A la tête de Cartier de 1975 à 1998, Alain-Dominique Perrin a créé la Fondation Cartier en 1984 et en est toujours le président. Pour marquer son 30ème anniversaire, la Fondation propose, dès le 10 mai et jusqu’en mars 2015, une série d’expositions commémoratives qui dévoileront, pour la première fois en France, sa collection privée d’œuvres commandées.
La Fondation Cartier est née dans un château du XIXe siècle, à Jouy-en-Josas près de Paris, avant de s’installer dix ans plus tard dans le 14ème arrondissement, dans le bâtiment de verre et d’acier conçu pour elle par Jean Nouvel. De son bureau avec vue sur les toits de Paris, Alain-Dominique Perrin parle avec fierté de son œuvre.
« Nous sommes la première fondation d’entreprise à avoir exposé de l’art contemporain et nous sommes à l’origine de la loi sur le mécénat d’entreprise », a déclaré M. Perrin dans une interview.
Pendant trois décennies, la Fondation Cartier s’est donné pour mission d’élargir la sphère de la création digne d’être exposée en donnant carte blanche à des artistes venus du monde entier : des designers, des musiciens, des couturiers, des mathématiciens, des metteurs en scène, bien établis ou peu connus, dans le cadre d’un programme d’expositions toujours original, éclectique et indépendant.
En 1987, la Fondation a consacré le talent du designer automobile Enzo Ferrari. En 2004, elle a produit « Pain Couture », une exposition de robes créées par Jean-Paul Gaultier avec de la pâte à pain et en 2011 elle a célébré la poésie des mathématiques.
« Nous avons dopé la carrière de beaucoup d’artistes. Nous avons exposé l’artiste-vidéo Bill Viola avant qu’il ne soit mondialement connu, ainsi que les designers industriels Philippe Starck et Marc Newson avant qu’ils ne deviennent des stars planétaires, se félicite M. Perrin. La Fondation est un succès universel et, surtout, elle a donné à la Maison Cartier un surcroît de crédibilité inestimable».
L’idée de la Fondation est née dans l’esprit d’Alain-Dominique Perrin, dont la vision personnelle innovante a façonné le parcours de l’institution.
« Au début des années 80, le gouvernement socialiste de François Mitterrand est arrivé au pouvoir et, aussi fou que cela puisse paraître, il existait un plan de nationalisation de Cartier, raconte M. Perrin. Cartier s’en sortait plutôt bien, mais j’ai compris que je devais faire quelque chose de plus pour gagner le respect par le biais de la responsabilité sociale. »
En 1981 Alain-Dominique Perrin monte une opération spectaculaire en faisant écraser au rouleau compresseur 4'000 fausses montres Tank à San Diego, et lance ainsi un signal retentissant dans la lutte contre la contrefaçon. « Cette acte symbolique a été fondateur dans la création d’une institution qui aiderait les artistes à protéger leur propriété intellectuelle », explique M.Perrin.
Combattre la contrefaçon a certes été déterminant pour l’activité horlogère de Cartier, mais Alain-Dominique Perrin, sur les conseils de son ami, le sculpteur César, a rapidement réalisé qu’aider les artistes à créer plutôt qu’à intenter des actions en justice serait plus efficace.
Contrairement à d’autres marques, comme Louis Vuitton qui a régulièrement fait appel à des artistes comme Takashi Murakami, Richard Prince et Yayoi Kusama, Cartier a rigoureusement séparé ses affaires dans le luxe de son mécénat artistique.
« Une des règles de base était que Cartier n’utiliserait jamais les artistes pour promouvoir ses produits, relève M. Perrin. Je ne voulais pas corrompre les artistes avec de l’argent ». Et pourtant la Maison Cartier a entièrement financé la Fondation à hauteur de 10 millions d’euros par an avec l’aide de ses fournisseurs. « Les fournisseurs de Cartier donnent environ un million d’euros par année à la Fondation, révèle M. Perrin. Ce projet a réuni toute la famille Cartier. »
