Grandes manœuvres dans la distribution horlogère

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BUC-VG Luzern
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Au nom de l’expérience client, les réseaux physiques de ventes horlogères confortent leur position pour devenir un véritable enjeu stratégique. Au menu : fusions, rachats, alliances…

Durant la crise du Covid, l’avenir des boutiques de luxe semblait durablement compromis au profit du commerce en ligne tout puissant. Les vieilles habitudes d’achat étant vouées aux gémonies, après le glas viendrait un enterrement rapide. Deux ans plus tard, force est de constater que ces prévisions se sont révélées totalement erronées. Mieux, les boutiques ont clairement affirmé leur nouveau statut de centre névralgique de la fameuse « expérience client », le nouveau sésame des ventes horlogères. Lors du récent forum organisé sur la question par la Fondation de la Haute Horlogerie, les intervenants l’ont clairement affirmé, à l’instar de Clara de Pirey, directrice du pôle luxe de l’agence de conseils NellyRody : « L’avenir du luxe continuera de se faire dans les boutiques. » Mieux, selon Matthias Fuchs, professeur adjoint de marketing à l’École hôtelière de Lausanne, pour la génération Z, qui s’affirme de plus en plus comme le cœur de cible pour l’industrie, un passage en boutique équivaut à une reconnexion au monde réel bienvenue dans leur univers régi par des écrans.

Watches Of Switzerland in New York © Watches Of Switzerland
Boutique Watches Of Switzerland à New York © Watches Of Switzerland

Comme le souligne The Deloitte Swiss Watch Industry Study 2023, publiée cet automne, si l’information en ligne reste importante pour un premier contact, rien ne remplace les relations personnelles que les marques entendent privilégier dans l’expérience client. En conséquence, les réseaux de ventes au détail sont en pleine effervescence dans le secteur horloger. Cela commence par les Maisons elles-mêmes. Toujours selon Deloitte, l’année écoulée a été marquée par un véritable boom en matière d’ouverture de boutiques monomarques, notamment de la part de Chopard, H. Moser & Cie, IWC à Shanghai, Jacob & Co à New York…, sans oublier Breitling qui en est à plus de vingt nouvelles enseignes depuis 2021. Quant au Swatch Group, son propre réseau de ventes au détail a gonflé de 20 % sur le premier semestre 2023 pour représenter désormais 40 % du chiffre d’affaires enregistré dans les montres et la joaillerie.

Bucherer in Luzern © Bucherer
Boutique Bucherer à Lucerne © Bucherer 

Extension tous azimuts

Les Maisons horlogères ne sont toutefois pas les seules concernées. Les réseaux de détaillants et points de ventes multimarques connaissent également une phase d’intense agitation marquée par des fusions et acquisitions en chaîne. Après le coup de tonnerre créé par l’annonce du rachat de Bucherer et sa centaine de points de ventes par Rolex en août dernier, c’était au tour de Watchbox, un acteur important sur le marché de seconde main créé en 2017, de faire part de la fusion en cours avec les détaillants américains Govberg, Hyde Park Jewelers et Radcliffe Jewelers au sein de la nouvelle entité The 1916 Compagny, désormais à la tête d’une vingtaine de boutiques et autres « lounges » aux États-Unis et à l’international. Comme on le voit avec Watchbox, à la base un pur revendeur sur Internet, la présence physique sur les marchés est devenue un passage obligé. C’est exactement le même cheminement qu’a connu Watchfinder, un autre revendeur majeur de montres d’occasion sur Internet repris par le groupe Richemont en 2018. Depuis, l’entreprise a ouvert ses propres salons et boutiques privées en France, Italie, Suisse, Allemagne, à Hong Kong et aux États-Unis comme en Grande-Bretagne.

Brian Duffy CEO of Watches of Switzerland © Watches of Switzerland
Brian Duffy CEO de Watches Of Switzerland © Watches Of Switzerland

Interpénétration des activités en ligne et hors ligne mais aussi interpénétration des premier et second marchés. Sotheby’s, la célèbre maison de ventes aux enchères, vient ainsi d’annoncer un nouveau partenariat avec Bucherer qui se traduit par l’ouverture d’un salon pour collectionneurs au sein même de la boutique Bucherer de la Bahnhofstrasse à Zurich. Même constat en ce qui concerne Watches of Switzerland, détaillant mondial incontournable avec 211 points de ventes à son actif, dont 97 boutiques monomarques exploitées en partenariat avec Audemars Piguet, Omega, Rolex, TAG Heuer… Le groupe, qui vient de communiquer les résultats du deuxième trimestre de son exercice en cours, fait ainsi part pour la période, sous revue de l’ouverture aux États-Unis de six nouveaux magasins monomarques et de l’acquisition de 19 points de ventes détenus par le Britannique Ernest Jones. Avec une telle présence sur les marchés et en raison de la transparence voulue par sa cotation en Bourse, Watches of Switzerland passe volontiers pour donner le pouls de la profession. Or avec ses comptes trimestriels, Brian Duffy, CEO de la compagnie, annonçait clairement la couleur pour les années à venir. Selon ses propos, Watches of Switzerland devrait doubler son chiffre d’affaires à plus de 3 milliards de livres d’ici 2028. Au menu : développement du marché de seconde main, ouverture de boutiques, projets de fusions-acquisitions…