De Bethune - horlogerie d'élite

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Horloger-inventeur de la marque, Denis Flageollet n'hésite pas à forcer le destin pour vérifier une idée. Sa méthode: la rage de vaincre du sportif et la façon de penser des premiers maîtres de l'horlogerie.

WORLDTEMPUS – 17 juin 2011

Propos recueillis par Louis Nardin

Les montres les plus audacieuses de De Bethune semblent directement sorties d'un film de science-fiction. Et à leurs formes sans équivalent répond une mécanique inclassable puisqu'elle mêle brillamment, et avec goût, inventions maison, patrimoine horloger et technologies extrêmes.
Après une seconde ascension du Jura, cette fois sous un déluge d'eau et le long d'une pente digne d'une escalade, le duo du Veloptuous Times s'est arrêté plus détrempé que jamais au bureau de recherche de De Bethune, accessoirement l'ancien café du village de La Chaux. Denis Flageollet, cofondateur et horloger-inventeur, nous a accueillis linges-éponges à la main. Une fois séchés, il s'est expliqué sur sa manière de travailler, et dans quel but.Veloptuous Times_330677_0

Worldtempus: Fils et petit-fils d'horloger des Vosges en France, étiez-vous prédestiné à ce métier?

Denis Flageollet: Je ne sais pas. A vrai dire, j'adorais le sport et j'ai suivi un cursus scolaire de type sport-études. Mais comme il me fallait un métier pour vivre et que j'appréciais les pendules anciennes, j'ai appris l'horlogerie, d'autant plus que mon père et mon grand-père m'avaient déjà enseigné plusieurs coups de main. J'ai étudié au Technicum du Locle en Suisse et j'ai eu la chance de rencontrer des professeurs et d'autres maîtres qui ont fait progressivement grandir en moi une passion pour l'horlogerie mécanique. Les discussions que nous avions m'ont donné l'énergie d'aller voir plus loin, de creuser le sujet. Diplôme en poche, j'ai restauré des pièces anciennes pour le Musée d'horlogerie du Locle, ma meilleure école.

Vous travaillez ensuite avec plusieurs grands spécialistes de la restauration…
En effet, après un bref retour en France, je rejoins la petite équipe de Michel Parmigiani. J'ai alors beaucoup appris avec Charles Meylan, un horloger de la vallée de Joux doté d'une connaissance encyclopédique et de l'expérience de toute une vie. Avec lui j'ai par exemple réalisé mes premiers quantièmes perpétuels extra-plats. J'ai pris ensuite mon indépendance avant de fonder THA avec d'autres horlogers, un atelier de création de pièces uniques. C'est la rencontre avec David Zanetta, le cofondateur de la marque, dans le cadre de THA, qui a déclenché la création de De Bethune en février 2002.

De Bethune a beau être une marque presque confidentielle, elle accumule les brevets, et en particulier dans les domaines les plus ardus de l'horlogerie comme les échappements par exemple. Pourquoi?
Au tournant de l'an 2000 et dans les discussions avec nos clients, j'avais déjà eu vent que Nivarox, le producteur quasi monopolistique d'échappements, pensait à réduire ses livraisons. Un de mes premiers travaux de recherche a donc été de trouver une alternative à ce qui existait. Cela tenait aussi au fait qu'avec De Bethune, David et moi voulions aller immédiatement jusqu'au bout des choses, ce qui incluait aussi la création de nouveaux échappements.
Veloptuous Times_330677_1En plus de vous attaquer à des sujets techniques ardus, vous maintenez un rythme plus que rapide dans votre capacité à innover. Êtes-vous particulièrement pressé?
Quand on s'intéresse à un sujet, il faut aller jusqu'au bout. Et les solutions accessibles à tous ne m'intéressent pas car il est toujours possible de trouver des pistes alternatives et nouvelles. Le vrai défi tient dans le fait d'explorer avec passion. Et là, le temps s'oublie.
Comment procédez-vous pour innover?

J'essaie de me mettre dans la peau des grands horlogers de l'époque et de voir comment ils aborderaient le problème, cela en tenant compte des nouvelles technologies disponibles et de toute la recherche qui a été faite depuis. Ils avaient déjà trouvé beaucoup de solutions. Certaines ont traversé les âges, d'autres ont disparu mais tant leurs réussites que leurs échecs s'avèrent d'excellentes sources d'inspiration. Il est important aussi de travailler avec des collaborateurs ne venant pas de l'horlogerie. Une ingénieure du bureau technique et notre mathématicien sont issus d'univers différents et portent donc un regard nouveau sur les problèmes. Car la clé c'est aussi de savoir remettre en cause, de questionner l'existant, avec détermination. A savoir que cette quête concerne autant la technique que l'esthétique et le confort des montres De Bethune.Veloptuous Times_330677_2

Quel est le défi principal qui attend l'horlogerie aujourd'hui?

Des inventions anciennes sont remises au goût du jour et parfois présentées comme des innovations récentes. Ce n'est pas problématique en soi. En revanche, je note qu'une certaine confusion s'est installée parmi les marques. Elles s'observent mutuellement et au lieu de garder une identité propre, elles suivent des tendances si bien que les produits perdent leur identité et se ressemblent toujours plus entre eux. A l'opposé, j'ai beaucoup aimé par exemple la montre qu'Eva Leube a présentée à Baselworld. Elle a construit un calibre qui épouse la forme du poignet. Beaucoup de marques rêvent de cela mais n'ont pas osé aller jusqu'au bout. Elle, si. Finalement, un dernier point tient à la valeur intrinsèque des produits. Les horlogers se cherchent beaucoup et le contenu d'une montre ne correspond souvent pas à son prix. Si l'horlogerie veut être considérée comme un art de valeur, alors cette valeur doit se retrouver partout dans la montre. Les produits doivent avoir du contenu, à tout point de vue, et pas seulement une carrosserie élégante avec un moteur sans âme à l'intérieur.VELOPTUOUS TIMES - le dossier
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