La mécanique d'Anticythère

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La machine d'Anticythère fait fantasmer les archéologues depuis des décennies. Hublot en a recréé une version horlogère miniaturisée, présentée lors d'une exposition au CNAM de Paris.



WORLDTEMPUS – 12 octobre 2011

David Chokron


En 1901, par 62 mètres de fond, des pêcheurs d'éponge repèrent les restes d'une épave près des côtes de l'île grecque d'Anticythère. Parmi les inestimables sculptures en marbre et poteries, les archéologues grecs découvrent quelques fragments de bronze dont ils ne comprennent pas la fonction. Ils se perdent en conjectures avant qu'en 2000, une équipe internationale ne se penche sur les 82 pièces énigmatiques et avancent une hypothèse: qu'elles faisaient partie d'une machine astronomique indiquant les états de divers astres (lune, soleil, étoiles), selon plusieurs calendriers. Lundi, Hublot levait le voile sur une première horlogère: une reproduction – adossée à un calibre à tourbillon – de cet engrenage antique!

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Recréation miniaturisée

A l'aide d'un scanner médical, les pièces sont analysées malgré leur état fragmentaire et la corrosion. Une reconstitution en trois dimensions en est alors créée qui permet de déduire les cycles astronomiques décrits par la machine, qui a été entre-temps surnommée d'«Anticythère». Datation et compréhension sont facilitées par la découverte de textes, un quasi mode d'emploi gravé à même l'appareil.

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En 2008, Mathias Buttet, aujourd'hui directeur de la R&D chez Hublot, rejoint le projet. Sur la base des connaissances de l'époque, il se lance dans une entreprise horlogère à tendance archéologique: créer une montre reproduisant les indications de la machine au plus près de l'original.

Le résultat de ces recherches est visible désormais au Musée des Arts et Métiers de Paris. Une exposition y retrace l'histoire de la découverte de la Mécanique d'Anticythère, l'analyse qui en a été faite et le processus de recréation de l'objet. Un modèle en a été reconstitué à taille réelle, soit 20 centimètres de haut. Il s'agissait d'un objet prédictif qui fait montre d'un avancement technologique que l'on croyait hors de portée des Grecs. Et qui soulève encore de nombreuses interrogations.


Indications d'un autre âge


L'épave a en effet été datée d'environ 87 avant notre ère. La machine était dotée d'engrenages de bronze d'une sophistication étonnante, alors que l'on croyait de tels rouages inventés dans l'Italie de la renaissance.

Matthias Buttet a recréé un modèle miniature de la machine d'Anticythère, le calibre 2033-CH01, fait de 495 composants. Respectueux des technologies d'alors, il l'a miniaturisée et y a simplement ajouté un calibre horloger à tourbillon pour l'animer.

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Ses indications sont légion et aujourd'hui inutiles pour la plupart: le calendrier égyptien, celui des Jeux Panhelléniques (autrement dit Olympiques), la position dans le Zodiaque, les phases et la vitesse de la lune et du soleil. Y étaient joints des calendriers dont l'usage s'est depuis longtemps perdu: les cycles Callipiques, de Méton de Saros et d'Exeligmos, de véritables inconnus au bataillon des calendriers. Ils sont une photographie de l'état de la connaissance et des croyances d'un temps révolu, loin d'être aussi en retard que l'on imaginait. On suppose que la machine incluait également des indications sur les cinq planètes alors connues de notre système solaire. Les fragments manquants le seront certainement longtemps, un tremblement de terre ayant déplacé l'épave, rendant plus improbable encore une nouvelle expédition.



Mécénat

Le projet horloger d'Hublot est désintéressé. En hommage au passé, qui «doit être glorifié et non exploité», selon Jean-Claude Biver, CEO de Hublot, le calibre ne sera reproduit qu'à trois exemplaires. Le premier sera mis aux enchères et le profit de la vente sera intégralement reversé au Musée des Arts et Métiers. Le second sera exposé au Musée Archéologique d'Athènes. Le troisième intégrera les collections du musée Hublot. Le résultat de ce processus scientifique international renvoie les horlogers à leurs propres limites, sur le plan de l'organisation de la recherche comme sur celui des limites techniques telles qu'elles ont été conçues. Une leçon d'humilité face à l'Histoire.

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