Un pari délicat

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A balancing act - Pop-up watch stores
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Ces boutiques éphémères font la joie des marques, parfois des clients, plus rarement des détaillants locaux. Avoir un bel emplacement ne suffit pas. Décryptage et contre-exemples.

To pop up : littéralement, apparaître. En horlogerie, la traduction est un peu différente : apparaître...et disparaître. C’est toute la vocation du pop up store, boutique éphémère. Il apparaît en un lieu qui n’est pas habituellement le sien, puis disparaît quelques jours, semaines ou mois plus tard.

Les maisons horlogères en sont pour beaucoup familières. De facto, les clients aussi. Pourtant, si l’on regarde le concept de plus près, il n’a aucune raison valable d’exister : il ne présente en général qu’une partie de la collection, ne permet pas de fidéliser une clientèle locale, ne permet pas toujours de reproduire l’essence esthétique de la marque (mobilier, prestations), mobilise des forces commerciales aussi éphémères que leur lieu de travail, peut au passage venir soustraire quelques précieuses ventes aux détaillants alentours qui, eux, sont là pour durer. Une fausse bonne idée ?

Zenith, le cas d’école

Les avis sont partagés.  Zenith, pour sa part, n’a pas hésité : elle vient d’en ouvrir un place Vendome, à Paris. L’opération a été facilitée : Zenith a pris la place de Vuitton, appartenant donc au même groupe qu’elle (LVMH).

Julien Tornare (CEO) et Arnaud Vidal (DG France) ne tarissent pas d’éloges sur l’opportunité : « Nous allons faire des événements, faire venir des clients du monde entier. Nous allons avoir 100% de la collection ainsi qu’un espace muséal », souligne le premier. La place Vendome est donc vue comme un accélérateur de notoriété et de ventes au sein d’un marché hexagonal en plein recentrage, ayant fermé 30% de ses points de vente en un an.

Le délicat pari des « pop up stores »

Le pour...et le contre

Au-delà de la célèbre place parisienne, les avis sont plus mesurés. Laurent Picciotto (Chronopassion, non partenaire de Zenith) estime « qu’un pop up store n’a un véritable intérêt que lorsque la marque n’est pas déjà présente sur place. Au final, un pop up store, c’est une boutique, qu’elle soit pop up ou non ».

Le point de vue est partagé par Mario Peserico, CEO Eberhard & Co. : « nous n'avons jamais jugé approprié d'utiliser ce canal de vente, dans le respect de nos revendeurs ». Avant d’ajouter un commentaire sur l’image véhiculée par un pop up store : « ils peuvent être intéressants s’ils sont utilisés dans un contexte cohérent avec l'image de la marque. A défaut, ils peuvent créer une perception d’opération «cheap» et devenir contre-productifs. Il faut donc recourir à des pop-up stores seulement si les conditions d'un événement de très haut niveau sont rassemblées ».

Le délicat pari des « pop up stores »

De Gstaad à Genève

Haut de gamme et pour pallier un manque de détaillant local : voilà les deux clés d’un pop up store réussi. Hysek l’a bien compris : « chaque année, nous sommes au tournoi féminin de tennis de Gstaad (WTA Ladies Championship Gstaad). Nous remarquons que passer la porte d’une boutique Rue du Rhône ou Place Vendôme n’est pas une démarche anodine, alors qu’un stand éphémère offre un espace immédiatement accessible à tous. Ce premier contact, facilité, permet de transmettre en quelques minutes l’esprit de la marque et de toucher une clientèle qui ne se serait pas nécessairement rendue en boutique ».

Même son de cloche chez Hublot : « un pop up store est moins engageant qu’une boutique. Par ailleurs, il peut servir de test pour la zone d’une éventuelle future boutique. On peut également envisager d’ouvrir une deuxième boutique dans une ville où nous en avons déjà une, un pop-up store permettant cette fois de tester le quartier et de voir si avoir deux boutiques présente un intérêt. Enfin, sur un événement ponctuel comme le Bol d’Or Mirabaud à Genève, les ventes sont rares mais nous prenons contact avec des nouveaux clients qui, plus tard, pourront venir en boutique ».

Le délicat pari des « pop up stores »

Le revers de la médaille

Le pop up store n’a toutefois pas que des avantages. Les coûts en sont un frein non négligeable. Il y a la location du lieu. Il y a aussi  l’animation du site, soirées, cocktails, événements, voyages de clients. Sur les événements, il y a des frais d’infrastructures qui peuvent être conséquents. Sur certains sites, il faut parfois bâtir « en dur » de manière presque pérenne, pour quelques semaines seulement. Il y a enfin la force de vente : elle doit être efficace, disponible de suite, totalement formée et opérationnelle, le tout souvent sept jours sur sept. Il s’agit donc souvent de personnel d’une boutique adjacente, ce qui revient à déshabiller l’une pour habiller l’autre. Au final, tout est question d’arbitrage.