A. Lange & Söhne Datograph : l’ensorcelleuse

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Datograph (Ref. 403.031) © A.Lange & Söhne
Pour sa renaissance, A. Lange & Söhne a fait un choix extrême : celui de revenir parmi les marques de haute horlogerie. Il y avait pourtant de nombreuses autres options, mais A. Lange ne pouvait être qu’une marque qui se positionnerait dans la cour des grands

DE L’OR ET DE LA CENDRE…

Que les choses soient claires dès le début, la Datograph fait partie de mes «dream watches », ces montres dont je rêve mais que je ne pense pas avoir un jour le bonheur de posséder. Au cours de mes pérégrinations de collectionneur, j’ai eu le privilège de tenir entre mes mains — et de passer au poignet — la Datograph, et cela à plusieurs reprises. Mon attrait pour cette pièce ne s’est jamais fané. 

Ce qui me séduit irrémédiablement dans ce chronographe, c’est cette alchimie quasi-faustienne et magique qui rend la pièce vraiment spéciale. La Datograph, c’est tout d’abord une marque et une histoire qui commence au milieu du XIXe siècle à l’est, dans la ville de Glashütte du royaume de Saxe. 

Glashütte est le berceau de l’horlogerie allemande et elle a vu grandir de nombreuses marques. Située à l’est, la ville a été grandement impactée par l’histoire. Il en est de même pour A.Lange & Söhne, marque locale qui a connu une belle croissance jusqu’à sa disparition au début des années 1950. Au cours de son existence, elle s’est d’abord spécialisée dans des pièces luxueuses, avant de se retrouver à produire des montres militaires, pour enfin être nationalisée sous le régime est-allemand, avant de disparaître dans l’indifférence totale. 

Il a fallu attendre la chute du Mur de Berlin en 1989 pour que A.Lange & Söhne renaisse. Quelques mois après la chute du mur, la manufacture reprenait vie. Nous étions en 1990. Quatre ans plus tard, la première «nouvelle » Lange & Söhne sortait des ateliers de Glashütte. Il s’agissait en fait de quatre montres distinctes, dont la fameuse première Lange 1 et l’incroyable «Tourbillon pour le Mérite ». En 1999, c’était au tour de l’exceptionnelle Datograph de voir le jour. 

Datograph (Ref. 403.031) © A.Lange & Söhne
Datograph (Réf. 403.031) © A. Lange & Söhne 

LA SÉDUCTION DE FAUST

La Datograph a quelque chose qui me rappelle le célèbre alchimiste accusé de sorcellerie et d’avoir pactisé avec le Diable. Lorsque vous regardez la montre, et que vous détaillez les divers éléments de son cadran et de son boîtier, vous voyez que rien n’est supposé bien fonctionner ensemble : une grande date à 12h dont on se demande ce qu’elle vient faire ici, des cadrans de chronographe excentrés vers le bas, des poussoirs rectangulaires mais arrondis, un poussoir à 10h, un boîtier massif, des chiffres romains mais aussi des chiffres arabes pour le chronographe, et plus encore. 

En gros, décrite de cette façon, la Datograph est une montre qui n’a aucune harmonie. Et s’est justement là que commence la magie faustienne. En combinant l’ensemble de ces éléments, les horlogers et designers d’A.Lange & Söhne ont réussi un tour de force. La Datograph est une pièce extrêmement équilibrée, qui séduit par son originalité discrète, ses finitions d’un autre monde et son raffinement addictif. 

En résumé, la Datograph ensorcelle. Et la magie ne s’arrête pas là. Il faut à présent retourner la montre.

«UNE RÉVOLTE ? », «NON, SIRE, UNE RÉVOLUTION! »

La Datograph est une véritable révolution. Au début des années 1990, alors que de nombreuses marques prestigieuses utilisent encore des mouvements modifiés, la Datograph arrive avec un mouvement manufacture incroyable. N’étant pas horloger, je ne m’étendrai pas plus sur le sujet, mais j’évoquerai uniquement l’émotion que j’ai ressentie la première fois que j’ai pu tenir cette montre entre mes mains et admirer le mouvement: je suis resté sans voix et je me rappelle avoir souri… 

La Datograph n’a fait que confirmer — et renforcer — le succès du pari initial des « relanceurs » de la marque. Il y avait encore un espace dans le monde horloger pour créer une marque de haute horlogerie et venir impressionner les collectionneurs les plus blasés. La Datograph de 1999 a continué sa belle existence jusqu’en 2012, date a laquelle fut présentée la Datograph Up & Down, une pièce plus imposante qui vit disparaître les chiffres romains.

Datograph (Ref. 403.031) © A.Lange & Söhne
Datograph (Réf. 403.031) © A. Lange & Söhne 

LA FIN D’UNE QUÊTE ?

Pour certains collectionneurs, la Datograph est la montre absolue, celle qui termine la quête de perfection. Je ne sais pas si cela est vrai, mais je peux aisément comprendre ce point de vue. 

A. Lange & Söhne l’avait d’ailleurs affirmé clairement en 1999, dans sa première publicité pour la Datograph:«What will you never be able to offer someone who owns a Datograph? » Et la pub se terminait par «A more exciting view», avec une photo en noir et blanc du mouvement…

A. Lange & Söhne Datograph (Réf. 403.031)

BOÎTIER: or rose 
DIMENSIONS : 40mm de diamètre, 11,3mm d’épaisseur 
MOUVEMENT: mécanique à remontage manuel, calibre L951.1, 405 composants, 36 heures de réserve de marche 
FONCTIONS : heures, minutes, chronographe «flyback », grande date 
CADRAN: noir 
BRACELET: cuir croco 
ANNÉE DE LANCEMENT: 2003 (originale 1999) 

Cette année, GMT Magazine et WorldTempus se sont lancés dans le projet ambitieux de résumer le chronographe depuis l'an 2000 dans The Millennium Watch Book - Chronographes, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book - Chronographes est disponible en français et en anglais ici.

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