Interview d'Antoine Pin, Directeur général de Bulgari Horlogerie

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Antoine Pin - Directeur général de Bulgari Horlogerie © Bulgari
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Dans le sillage de la LVMH Watch Week, Bulgari a accueilli quelques journalistes à Rome afin de leur présenter ses nouveautés horlogères 2024

La Lucea fête son 10e anniversaire, peut-on dire qu'aujourd'hui le pari est gagné pour la collection ?

Le pari est gagné en Asie où elle s’est imposée. La Lucea était conçue comme un produit commercial, très associé à la joaillerie et qui a fait ses preuves dans cette région, mais qui nécessite un supplément d’âme dans le reste du monde. Elle est accessible et facile à porter pour les clientes qui souhaitent une jolie montre au quotidien, et dans un sens elle reste assez classique. Elle ne véhicule pas encore la force d’esprit d’une Serpenti ou d’une Bulgari Bulgari qui sortent des codes, nous devons l’enrichir d’une vision qui lui permette de devenir une icône. En soi, le terme Lucea est intéressant car il signifie la lumière. Or la lumière diffuse de la joie, illumine les couleurs, sublime la beauté des pierres, autant de symboles et de concepts permettant à notre studio de design d’insuffler une puissance supplémentaire à la Lucea. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où les clientes demandent du sens au produit.

Comme, par exemple, la Lucea au cadran en marqueterie de malachite ?

En effet, nous utilisons pour cette nouveauté 2024 nos chutes de malachite afin de reconstruire à la main des cadrans uniques, dont le rendu est incroyable. Les fragments sont extrêmement fins et recomposés délicatement, nous sommes dans l’expression des métiers d’art et de la joaillerie, où le jeu de lumière ajoute une dimension très intéressante. Le tout apporte une meilleure compréhension de la collection Lucea.

Lucea © Bulgari
Lucea au cadran en marqueterie de malachite © Bulgari

Cette évolution de la collection Lucea sera-t-elle accompagnée d’une montée en gamme ?

Ce n’est pas l’intention, nous souhaitons la maintenir dans une fourchette de prix entre CHF 5'000.- et CHF 20'000.- pour les modèles plus précieux. Nous aspirons à offrir avec la Lucea des montres très belles et luxueuses à des clientes en quête de plaisir mais tout en restant accessibles. Bulgari s’appuie sur un réseau de 300 boutiques dans le monde, et elles ne s’adressent pas uniquement aux super riches ; nous gardons les pieds sur terre.

Antoine Pin © Bulgari
Antoine Pin © Bulgari

Cette idée d'upcycling touche d'autres collections ? 

Cette idée nous plaît beaucoup, et elle résonne avec les équipes. D’ailleurs, elle émane d'elles ; c’est un vrai sujet à tous les niveaux de la hiérarchie. Lorsque nous réalisons notre bilan carbone dans l’horlogerie, le plus lourd s’avère lié à l’exploitation minière, aux extractions, ce qui explique pourquoi 99% de notre or est aujourd’hui recyclé. Nous poursuivons cet effort avec la pierre dans la Lucea Malachite, même si c’est moins noble. Mais la valeur est là, d’autant qu’elle provient du travail des mains. C’est le talent humain qui permet cette transition. Fabriquer du beau de manière intelligente et avec de l’honnêteté intellectuelle déclenche un cercle vertueux d’une part et est facile à expliquer d’autre part. Intégrer toutes ces valeurs permet de sensibiliser nos clients.

Il y a une autre collection qui fête ses 10 ans. Comment on peut écrire les 10 prochaines années sachant ce qui s'est passé les 10 dernières années ?

En effet, c’est une vraie question. De nombreux clients considèrent l'Octo Finissimo comme une icône, ce qui est un grand compliment. Cela nous amène cependant à nous interroger sur la définition même d'une icône, car nous estimons que cela va au-delà de la simple popularité. À mon avis, pour devenir une véritable icône, un produit doit transcender les genres, les générations, les géographies et les catégories, dépasser les limites temporelles et culturelles. Le chemin est encore long car l’Octo Finissimo n’a pas encore été transmise des mains des parents à celles des enfants, mais nous observons une demande croissante de la part des femmes, et par ailleurs un intérêt croissant pour des pièces précieuses : les clients sont prêts à investir davantage dans des produits de grande valeur.

Il est pour nous primordial de comprendre le concept sous-jacent du produit, tel que l'utilisation de l'octogone inspirée par l'architecture italienne. C'est un choix culturel fort, lié à la tradition architecturale italienne, qui confère une signature distincte à cette famille. Comme notre studio de design est très créatif, il propose en permanence des nouveautés, comme la nouvelle Octo Finissimo au cadran Tuscan Copper, mais nous nous imposons toutefois un rythme plus lent. Devons-nous vénérer l’icône, l’esprit, l’âme de la collection ? Tout le défi réside dans la nécessité de faire évoluer le produit tout en respectant son essence, en examinant les codes culturels et architecturaux sans compromettre l'intégrité du design. Mais l’Octo Finissimo vous réserve bien évidemment de très belles surprises.

Octo Finissimo au cadran Tuscan Copper © Bulgari
Octo Finissimo au cadran Tuscan Copper © Bulgari

Sentez-vous un effet « LISA » sur les ventes de la Bulgari Bulgari réalisée en collaboration avec l’artiste ?

C’est indéniable, de manière très tangible. Également dans des zones géographiques que nous n’imaginions pas du tout. C'est vraiment un phénomène mondial. Elle apporte une touche de modernité à une pièce d'horlogerie emblématique en choisissant par exemple un design de bracelet minutieux pour une édition limitée.

Bulgari Bulgari x LISA © Bulgari
Bulgari Bulgari x LISA © Bulgari
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