HEURE SUISSE - Novembre 2010
Joël A. Grandjean
Accrochée aux bords du lac, à Twann, entre Neuchâtel et Bienne, son enseigne est désormais inscrite comme incontournable escale sur la route de l'horlogerie compliquée, à la fois respectueuse des grands maîtres horlogers passés et tournée vers l'innovation.
S'inspirant, comme ses pairs Stephen Forsey et Robert Greubel, des travaux des Britanniques Anthony G. Randall et de Richard Good, Thomas Prescher appartient à cette nouvelle génération de doigts d'or qui s'amusent à taquiner l'impensable. Ainsi parvient-il à réaliser, dans une montre-bracelet, un exploit jugé jusque-là impossible: l'ajout à un mécanisme tourbillon d'un troisième axe, opérant une circonvolution une fois par heure, donnant un relief spatial à la vision fascinante de la marche de la montre. Le tourbillon semble suspendu dans l'air et ses ébats sont comme épargnés par les vicissitudes de l'apesanteur.
Ils ne sont qu'une poignée dans le monde à maîtriser à ce point la science du tourbillon. Grâce à eux, la géniale invention d'Abraham Louis Breguet, destinée au départ aux montres de poche, connaît la plus inattendue des réhabilitations et s'offre quelques fraîcheurs d'interprétation saupoudrées d'insolite et d'inventivité. Au sortir d'une carrière éphémère dans la marine allemande, qu'il termine avec le grade de capitaine, Thomas Prescher opte pour l'indépendance.
En 2002, il ouvre son atelier à Twann, séduit par la typicité du lieu, entre paysages lacustres et pentes vinicoles. Après son apprentissage – précédé d'une soif autodidacte de savoir et abreuvé par la douzaine de pièces anciennes dans un piteux état qu'il acquiert pour leur redonner le goût de fonctionner –, le service après-vente d'Audemars Piguet, en Allemagne, lui offre son premier job. Il aura avalé et digéré un nombre incommensurable de données techniques, au fil de lectures volontaires: manuels techniques, livres horlogers et autres articles éclairés.
Comme bon nombre d'horlogers débutant un jour leur éponyme aventure, Thomas Prescher se fait la main grâce à la restauration de pièces anciennes, d'abord au sein de l'entreprise Gübelin, à Lucerne, où il s'essaie également à la réalisation de pièces d'exception, des commandes spéciales sur le mode de la haute complication sur mesure. Encore aujourd'hui, nombre de trésors antiques et de pièces rares passent entre ses mains à Twann: des oeuvres d'Abraham Louis Breguet, de Thomas Earnshaw, de Girard-Perregaux, de Ferdinand Adolf Lange, de John Arnold, de Patek Philippe, d'Urban Jürgensen, de LeRoy, de Thomas Mudge ou de Thomas Tompion. Puis, il se fait notamment connaître par la ligne Tempusvivendi, ses premières créations inspirées d'une complication apparue au XVIIIe siècle, un double rétrograde libérant, sur le cadran, des espaces ouverts à l'expression de scènes gravées ou émaillées, mêlant figures humaines et animaux mythologiques.
Il rejoint en 2003 l'illustre AHCI – Académie horlogère des créateurs indépendants – et s'offre, pour la première fois, une percée evigorante à Baselworld. C'est le coup d'envoi d'une carrière placée sous l'angle des personnalisations les plus soignées, pour une clientèle de collectionneurs et d'amoureux de belle ouvrage.
TRIPLE AXIS TOURBILLON
Equipée d'un calibre TP 3W6A.3, d'un diamètre de 37 mm et d'une hauteur de 6,46 mm, comportant un tourbillon volant sur chacun de ses trois axes, cette pièce de 43 mm, une taille plutôt raisonnable pour son degré de haute complication, est le premier tourbillon trois axes offert à une montre-bracelet: 327 composants, dont le plus léger pèse 0,0009 g, s'organisent autour de deux ressorts de barillets alimentés par un flux énergétique de 21 600 battements par heure. Chacun des trois axes du tourbillon est dédié à une fonction propre.
Indiquant les heures, les minutes et les secondes, ce garde-temps, étanche à 10 m et dont la réserve de marche est de 40 heures, cumule, côté finitions, les attentions et les matières les plus exclusives. Par exemple, son cadran en argent guilloché main reçoit des appliques et des aiguilles de style dauphine en or 18 carats. Son verre saphir convexe, traité antireflets des deux côtés, autorise les vues intérieures sur des ponts et platines subtilement décorés main. Il permet surtout d'apprécier la course triaxiale du tourbillon, ajoutant aux spectacles temporels, la dimension d'un temps spatial.
