Interview avec Thierry Stern, président de Patek Philippe

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Thierry Stern © Patek Philippe
Brice Lechevalier s'entretient avec Thierry Stern, président de Patek Philippe, sur les perspectives de la marque pour l'année 2024

Dans ce monde plein d’incertitudes, quelle est votre seule certitude pour 2024 ?

J'ai gardé mon indépendance et ma crédibilité horlogère. Cela me permet d'être certain que Patek Philippe fonctionne encore et que la demande persiste. Le monde n'est certes pas facile et exige de grandes facultés d’adaptation, mais cela a toujours été ainsi. Ma seule certitude réside dans ma confiance en nos produits et notre stratégie. Nous avons conservé notre ligne et cela me paraît important, car les clients ont besoin de stabilité dans ce monde qui bouge autant, nous les voyons très souvent perdus par ces marques qui changent trop leurs produit ou leurs stratégies.

Quelles couleurs prédominent en 2024 chez Patek Philippe ?

Le bleu est toujours très présent, que je trouve assez noble et qui se marie facilement avec toutes les couleurs de matériaux. Plus surprenant, le violet est très demandé, notamment sur la nouvelle Nautilus dame, c’est une couleur puissante pour laquelle beaucoup de clientes nous appellent en boutique, je ne m’attendais pas à ce succès. D’une manière plus générale, je trouve les tons pastel intéressants et ils vont sans doute se profiler cette année.

Date Sweep Seconds 7010R-013 © Patek Philippe
Date Seconde Au Centre 7010R-013 - Patek Philippe

À propos de répétition minute, quel fut l’accueil de celle dédiée aux 85 ans de Philippe Stern ?

Avec le recul, je pense que c'est un bel hommage pour mon père et que seule la marque Patek Philippe pouvait le réaliser. Imaginez des années de développement pour concevoir un nouveau mouvement de grande complication, intégré dans 30 pièces uniquement, et plus jamais utilisé. Nous sommes une entreprise familiale sans actionnaire derrière pour nous dicter une conduite de rentabilité, et c’est aussi en cela que cette pièce possède une beauté inestimable, un véritable cadeau à la hauteur de mon père. Les clients l'ont bien compris. Ce n’était pas un projet conventionnel car tout le monde ne souhaite pas avoir le portrait de Philippe Stern sur son cadran. Les passionnés, les collectionneurs de grandes complications et ceux qui ont connu mon père et suivi Patek à travers ces années ont vraiment adoré cette montre, dont le contenu technique est par ailleurs hallucinant. Bien sûr, beaucoup ont été déçus de ne pas l’obtenir. Nous verrons ce que mes enfants me prépareront !

Est-ce que votre grande exposition à Tokyo l’an passé a porté ses fruits ?

Nous avons maintenant un peu l'habitude de ce genre d’expositions biennales, et nous savons que les retombées vont durer trois ans. Dans leur sillage, il y a vraiment trois ans de notoriété, de discussions et de souvenirs qui vont motiver les clients, à chaque fois sur un nouveau marché. Celle-là a attiré 60'000 visiteurs japonais qui ont été époustouflés, aussi bien par le décor genevois que nous avons reconstitué que par les 250 pièces de tous les styles qu’ils ont pu admirer et se faire expliquer. La dimension culturelle et pédagogique de l’événement était phénoménale. Nous avons en outre travaillé main dans la main avec nos 30 détaillants japonais qui étaient tous présents pour accompagner les clients. La collaboration a été très poussée et elle permet de véhiculer le message pendant très longtemps de manière crédible. Nous avons reçu un public très jeune, ce qui est prometteur sur ce marché de connaisseurs.

Qu’attendez-vous principalement de cette édition de Watches and Wonders ? 

La principale consiste à pouvoir recevoir tous nos détaillants et à leur expliquer nos nouveautés dans de bonnes conditions, de même qu’avec la presse. Accueillir le monde entier à Genève sur cette période se prépare des mois à l’avance, et j’espère que le travail effectué par l’organisation de Watches and Wonders nous permettra à tous d’œuvrer sur place de manière optimale. La logistique très complexe est normalement à la hauteur des enjeux, pour les exposants comme pour les organisateurs qui représentent la clé de voûte de cet événement international.

5236P In-Line Perpetual Calendar © Patek Philippe
5236P quantième perpétuel en ligne © Patek Philippe

Patek Philippe brillera-t-elle à nouveau par ses grandes complications cette année ?

Oui, nous visons toujours deux nouveautés techniques par an, mais parfois ce n’est pas faisable. Nous les présentons uniquement quand nous sommes certains de leur fonctionnement indéfectible. D’une manière générale, la complexité de nos produits a augmenté, nous poussons très loin dans les détails, dans les formes, dans la fabrication même d’un cadran, qui n’a plus rien à voir avec ceux d'hier. C'est ultra complexe. Pour cette raison, nous avons décidé de réduire le nombre de nouveautés dévoilées à Watches and Wonders. Jusqu’à présent, nous présentions 30 à 40 nouvelles références par an, nous allons dorénavant nous concentrer sur une quinzaine, ce qui nous rendra par ailleurs plus performants en termes de logistique et production.

Vous aviez également évoqué l’an passé le lancement d’une nouvelle collection ?

Oui, et cela illustre mon propos relatif à la sortie des nouveautés uniquement quand elles sont prêtes à être lancées, ce qui est le cas cette année pour cette nouvelle ligne. Nos clients les attendent avec impatience, cela promet une belle histoire, mais ce ne sera pas à l’occasion de Watches and Wonders. Il est rare d’assister au lancement d’une nouvelle collection chez Patek, ce qui me fait dire que 2024 s’avère une année importante pour nous.

Est-ce le cas aussi pour les métiers d’art ?

Plus que jamais. Patek Philippe crée et expose une quarantaine de pièces de métiers d’art par an mais, cette fois, je viens de valider les prix pour une centaine de modèles exceptionnels ! Je les ai tous eus dans la même pièce à cette occasion, c’est spectaculaire et primordial d’avoir cette vue d’ensemble. Je m’occupe personnellement d’attribuer un prix à chaque pièce. C’est un énorme travail mais cela permet de fixer le juste prix, je nous trouve d’ailleurs très raisonnables par rapport à la concurrence, pour des produits incroyables. Ils sont exposés dans nos Salons, rue du Rhône en avril, puis à Londres. Nos artisans ont accompli des prouesses de beauté hors du commun, il faut venir les admirer pour comprendre la passion que nous y insufflons.

Quid de l’offre féminine ?

Nous sommes dans la continuité, même si nous nourrissons en parallèle de grandes ambitions, avec un travail de fond très significatif qui ne sera pas visible cette année. Récemment, nous avons connu beaucoup de succès avec notre Aquanaut Répétition Minute sur bracelet en composite, dont le boîtier sonne incroyablement bien, j’ai moi-même été surpris. Nos clientes auront bientôt plus de choix, elles seront comblées. En attendant, elles découvriront la nouvelle Twenty-4, qui célèbre son 25e anniversaire et qui reste tellement intemporelle.

4910/1201R TWENTY~4 © Patek Philippe
4910/1201R TWENTY~4 © Patek Philippe
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