« Le temps est le seul capital des gens qui n'ont que leur intelligence pour fortune », écrivait Balzac. Voilà qui sied au mieux à Trilobe, jeune maison fondée par Gautier Massonneau il y a à peine cinq ans. Car de capital, la jeune pousse n’en a pas beaucoup. 100% indépendante, elle se repose sur son habileté, sa créativité, et son intelligence à se mouvoir en terres horlogères où s’affrontent des mastodontes à coup de milliards de francs.
Trilobe s’y faufile avec agilité. Esquive, rebondit, réapparaît là où on ne l’attendait pas. Régénérée et espiègle. On revoit le film du début des années 2000 où de jeunes loups jouaient déjà à David contre Goliath. Ils s’appelaient MB&F, Urwerk, De Bethune. On connaît la suite.
Sans-faute
Trilobe empruntera-t-elle le même chemin ? N’insultons pas l’avenir à le prédire. Mais pour le moment, c’est un sans-faute. L’affichage du temps sans aiguilles, les formes très sophistiquées, le mouvement maison, la bienfacture, l’originalité doublée d’humilité : toutes les cases sont cochées. L’année dernière, la folle cavalcade se conclut même par un prix au GPHG, catégorie « Petite Aiguille ». Cocasse distinction pour une marque qui s’est bâtie sur des cadrans...qui en sont dépourvus.
Réparer le temps
Pour Only Watch 2023, Trilobe s’est appropriée la technique japonaise du Kintsugi. Elle consiste à réparer les fissures de certains objets brisés, comme des vases, avec de l’or. Une manière rare et élégante non pas de masquer les brisures du temps et accidents du quotidien, mais au contraire de les sublimer.
L’horlogerie et le Kintsugi, c’est une histoire qui a déjà quelques années. Nos confrères d’Europa Star y consacraient un numéro en juin 2020. Audemars Piguet s’y intéressait en 2021. Mais aucune pièce n’avait vu le jour en appliquant, stricto sensei, la technique de ces maîtres japonais à une montre. Jusqu’à ce jour.
Création originale
Trilobe soutient la vente aux enchères caritative Only Watch depuis trois éditions. Luc Pettavino, son initiateur, avait proposé à la marque de rejoindre le mouvement alors qu’elle n’avait même pas un an. Une belle preuve de confiance que Trilobe s’est depuis employée à honorer à chaque édition en assumant le risque d’une authentique création originale, et non d’un simple refresh d’une pièce existante, par un changement de logo, de couleur ou de bracelet.
« Une Folle Journée Réconciliation » ne fera pas exception. Elle honore même la marque et la vente d’une création d’une exemplarité rare. Elle reproduit, côté cadran comme côté mouvement, des traces de brisures des composants, ensuite réparées à l’or fin, dans la plus pure tradition du Kintsugi. Le modèle de base est une Folle Journée entièrement noire (titane traité PVD), afin de magnifier le contraste avec ses fractures dorées. On admire notamment le disque des minutes, qui a littéralement été brisé. Le mouvement présente lui aussi ses propres anfractuosités, recouvertes d’une feuille d’or.
Donner du sens
Outre la performance technique, la pièce offre une portée philosophie évidente : le temps interrompu par un accident de la vie, mais qui continue de s’écouler ; les cicatrices réparées d’une existence ; magnifier le soin réparateur pour aller de l’avant. Autant de métaphores qui alimentent la visée profondément humaniste de la seule vente aux enchères caritative de l’industrie horlogère.
