiant, la marque a un très fort potentiel. La croissance de Frédérique Constant, plus mature, sera dorénavant plus progressive.

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La vente en ligne a-t-elle toujours du potentiel ?
Nous faisons moins de 5% de nos ventes en ligne, comme tout le monde. Ce ne sera jamais un eldorado. Il faut faire avec. Les clients, surtout en horlogerie mécanique, préfèreront toujours la boutique. Ils peuvent essayer la montre. Cela les rassure pour le SAV. Le seul véritable déclencheur d’un achat en ligne, c’est un fort rabais et c’est quelque chose que nous ne faisons pas.

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Vous avez cédé le poste de CEO de votre Groupe à Citizen, mais gardez la propriété et le contrôle de MMT, votre « manufacture » de modules connectés. Comment gérez-vous cette double casquette ?
Aletta et moi passons au moins deux jours par semaine à Frédérique Constant, essentiellement pour le lien avec le groupe Citizen et la supervision de toutes les créations, que nous faisons toujours en direct. Pour l’opérationnel, Frédérique Constant et Alpina sont gérés par Niels Eggerding, Managing Director, et leurs propres Brand Manager, depuis l’année passée.

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Lors de la cession à Citizen, vous avez signé une période de transition de minimum 5 ans. Vous en êtes maintenant à quatre années. Quel sera votre avenir ?
Rien n’est encore décidé. Il se peut que je prolonge un peu mes fonctions actuelles...

Quels sont vos champs d’investigation avec MMT ?
Très clairement le biomédical au sein d’une montre. D’abord, la détection d’arythmie cardiaque (A-Fib). Ceux qui en souffrent, sans nécessairement savoir la détecter, ont 18% de chances d’avoir une attaque dans les 4 ans à venir. En Europe, plus de 4 millions de personnes sont concernées sans le savoir. Ensuite, la mesure de la glycémie. Les mesures sous-cutanées sont des procédés véritablement médicaux et il nous faudra encore des années de développement, des brevets et des certifications, mais nous sommes déjà très avancés. Nous avons des brevets, noué des partenariats avec des universités. Enfin, le soin aux séniors : détection de chute, appel d’urgence, localisation, etc., le tout avec une simple montre et sans nécessairement avoir son portable avec soi, car l’on sait que les personnes âgées n’en ont pas toujours. Il faut donc créer des protocoles de communication de type NB-Iot et LTE qui vont plus loin que le Bluetooth, tout en étant indépendants d’un portable. C’est un volet que nous espérons pouvoir dévoiler au second semestre 2020.

Tout cela n’a plus grand-chose à voir avec l’horlogerie...
Bien au contraire ! La Suisse sous-estime totalement ses capacités en la matière. Nous savons faire petit, fonctionnel, étanche, résistant, autonome et élégant. Personne n’a envie d’être bardé de capteurs disgracieux pour mesurer sa glycémie ou sa dépendance. La portabilité et la discrétion sont des éléments clés du succès.

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