Interview de Sean Gilbertson

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Interview with Sean Gilbertson - Fabergé
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Le directeur général de Fabergé parle de la renaissance de la marque et de son temps fort horloger en 2016.

Fabergé n’a que récemment retrouvé sa gloire d’antan et vous y avez grandement contribué. Racontez-nous comment cela s’est passé.
Pour commencer par le commencement, j’ai été très impliqué dans l’acquisition de la marque et du nom Fabergé à Unilever, qui en était propriétaire depuis 1989. Cette transaction a pris environ deux ans et nous l’avons finalement conclue en janvier 2007. A ce stade, Fabergé avait un certain nombre de contrats de licences accordés à toutes sortes d’entreprises dans le monde qui faisaient quantités de choses différentes et intéressantes. Certaines étaient très bien, mais d’autres étaient vraiment médiocres. Ce n’est pas une mince affaire et cela a pris du temps de mettre un terme aux licences existantes. Nous y sommes finalement parvenus et aujourd’hui il n’y a plus une seule licence en vigueur, nous avons repris le contrôle.
Nous avons appréhendé le projet avec pour objectif de rendre sa dignité à Fabergé en gardant l’esprit et l’éthique que la marque représentait avant 1917. Autrement dit nous allions nous concentrer sur du luxe « pur et dur » : des objets, des montres et des bijoux. Nous avons attaqué le problème de la joaillerie en premier en travaillant avec un jeune homme remarquable, Frédéric Zaavy, qui est malheureusement décédé il y a deux ans. Avec lui nous avons lancé en 2009 la première nouvelle collection de bijoux Fabergé depuis que la marque était revenue en mains de la famille Fabergé, qui avait perdu les droits en 1951. Cette collection a immédiatement prouvé au monde que Fabergé était de retour.

"Trouver les bonnes personnes est plus difficile que de trouver une magnifique émeraude."

Une fois la renaissance de la joaillerie assurée, comment avez-vous approché le retour à l’horlogerie ?
L’horlogerie est totalement différente de la joaillerie. Il faut trouver les bonnes personnes, faute de quoi on est perdu dans le désert. Trouver les bonnes personnes, selon mon expérience, est plus difficile que de trouver une magnifique émeraude. Et c’est extrêmement dur de trouver une magnifique émeraude. Notre industrie est basée sur les gens, sur les relations que nous nouons avec nos collègues et nos clients. Si nous n’oublions jamais cela, alors nous détenons la clé du futur.

Comment vous y êtes-vous pris pour dénicher les bonnes personnes ?
Nous avons travaillé avec un chasseur de têtes pour identifier les principaux candidats qui pourraient relever cet énorme défi. Evidemment la plupart d’entre eux étaient basés en Suisse et beaucoup dans la région de Genève. En 2013 je suis venu quelques jours pour m’entretenir avec les candidats. Beaucoup d’entre eux étaient des messieurs d’un certain âge mais avec des dizaines d’années d’expérience dans la direction d’entreprises sérieuses. Le tout dernier entretien s’est déroulé avec une femme qui paraissait très jeune et inexpérimentée. J’ai discuté avec elle pendant une heure et demie, elle était si différentes des messieurs bien établis auxquels j’avais parlé durant les deux jours précédents. Mais la différence la plus notable c’est qu’il y avait une lueur dans ses yeux qui lançait un signal très fort.
Je suis rentré à Londres et j’ai échangé avec mes collègues et mes associés. Ils ont pensé que j’avais perdu l’esprit quand j’ai proposé d’engager Aurélie Picaud. Heureusement, comme j’étais impliqué dans ce projet depuis quelque temps, j’ai eu gain de cause dans la prise de décision et Aurélie a déménagé à Londres quatre mois plus tard, en octobre 2013.
A Baselworld l’an dernier, nous avons présenté la montre Peacock avec un mouvement entièrement nouveau développé par une équipe qui n’existait pas en 2013, ce qui à mon avis est stupéfiant. Puis recevoir un prix au Grand Prix d’Horlogerie de Genève  la même année a été fantastique. Cela démontre ce que l’on peut accomplir en horlogerie.

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Comment comptez-vous perpétuer l’héritage de Peter-Carl Fabergé ?
Je crois que nombreux sont ceux qui ont pensé que Fabergé serait un succès sans lendemain et que nous ne serions pas capables de reproduire ce succès. Mais cette année nous avons deux nouveaux mouvements élaborés de A à Z durant l’année passée. A nouveau, ce qu’Aurélie et son équipe ont accompli est absolument incroyable.
Certaines personnes estiment que Fabergé n’a pas d’histoire dans les montres et le chronométrage, mais c’est tout à fait faux. Si on se penche sur la période d’avant 1917, on constate que non seulement Fabergé fabriquait de nombreuses montres pendentifs, mais aussi énormément de pendules de table avec des mouvements Moser. De plus de nombreux œufs impériaux, ainsi que d’autres œufs produits pour des familles privées comme les Rotschild, contenaient des pendules.
Pour continuer cette tradition, nous devons être suffisamment créatifs et cela signifie que nous devons avoir les bonnes personnes à l’interne.  Puis ces personnes doivent trouver les bons artisans, qui ont aussi une lueur particulière dans le regard, et construire une relation avec eux. Si on y parvient, cela fait une énorme différence.

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Présenterez-vous la Visionnaire DTZ au Grand Prix d’Horlogerie de Genève cette année ?
Je réalise tout à coup qu’il faudrait une catégorie fuseaux horaires [rires]. Mais il y a évidemment d’autres catégories et vous pouvez partir du principe que nous la présenterons. Je crois que la montre parle d’elle-même et qu’elle a des aspects absolument révolutionnaires. Fabergé est synonyme de surprise, de découverte et de plaisir. Et cette montre répond parfaitement à ces définitions. Elle montre notre capacité à réfléchir hors des sentiers battus et à nous débarrasser des conventions. Nous avons réussi à mettre ce garde-temps sur le marché à un prix que j’estime vraiment remarquable. Mais le plus important à mes yeux c’est que lorsque quelqu’un jouera avec la montre puis la passera à son poignet, il sourie.

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