Thierry Stern, Vice-Président

L'indépendance est le plus gros challenge

GMT - Printemps-été 2009
Brice Lechevalier
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Thierry Stern, Vice-Président de Patek Philippe

 

Quelle est pour vous la nouveauté qui représente le mieux l'esprit de Patek Philippe? 

Le salon est l'occasion pour nous de dévoiler une quinzaine de nouveautés et, contrairement à d'autres marques, c'est l'ensemble de nos collections qui représente l'esprit de la maison. Comme chaque année, nous faisons monter en puissance nos huit familles, il n'y a pas de pièce qui prédomine. Ce large éventail de calibres et de design matérialise l'esprit de Patek Philippe. 

 

Depuis la création de la Twenty-4 il n'y a pas eu de tournant majeur chez Patek Philippe, préparez-vous un nouveau grand lancement? 

Il est très dur de survivre dans les crises sans avoir de nouveaux modèles. Il faut savoir innover pendant la crise tout en prévoyant le début de l'après-crise et débarquer avec des modèles très forts. C'est ce à quoi nous nous préparons, à l'horizon de Bâle 2010. Or, nous nous approchons effectivement d'un nouveau tournant pour Patek, dont les collectionneurs vont avoir un joli petit choc. A nouveau d'ailleurs il s'agira de montres pour dames, qui sont de plus en plus friandes de montres mécaniques. Nous allons prendre tout le monde à contre-pied et ouvrir une nouvelle ère dans cet univers féminin. 

 

N'est-ce pas frustrant de ne pas s'aventurer sur le terrain du design très avant-gardiste en voyant les créations ultramodernes des petits indépendants? 

C'est frustrant quand vous commencez chez Patek. Vous débutez et vous voulez tout changer. Là, je m'exprime à la fois en tant que responsable création et en tant que vice-président. Une fois que vous connaissez bien la marque et bien vos clients, vous vous apercevez que la demande ne porte pas sur ce genre d'innovations qui restent trop limitées dans le temps. Notre force réside à la fois dans la capacité à sortir des «bombes» sur le marché, et dans leur longévité. Dix ans plus tard, la Twenty-4 est toujours autant demandée. En fait, il s'avère beaucoup plus dur de toucher et impressionner les gens avec un modèle contemporain mais classique, qu'avec une pièce ultramoderne. Notre recherche porte moins sur le design pur que sur les matériaux qui apportent une amélioration des performances et de la qualité de la montre, qu'il s'agisse du mouvement ou de l'habillement.  

 

Après les percées dans l'utilisation du silicium, dans quel développement placez-vous beaucoup d'espoir? 

Ne brûlons pas les étapes. Nous avons fait un grand pas avec le silicium, mais nous sommes toujours en phase de test et d'apprentissage. Chez Patek, nous ne mettons rien sur le marché sans être sûrs à 400%, notamment qu'il y ait un vrai plus pour le mouvement: précision supérieure, stabilité dans le temps, etc…Nos recherches portent surtout sur l'échappement car nous considérons que le potentiel d'innovations contribuant à l'amélioration de la précision de marche et de la fiabilité s'y concentre. Aujourd'hui, Patek a pris la décision d'utiliser l'échappement le plus fiable, à ancre suisse, et de l'améliorer. Nous avons déjà travaillé sur l'ancre, sur le spiral, sur la roue d'échappement, et pressentons quelques percées dans ces composants, basées sur le silicium et sur d'autres techniques proches…Ce n'est que lorsqu'il n'y aura plus matière à l'améliorer que nous entamerons des études sur un nouvel échappement. 

 

Quel retour avez-vous de vos clients au sujet du magazine qu'ils reçoivent chaque semestre? 

Nous avons un très bon retour. Les clients l'apprécient à deux titres: ce n'est pas seulement un magazine dédié à l'horlogerie puisqu'il ne comporte que 3 à 4 articles consacrés aux montres et, lorsque nous abordons ce sujet, c'est par le biais d'une approche thématique non commerciale. Ces articles sont qualitatifs et de bon goût, sans être entrecoupés de pages de publicité. C'est impressionnant de constater le nombre de personnes qui le collectionnent. 

 

Luc Pettavino * s'est dit très touché par la force de votre engagement dans l'opération Only Watch 2009, que représente ce projet pour vous? 

Il représente la ténacité d'un homme persuadé que l'on peut faire bouger les choses. Aujourd'hui, c'est remarquable. Luc Pettavino est quelqu'un d'humain, d'honnête, qui a les pieds sur terre. Il est non seulement motivé et volontaire, mais aussi respecte ses partenaires, ce qui est rare de nos jours. Au-delà de la maladie qui frappe son fils, il est capable de déplacer des montagnes et de fédérer un ensemble de marques, sans aucune animosité entre elles. Son approche est très bonne et on ne peut que vouloir l'aider.

 

Votre équipe de direction est très stable, avez-vous un secret de management? 

Chez Patek Philippe vous travaillez dans une entreprise familiale avec une stratégie très claire, ce qui donne une vision à long terme non seule- ment pour la marque, mais également pour les managers qui la pilotent. Ils peuvent construire des projets, évoluer, mettre en place des stratégies en sachant qu'elles ne seront pas remises en cause au bout d'une année car l'humeur de tel dirigeant ou actionnaire aura changé. Leurs efforts seront payants et leurs domaines de compétence respectés, ce qui s'avère gratifiant. Par ailleurs, ici les gens savent pour qui ils travaillent. Enfin, chez Patek tout le monde a sa chance de monter les échelons, pour autant qu'on sente le talent et l'envie, et pas uniquement parmi les horlogers. 

 

Quel est le plus gros challenge de Patek Philippe ces prochaines années? 

Le plus gros challenge consistera à rester indépendant. Nous voulons continuer à fabriquer les pièces dont nous rêvons. Même si nous réalisons tout en interne, nous travaillons avec des fournisseurs. Or, ces derniers tendent à disparaître au cours du processus  de verticalisation des groupes. En outre, nous devons aussi rester indépendants financièrement et ne pouvons donc pas nous permettre de rater un exercice. Pour nous, l'indépendance est le plus gros challenge.

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