Tess Pettavino lève le voile sur l’aspect caritatif d’Only Watch

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Tess Pettavino © Only Watch
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Ce qui a commencé avec deux familles réunie par la dystrophie musculaire de Duchenne est devenu une vaste opération de recherche qui est potentiellement sur le point de trouver remède

Tess Pettavino, directrice de l’Association Monégasque contre les Myopathies (AMM), est en charge de la partie caritative d’Only Watch et de sa mission qui consiste à trouver un remède à la dystrophie musculaire de Duchenne. WorldTempus s’entretient avec elle sur la façon dont les fonds récoltés par Only Watch ouvrent la voie à des thérapies salvatrices pour contrer cette maladie génétique débilitante.

Qu’est-ce que la dystrophie musculaire de Duchenne ?

C’est une maladie génétique qui affecte un garçon sur 3’500. Elle est considérée comme une maladie génétique rare et atteint surtout les garçons, car le gène est situé sur le chromosome X. La dystrophie musculaire de Duchenne se caractérise par l’absence de production d’une protéine essentielle à la cohésion des cellules musculaires, donc au fil du temps le muscle se dégrade. Puis, le problème principal est de maintenir le cœur et le système respiratoire aussi sains et solides que possible, car c’est généralement ce qui conduit à une mort prématurée. Dans notre cas, mon frère Paul nous a quittés à l’âge de 20 ans et il y a trois semaines, une autre famille a perdu son fils de 25 ans.

Pouvez-vous nous raconter comment est née l’Association Monégasque contre les Myopathies ?

Elle a été créée en 2001, après que deux garçons à Monaco ont été diagnostiqués en même temps. Les parents se sont associés pour faire tout ce qu’ils pouvaient pour que leurs enfants aient une vie la plus longue et la plus agréable possible. Pendant les premières années, ils se sont concentrés sur l’organisation de tables rondes et ont fait venir des experts scientifiques et médicaux du sujet pour qu’ils partagent leurs connaissances. Au début, il y a également eu des ventes aux enchères caritatives non horlogères, puis Only Watch a commencé en 2005, ce qui a fourni la capacité de financement des programmes de recherche.

Tess Pettavino © Only Watch
Tess Pettavino © Only Watch

Comment l’association caritative et ces programmes de recherche sont-ils structurés ?

En 2012, il y a eu une piste particulièrement prometteuse visant à obtenir un « message de réparation » aux cellules d’une façon durable et non toxique, alors une entreprise a été créée à l’université de Berne en Suisse, pour conduire cette piste au niveau clinique. En 2015, le même groupe de parents et de chercheurs a lancé une deuxième biotech sur l’aspect biologique de cette piste et, aujourd’hui, nous en sommes aux essais cliniques, ce qui signifie que la molécule est testée directement sur des patients. Ce premier essai clinique est vraiment une grande réussite.

Quelle est la prochaine étape ?

La première phase des essais cliniques a commencé en 2023 et la prochaine étape est la phase deux, qui va se concentrer sur l’efficacité des médicaments. Durant la décennie écoulée, ce projet a absorbé environ 90% du financement alloué par l’AMM, car c’est notre projet phare et nous en sommes fiers. Qu’il soit ou non couronné de succès, les résultats de ces essais cliniques vont déterminer le futur de la recherche sur la dystrophie musculaire de Duchenne.

Si tout se déroule comme prévu, pour quand serait le médicament ?

Nous sommes toujours très prudents dans la manière dont nous présentons les choses, car cela suscite évidemment de l’espoir pour les patients et leurs familles. Nous sommes confiants sur l’aspect déterminant du travail effectué actuellement, mais nous restons prudents compte tenu des attentes que nous créons.

Est-ce que certains fonds sont destinés à d’autres projets ?

Il existe aussi un budget assez conséquent pour des bourses doctorales et postdoctorales ainsi que pour des équipes de recherche étudiant les mécanismes de la dystrophie musculaire de Duchenne et d’autres maladies similaires. Nous finançons l’innovation pour améliorer le diagnostic et d’autres pistes, dont certaines pourraient jouer un rôle décisif dans les futurs développements cliniques gratuits ou simplement pour apporter une connaissance nouvelle et importante sur les maladies génétiques.

Nous travaillons et nous nous développons en même temps. Nous nous sommes développés grâce aux capacités de financement que nous avons obtenues et Only Watch nous a permis d’avoir collectivement un impact significatif dans le domaine scientifique et médical.

Only Watch cover © Only Watch
Couverture d'Only Watch © Only Watch

Combien de personnes travaillent dans les différents programmes de recherche ?

La biotech qui travaille sur les essais cliniques emploie environ 20 personnes. Parallèlement, il y a actuellement 20 autres personnes qui travaillent sur des projets financés par une bourse octroyée par l’association, et opèrent dans des hôpitaux et des universités

Only Watch a récolté près de 100 millions de francs suisses. Quelle part de cet argent a déjà été dépensée ?

Nous avons alloué 54 millions à la recherche ces dernières années (dont plus de la moitié les trois dernières années, qui ont été auditées) et il reste environ 55 millions. Nous conservons cette réserve car nous sommes engagés dans les essais cliniques et nous devons être très prudents. Nous avons une responsabilité importante envers les très nombreux patients et les familles qui ont accepté de participer aux essais, qui ont reçu des injections et qui pourraient en bénéficier. Si nous devions dire, « désolés, mais nous n’avons pas les moyens de continuer », ce serait immoral. Nous devons nous assurer d’être en mesure de continuer les trois ou quatre prochaines années et d’avoir la capacité de faire tout ce à quoi nous nous sommes engagés. Donc c’est un élément essentiel de la raison pour laquelle nous avons cette réserve. Il est aussi important pour nous de planifier, parce que nous ne savons jamais combien de fonds nous allons collecter lors d’une vente aux enchères. Un autre point déterminant est que plus des deux tiers des sommes récoltées par l’association l’ont été lors des deux dernières éditions.

Si les entreprises de biotech réussissent à proposer un médicament sur le marché, il pourrait y avoir beaucoup d’argent à gagner. Où ira cet argent ?

C’était l’une des questions soulevées l’an dernier. Pendant quelques années, quelques personnes détenaient des actions dans l’une des entreprises de biotech pour lui permettre de bénéficier d’une réduction de charges sociales. Toutes les actions ont maintenant été restituées et réattribuées à des associations. L’idée est de créer un fonds de dotation qui deviendra le seul actionnaire des entreprises de biotech. Le principe d’un fonds de dotation est qu’une fois que vous y avez placé des actifs, vous ne pouvez jamais le dissocier de sa mission non lucrative. L’objectif de ce fonds de dotation est de continuer à soutenir la recherche sur les maladies génétiques rares aussi longtemps que nous le pourrons.

Pour plus d'informations: www.onlyproject.org