Carl F. Bucherer : à la périphérie du temps

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Manero Tourbillon Double Peripheral © Carl F. Bucherer
La manufacture de Lucerne dévoile trois nouvelles interprétations de son mouvement T3000, à tourbillon et masse périphériques. Un OVNI horloger pour collectionneurs avertis

Un horloger de renom, grand historien, expert en montres comme en horloges et pendules, nous confiait récemment : « en horlogerie, je pense que l’on a à peu près fait le tour de toutes les inventions possibles autour d’un mouvement mécanique ». Pure provocation ? L’avenir le dira. Quoi qu’il en soit, certaines marques réinterprètent avec brio certains de ses principes fondamentaux. Même ceux que l’on croyait immuables. 

Le rotor en fait partie. De nos jours, il peut prendre deux formes principales : micro-rotor (comme chez Parmigiani Fleurier, Cartier ou Laurent Ferrier, entre autres) ou masse oscillante traditionnelle. On croyait le sujet clos. Mais Carl F. Bucherer est l’une des dernières maisons à exploiter la masse oscillante périphérique. 

Il s’agit d’un demi-segment circulaire qui tourne autour du mouvement. Ce rotor n’est donc pas compris dans le mouvement, ni n’en masque la visibilité. C’est un développement idéal pour dévoiler tout le calibre. Il suppose néanmoins un certain savoir-faire pour en réaliser l’engrenage périphérique, et surtout lui conférer une capacité de remontage au moins égale à celle des deux conceptions traditionnelles.

Le calibre CFB A1000 y pavient. Il a été développé en 2008. C’est le premier calibre manufacture Carl F. Bucherer à rotor périphérique. Dix ans plus tard, en 2018, l’atelier de Lucerne dévoilait le T3000, soit la troisième génération depuis le A1000, avec un T pour « Tourbillon ». C’est ce mouvement qui anime les trois nouveautés de ce jour, les Manero Tourbillon Double Peripheral. 

Manero Tourbillon Double Peripheral © Carl F. Bucherer
Manero Tourbillon Double Peripheral © Carl F. Bucherer

Pourquoi « double périphérique » ? 

À l’image du rotor, le tourbillon du T3000 n’est pas comme les autres. Il est dit « périphérique », d’où le nom de la collection, « Double Peripheral ». Pourquoi ? Parce que ce tourbillon n’est ni suspendu, ni volant : sa cage s’engrène par son pourtour, par sa périphérie. Il semble ainsi littéralement flotter dans le vide. L’enjeu est le même que pour le rotor périphérique : afficher la transparence, ne rien masquer. 

C’est un développement propriétaire à Carl F. Bucherer. Il est fort différent des constructions classiques de tourbillon – en réalité plus proche d’un « Tourbillon Mystérieux » tel que Cartier en produisait naguère, avec engrenage périphérique (donc invisible, donc mystérieux). 

Manero Tourbillon Double Peripheral © Carl F. Bucherer
Manero Tourbillon Double Peripheral © Carl F. Bucherer

Habillage laser

Les trois pièces aujourd’hui dévoilées sont des interprétations esthétiques de ce mouvement d’une rare audace. Il est sous la houlette de Samir Merdanovic, autrefois tête pensante d’Eterna Movement Company (EMC), manufacture autonome qu’il avait alors détachée de la marque Eterna. 

L’homme leur a conçu un nouvel habillage reposant sur un cadran sculpté au laser. Le procédé a son importance : Carl F. Bucherer est une manufacture résolument moderne. Elle ne rechigne pas aux complications traditionnelles (en attestent ces tourbillons), mais les aborde toujours avec une vision profondément contemporaine. 

Les trois cadrans (bleu, vert ou violet, avec lunettes précieuses assorties) évoquent un certain esprit guilloché. Toutefois, la comparaison s’arrête là. Car on croit y déceler un Clou de Paris, mais ce n’est pas le cas : dans un Clou de Paris, les pyramides ont quatre faces. Ici, elles n’en ont que trois. Il s’agit donc davantage de triangles 3D. 

Manero Tourbillon Double Peripheral © Carl F. Bucherer
Manero Tourbillon Double Peripheral © Carl F. Bucherer

Fausses pyramides ou vrais triangles ? 

On ne saura jamais vraiment si leurs faces sont de surfaces égales. C’est une illusion d’optique entretenue par Carl F. Bucherer : « ces motifs ont été affinés par galvanisation avant l’application d’un revêtement en laque colorée semi-transparente, qui concentre les pigments dans les « vallées » entre chaque pyramide », explique la marque. On a donc la sensation de volumes et de profondeurs qui changent au gré de la lumière et de l’endroit examiné sur le cadran, les motifs étant larges à la lunette, resserrés à l’extrême au centre. 

Manero Tourbillon Double Peripheral © Carl F. Bucherer
Manero Tourbillon Double Peripheral © Carl F. Bucherer

Dernier détail : malgré le caractère précieux de des trois séries limitées (de 18 pièces chacune), leur bracelet est en PET recyclé. La démarche peut surprendre : à ce niveau d’exclusivité, les collectionneurs sont habitués à porter un alligator cousu main. Ce ne sera pas le cas ici, n’en déplaise aux puristes. La démarche est la même que celle d’Antonio Calce, qui a banni, chez Greubel Forsey, tous les bracelets en cuir. Une manière fort habile pour Carl F. Bucherer de pousser ses clients hors de leur zone de confort. Un positionnement rare, tant de marques se contentant de reproduire leur patrimoine ad nauseam, au plus grand bonheur des collectionneurs ultra-conservateurs. Ceux qui n’iront de toute manière jamais à Lucerne voir Carl F. Bucherer...

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