Prendrez-vous votre montre avec un soupçon de quartz ou un supplément de mécanique? Si aujourd’hui la question peut se poser, ce ne fut longtemps pas le cas. D’abord, jusque dans les années 1970, les montres palpitaient toutes au rythme de calibres mécaniques. Puis, changement de perspective radical, avec la généralisation des mouvements à quartz. Beaucoup moins chers, plus précis, plus fiables et aussi plus petits… le cœur des horlogers ne balança guère, et cela aux dépens de la mécanique. Malgré le retour en grâce de la mécanique horlogère, les montres féminines n’ont pas toujours bénéficié de ce come-back, leurs volumes se prêtant mieux au quartz et leur éventuelle valeur ajoutée se situant parfois plutôt du côté des pierres précieuses que des rouages.
Renversement de tendance
Pourtant, les frontières continuent de vaciller ; les stéréotypes en matière de goûts féminins et masculins sont questionnés, ouvrant de nouvelles perspectives. En 2022, l’étude Deloitte sur l’industrie horlogère suisse révélait que, si 44% des femmes préfèrent les montres dites féminines, 26% optent pour des modèles unisexes. Nathalie Veysset, co-fondatrice de la communauté Instagram @watch_femme, apprécie: «Même s’il y a encore un manque de montres féminines mécaniquement intéressantes, les femmes ont en réalité beaucoup de produits à leur disposition – en particulier parce qu’il est devenu acceptable de porter des tailles plus grandes».
Une éventuelle évolution de la part de marché concernant les montres féminines mécaniques reste (un peu plus) mystérieuse, la Fédération horlogère suisse ne tenant pas de statistiques en la matière. En revanche, les chiffres indiquent que, depuis 2000, le volume de montres mécaniques a triplé, pour une valeur d’exportation cinq fois supérieure! Du côté du quartz, le phénomène inverse se dessine: les volumes de 2022, même s’ils restent plus importants que ceux des montres mécaniques, sont de deux tiers inférieurs aux niveaux d’il y a 20 ans, avec une valeur quasi en chute libre. Ainsi se lit en filigrane une montée en gamme, dont le retour aux calibres mécaniques fait partie – une tendance suffisamment forte pour toucher le segment féminin.
Des rouages historiques
Marque de luxe historiquement liée à l’univers féminin, Chanel équipait pourtant déjà en 2000 la J12 d’un calibre mécanique – une approche alors inattendue. Autre perspective même choix – historique cette fois – pour Piaget, qui a toujours fait du quartz une exception. «Piaget était horloger avant de devenir joaillier. Même pour les montres-bijoux féminines, l’exigence autour du mouvement est restée la même», explique Rémi Jomard, Directeur Produits et Innovation. La clientèle vient-elle expressément pour acquérir des modèles mécaniques ? «Bien sûr. Il existe des aficionados du mouvement mécanique qui s’adressent à Piaget parce que le produit est unique, tant par son design que par son histoire. Et si certains font le choix d’un mouvement quartz, ce sera plutôt pour une montre particulière comme la montre Warhol qui battait au tempo du mouvement Beta21.»
Les marques de tous segments ont désormais élargi leur offre pour les poignets féminins, aussi qualifiés, de façon moins genrée, comme «plus fins» ou «amateurs de finesse». Les montres se déclinent en diamètres plus petits et se permettent des fantaisies colorées ou serties. Ainsi, la Patrimony de Vacheron Constantin en 37mm – équipée du calibre 2460 SC/3 – revêt un magistral sertissage intégral de diamants. Dans d’autres prix, la Defy Skyline de Zenith, l’Aikon Automatic 35mm de Maurice Lacroix, la Black Bay 32mm chez Tudor, la Navitimer de Breitling ou la Cotton Candy d’Oris, font, elles aussi, le choix «du méca».
Piccolissimo e bellissimo !
Après avoir exploré les voies de la finesse, Bulgari présentait en 2022 le tout petit Piccolissimo – la miniaturisation des calibres représentant un point important du développement de l’offre. «Nous ne voulions pas nous poser la question de savoir si les femmes souhaitaient des calibres mécaniques, cela nous aurait fait tomber dans des clichés, souligne Antoine Pin, Directeur de la division horlogère. Nous nous sommes demandé ce que nous pouvions apporter en tant que joaillier romain. Comme nous maîtrisons l’extra-plat, nous avons exploré l’ultrapetit pour créer des chefs-d’œuvre joailliers et d’ingénierie mécanique.»
Complexe et coûteux à réaliser, le Piccolissimo fait depuis sa place dans les modèles de haute joaillerie – jusqu’alors animés par des calibres à quartz. Qu’en pensent les clientes? «Aucune ne demande un mouvement quartz à la place, ce qui est une forme de réponse! Même s’il existe un surcoût, dans cette gamme de prix, soit au-delà de CHF 100’000.–, celuici n’est pas rédhibitoire.» Malgré tout, Antoine Pin observe que l’intérêt pour la mécanique reste «genré»: «Les clientes en font parfois la demande sur recommandation d’un homme; il existe encore une éducation plus masculine au mouvement».
Au fil du temps, une telle diversification de l’offre contribue certainement à sensibiliser l’ensemble de la clientèle. Rémi Jomard, chez Piaget, a son avis sur la question: «Le fait que le mouvement soit mécanique engage souvent une véritable conversation sur la construction du mouvement, la complication à l’intérieur et la réserve de marche. C’est la porte d’entrée vers le monde passionnant de la haute horlogerie.» Car l’horlogerie mécanique n’a certainement pas fini de fasciner.
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