La jeune marque jurassienne s'est construite autour de l'oscillateur harmonieux, un échappement inédit et qui défie les processus de mesure habituels.
WORLDTEMPUS – 2 septembre 2010
Louis Nardin
Comme toute science technique, l'horlogerie obéit à des règles. Dans le cadre de l'échappement, l'une d'elles prône la liberté la plus totale de la roue d'échappement. Connectée au spiral, elle pivote selon un mouvement d'aller-retour qui doit se faire le plus régulièrement et précisément possible. Sur le marché, tous les échappements de montres-bracelets respectent cette règle sauf un, celui développé par Rudis Sylva.
Construit sous la forme d'un tourbillon, c'est-à-dire avec une cage abritant l'échappement, il s'en distingue pourtant nettement. Ici, les oscillations du balancier d'échappement sont régulées par un second ensemble balancier-spiral. La transmission de la force entre les deux se fait par une dentelure taillée sur l'extérieur des deux serges, une construction qui défie justement les théories horlogères traditionnelles. Positionnés l'un en face de l'autre, les deux ensembles travaillent donc en totale synchronicité. Au centre de chacune, les spiraux, siamois, se déploient en alternance: lorsque l'un est sous tension, l'autre est complètement ouvert, et inversement.
Avec son oscillateur harmonieux, Rudis Sylva ouvre une brèche dans la manière d'appréhender la marche d'un échappement. Ceci étant, les appareils de mesure actuels ne sont pas assez performants pour analyser précisément ses qualités chronométriques. Contraints par l'énigme horlogère posée par son échappement, Jacky Epitaux, CEO de la marque, et son équipe ont donc décidé d'étudier en partenariat avec des maisons spécialisées la construction d'un appareil de mesure adapté. Il devrait être opérationnel dans le courant de l'année prochaine. Ceci étant, les premières montres ont été livrées et cela depuis le début de l'année. D'ailleurs, une version ronde prometteuse sera dévoilée en janvier.
Annuler plutôt que corriger
Dans son principe, l'oscillateur harmonieux affiche une plus grande stabilité que le tourbillon en position verticale. «Dans cette position, le tourbillon est particulièrement influencé par les inégalités de poids de la serge du balancier, plus marquées à cause de la gravitation, et contre lesquelles le spiral doit lutter, explique Jacky Epitaux. Il faudra une rotation complète de la cage pour que l'effet de compensation soit présent. Or si le tourbillon corrige les effets de la gravitation, l'oscillateur harmonieux les annule. En s'opposant mécaniquement, les deux paires de balanciers-spiraux assurent une marche totalement égale, même en position verticale. En revanche, cela oblige à un réglage parfait des deux ensembles.»
Aujourd'hui, les tests aux portés et les simulations par oscilloscope ont donné des résultats très encourageants avec une moyenne de variation d'une seconde sur 12 heures. Et la construction du mouvement qui a duré 5 ans a donne des résultats probants puisqu'aucune des montres en circulation n'est revenue en réparation, ni même le prototype porté depuis deux ans par Jacky Epitaux et qui a été jusqu'à subir les affres du pilotage de tondeuse à gazon.Version ronde
En parallèle aux activités de production, les deux horlogers de la marque du village des Bois améliorent le calibre existant. La cage a été allégée par exemple et des composants réalisés en titane comme des ponts et la platine.
Les premiers modèles Rudis Sylva ont été distribués dès janvier et les consommateurs asiatiques s'y intéressent de près – un point de vente vient d'être ouvert à Hong Kong. Présente également en Suisse et en Russie, la marque vient de prendre pied en Italie.
Dévoilés en janvier prochain, des modèles ronds mettront encore plus en avant le savoir-faire horloger de la région d'origine de Rudis Sylva, le Jura suisse, et présenteront un calibre avec une cage légèrement décalée vers le bas pour dégager l'aiguillage et une boîte affinée.
