L’impact du Brexit sur l’industrie horlogère suisse

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The impact of Brexit on the Swiss watch industry - What’s next?
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Il est trop tôt pour savoir quelle voie la Grande-Bretagne va suivre quant à son avenir hors de l’UE ou même si cet avenir sera vraiment hors de l’UE ou pas. Mais quoi qu’il arrive, il y a déjà des conséquences à court terme pour l’industrie horlogère suisse.

« A l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE ? ». Telle était la question simple posée à l’électorat du Royaume-Uni le 23 juin dernier. La réponse a provoqué dès le lendemain une onde de choc sur l’establishment politique et l’économie du pays. Si l’on se fie au second terme le plus recherché sur Google UK le 24 juin (« Qu’est-ce que l’UE ? »), beaucoup de gens vérifiaient de quoi exactement ils avaient choisi de sortir. Bien qu’en vacances à ce moment-là, j’ai observé à une distance prudente depuis la Suisse comment l’ordre politique dans le pays où je suis né s’effilochait lentement. A cet instant, l’impact sur l’industrie horlogère suisse n’était pas ma préoccupation première et, deux semaines plus tard, le pays subit toujours le contrecoup de cette décision, sans montrer de direction claire.

La campagne pour le « Leave » a consisté à fomenter le populisme jusqu’au point de rejeter les avis des experts qui, de façon quasi unanime, prédisaient un impact négatif sur l’économie de la Grande-Bretagne si le pays choisissait de quitter l’UE. Avant même l’annonce officielle des résultats néanmoins, la livre avait déjà commencé sa chute  vers son niveau d’il y a trente ans et dès l’ouverture de la bourse, les banques britanniques ont perdu jusqu’à un tiers de leur valeur. La baisse de la livre pourrait être interprétée comme une bonne nouvelle pour le secteur du luxe en général. Comme le directeur général de Bulgari, Jean-Christophe Babin, l’a déjà déclaré à The Economist, cela pourrait stimuler les ventes aux touristes pour la marque.

Tout cela est bel et bon, pour autant que les touristes continuent à venir. Qing Wang, professeur de marketing et d’innovation et directeur du Warwick Luxury & Innovation Hub à la Warwick Business School, a des doutes à ce sujet.

« Le Brexit aura aussi un impact négatif sur l’image de la Grande-Bretagne comme pays ouvert et accueillant pour les touristes et les entreprises de pays émergents comme la Chine. Nombre d’entreprises et d’investisseurs chinois considéraient la Grande-Bretagne comme la porte d’entrée en Europe, comme un pays politiquement stable avec un cadre légal solide et transparent. Cette image positive de la Grande-Bretagne comme « puissance douce » a été essentielle pour ses échanges commerciaux avec des marchés émergents comme la Chine.
« Mais après le référendum sur l’UE, les entreprises chinoises doivent maintenant réévaluer leurs stratégies internationales en fonction de l’influence notablement réduite du Royaume-Uni en Europe et de l’incertitude et des risques dans le pays lui-même. »

Mais le marché intérieur ne se nourrit pas que de ventes aux touristes et les exportations suisses vers la Grande-Bretagne, y compris horlogères (qui représentaient 5,4% des exportations horlogères suisses totales l’an dernier), sont subitement devenues beaucoup plus chères pour la population locale. L’observateur du secteur de l’industrie René Weber, de Vontobel, estime que le groupe Richemont génère environ 5% de ses ventes en Grande-Bretagne et que le pays représente environ 3% des ventes du Swatch Group, tous deux vont donc souffrir de l’impact du taux de change. Et ce n’est pas le genre de nouvelles que les grands groupes et les marques horlogères ont envie d’entendre en provenance de l’un des marchés les plus performants en cette année difficile.

Si les répercussions du taux de change et de la bourse sont mesurables directement et immédiatement, les perspectives à moyen et long terme demeureront incertaines tant que le parlement britannique sera dans l’impasse. « Personne ne sait quel modèle le Royaume-Uni va utiliser pour ses futures coopérations avec l’UE », explique René Weber. « Il va y avoir une période de négociations de deux ans (ndlr : si la Grande-Bretagne active l’article 50 du Traité de Lisbonne pour notifier à l’UE son intention de la quitter ») et à ce jour on ne sait absolument pas quelle direction la Grande-Bretagne va prendre ! ».