Interview de Gabriel Benador

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Interview with Gabriel Benador - Watch collector
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Grand collectionneur américain de montres et investisseur, ce fin connaisseur de l’horlogerie incite les marques à revoir leur relation avec leurs clients.

En tant que collectionneur de montres, que pensez-vous de la situation actuelle du marché horloger ?

Je pense que la situation est désastreuse et ne fait qu'empirer. De nombreuses marques sont engluées dans leurs anciennes façons de penser et craignent d'adopter de nouvelles stratégies qui leur permettraient d’être plus en phase avec l’époque et plus accessibles (au moins en termes de communication) par le public. Je suis convaincu que dans un avenir proche nous allons assister à la disparition des marques les plus faibles. Et c’est l'industrie dans son ensemble qui devrait se restructurer. Cela dit, je pense que c'est une bonne période pour les collectionneurs car de nombreuses marques offrent des avantages et certaines pièces sont non seulement plus facilement disponibles mais aussi avec de plus grandes réductions. Le marché est favorable aux acheteurs.

Quelles sont vos trois dernières acquisitions, et comment les avez-vous choisies ?

Ces deux dernières années, j’ai restreint mon domaine d’intérêt à deux thèmes principaux: Patek Philippe et les indépendants. J'essaie d'équilibrer chaque acquisition d’une Patek avec une pièce de marque indépendante, et vice-versa. Mes trois dernières Patek ? Une Aquanaut Travel Time (5164a), avec mention Tiffany sur le cadran, une Nautilus 3700 (de 1979, avec coffret en liège et attestations), et une Calatrava 5565a (une édition limitée à 300 pièces pour l’ouverture du salon de Genève en 2006). Et mes trois dernières acquisitions de marques indépendantes : la LM1 Dubai Edition de MB&F, le Tourbillon Souverain Black Label Version de F.P Journe, et le Double Tourbillon Technique 30 degrés en titane et ADLC noir de Greubel Forsey.

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Comment fonctionne le club de collectionneurs que vous animez à New York ?

C’est groupe très ouvert et convivial baptisé RedBar. J’en suis membre depuis près de quatre ans maintenant et j'y ai rencontré certains de mes plus proches amis. Nous nous réunissons chaque semaine dans un bar autour d’un verre pour parler montres. Parfois, nous invitons aussi des marques à venir nous rencontrer, dans un cadre très décontracté et discret. Il n’y est pas question d’égo, mais de notre passion pour les montres, pour l'enrichissement de nos connaissances horlogères, et pour les discussions entre collectionneurs.

En tant que clients, vous estimez-vous satisfait de la relation que vous entretenez avec la majorité des marques horlogères ?

Je pense que personne n’est satisfait de la communication et de l'accessibilité de la majorité des grandes marques. A moins, bien sûr, d’être un très gros collectionneur. Et c'est un problème. Mais, les indépendants, eux, ont tout juste. Ils savent comment communiquer avec nous et ont bien compris l'importance des contacts directs et personnels. On ne parle pas de publicité ou de médias, mais bien de contacts et de communication personnels entre la marque et les collectionneurs. Et cela, personne ne le fait mieux que les marques indépendantes - MB&F, Urwerk, Arnold and Son ou Greubel Forsey, par exemple.

Vous faites d’ailleurs également partie des actionnaires fondateurs de Volleto, une application qui rapproche les propriétaires d’objets de luxe et les marques, notamment horlogères, pourquoi ?

A mon avis, la communication est l'un des plus grands défis auxquels les marques sont confrontées aujourd'hui. Volleto vise à combler le fossé de communication qui existe entre les marques et les collectionneurs. Elle propose une solution adaptée au monde d’aujourd’hui. Il existe beaucoup de médias sociaux et d’outils médiatiques à disposition des marques, mais leur problème est qu'ils visent un public de masse avec peu, voire pas du tout de contact direct entre une personne et la marque, et réciproquement. Au contraire, avec Volleto, nous cherchons à cibler l'individu, à le rapprocher de la marque de manière pertinente, utile et très rentable, en lui offrant une ligne de communication directe,

Quelle est votre vision de Volleto ?

Les marques doivent comprendre que leur communication avec les collectionneurs est la priorité numéro un, qu’elles doivent l’améliorer, et qu’avec Voletto, nous disposons des outils pour y parvenir. Nous constatons au sein de l'industrie horlogère suisse un manque de souplesse pour la mise en œuvre de nouvelles stratégies en adéquation avec notre époque. Les décisions sont trop longues à prendre et un temps fou est gaspillé en bureaucratie désuète. Les médias sociaux évoluent rapidement et la majorité des marques ont plusieurs trains de retard. Volleto fournit la ligne de communication directe que la plupart des acheteurs de produits de luxe espèrent. Pour quelle raison les marques n’utiliseraient-elles pas tous les moyens de communication disponibles ?

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