Quel avenir pour Watches and Wonders

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What does the future hold for Watches and Wonders - Watches and Wonders
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Au-delà des satisfecit d'usage, le salon international d'horlogerie a connu une édition transitoire. Sa véritable physionomie est en train de se dessiner et ne sera véritablement concrétisée en 2023

Il a eu lieu ! Enfin ! Le salon horloger international, éclectique et présentiel dont l'industrie rêvait depuis trois ans a finalement réussi à s’organiser, se tenir et s'ouvrir sur des perspectives d’avenir. Pourtant, on partait de loin. Après la disparition de Baselworld, le salon Watches and Wonders (autrefois connu sous le nom de SIHH) s'était retrouvé seul représentant de cette espèce devenue menacée : un salon professionnel d'horlogerie haut de gamme. Incroyable mais vrai, ce type d’événement qui comptait jusqu'alors deux entités distinctes et puissantes s'était retrouvé menacé de disparition totale par plusieurs facteurs. Les restrictions sanitaires et de circulation internationale, la montée en puissance du tout digital, la volonté pas toujours bien motivée de rompre avec le présentiel, les restrictions de budget, les peurs, mais surtout les volontés politiques de mauvais aloi mettaient la pression sur ce salon. 

Quel avenir pour Watches and Wonders

Pourtant, et il est étrangement nécessaire de devoir le rappeler, un lieu de rencontre interprofessionnel est indispensable à toute industrie. Rien ne remplace l'échange, dans ce cadre comme dans tout autre. Nous sommes des animaux sociaux. Nous avons besoin, et nos activités aussi, de cristalliser le dialogue en un point du temps et de l'espace. D'un rendez-vous. D'une grand-messe. D'une communion en somme. 

Watches and Wonders a donc eu lieu et ce n'était pas gagné. Les obstacles viraux de dernière minute ayant été estimés gérables, à la faveur de l'émergence d'un variant très contaminant mais peu agressif, le top départ avait été donné fin janvier avec le lancement de la construction du stand Rolex. Son érection demande pas moins de deux mois de travaux. Et si Rolex se lançait, c'est que c’était bon. 

Quel avenir pour Watches and Wonders

En effet, l'arrivée de neuf nouveaux exposants, dont Rolex, Patek Philippe, Chopard, Grand Seiko et TAG Heuer, a totalement changé la physionomie de Watches and Wonders. Autrefois quasi entièrement appuyé sur les marques, les budgets, les structures organisationnelles, les processus du groupe Richemont, le salon s'était ouvert à des partenaires de très gros calibre. Il en est résulté deux années de combats internes, de chicaneries, de menaces et de pressions comme on en avait rarement vu dans cette industrie. 

Les insatisfactions de tous les acteurs ne cessaient de fuiter. Le poids excessif des uns agaçait les autres, qui voulaient imposer de nouvelles manières de fonctionner. Les procédures des premiers s’opposaient à une volonté de décentralisation des seconds. Dans ces incessantes batailles, la question qui se posait réellement était la suivante : combien de temps l'organisation préexistante du salon allait-elle tenir face à l'irruption de nouveaux acteurs. La menace existentielle pesant sur l'événement a bien forcé tout le monde à s'entendre, même ces concurrents pas du tout habitués à faire jeu commun ou à faire des concessions. Mais comme toujours, c'est l'après qui coince. On y est arrivé une fois, et pour la suivante, tout est à refaire, tout est remis en doute.

Quel avenir pour Watches and Wonders

Les discours tenus par Rolex sont à ce titre révélateurs. Avant le salon, on les y reprendrait plus. La formule était décriée par les troupes comme trop rigide, pas à sa manière, pas adaptée à son sens de l’hospitalité. Et après tout, quand on est leader mondial et de très loin, que l'on est sur ses terres genevoises et que l'on est arrivé comme un cavalier blanc, on est en droit de dicter ses conditions. A la fin du salon, la présence aux prochaines éditions était validée. Mais à la condition que certaines choses changent. 

L'édition 2023 de Watches and Wonders sera donc différente de celle de 2022. Principalement, et c'est l'aspect qui concerne le plus directement ses visiteurs, le salon va s'ouvrir à de nouveaux exposants. Les espaces créés dans la structure événementielle genevoise de Palexpo sont immenses, extensibles et facilement exploitables. La preuve en a été apportée avec l'ouverture d'une zone occupée par les nouveaux entrants, qui y ont apporté leurs propres stands plutôt que de se soumettre à la charte uniformément beige héritée du SIHH. Ce que Rolex souhaite profondément, c'est un élargissement du salon. Que ce soit pour augmenter sa pertinence et sa représentativité ou bien diluer son organisateur historique importe peu. 

Quel avenir pour Watches and Wonders

Il faut donc s'attendre à l'arrivée d'autres marques. La question est de savoir lesquelles. Les poids lourds du secteur sont tous représentés à l'exception d'acteurs qui ont affirmé à de nombreuses reprises leur refus de s'intégrer à des rassemblements multi-latéraux. C'est à dire toutes les marques du Swatch Group, Audemars Piguet, Richard Mille, Franck Muller et Breitling. De ce côté-là, les chances de revirement sont minces pour certains, inexistantes pour d'autres. Toute volte-face constituerait une surprise extrêmement bienvenue et serait certainement à mettre au crédit des capacités de négociation de Rolex. 

Quelques noms viennent à l’esprit, marques autrefois présentes à Baselworld et qui ont toutes les raisons de se joindre à Watches and Wonders. Bell&Ross en tout premier lieu, qui semble avoir une place toute désignée à côté du grand stand Chanel, son actionnaire majoritaire. Carl F. Bucherer, dont les ambitions pourraient reprendre de la vigueur a pour propriétaire le leader mondial de la distribution horlogère. On ne peut pas lui refuser grand-chose. Girard-Perregaux aura-t-elle les budgets pour s'inviter dans la danse ? Ulysse Nardin, sa société soeur les a mis sur la table, mais leur bourse n'est pas extensible après leur récent MBO. Gucci a un poids méconnu dans l’horlogerie, et veut pousser son haut de gamme à grands renforts de dépenses d'apparat. Un salon institutionnel leur permettrait de se positionner au niveau auquel ils prétendent. Enfin, le groupe Frédérique Constant/Alpina a vocation à s'intégrer dans Watches and Wonders, ce d'autant plus que son actionnaire japonais, le groupe Citizen, est présent via son autre bébé Arnold & Son. Mais seront-ils considérés assez haut de gamme pour être cooptés ?

Quel avenir pour Watches and Wonders

Ce qui nous amène à l'autre espace, celui qui sert paradoxalement de référence alors qu'il ne regroupe que des poids plume. Le Carré des Horlogers rassemble les petites marques indépendantes. Il en manquait trois, majeures dans leur domaine, lors de cette édition : MB&F, Urwerk et Voutilainen. Les deux premiers attendent certainement de voir, le troisième est occupé ailleurs. Mais sans ces horlogers essentiels, il manque un angle doit à ce Carré. 

Reste le cas LVMH. Si TAG Heuer, Zenith et Hublot étaient bien présents, Bulgari avait brillé par son incompréhensible absence. En coulisses, il se dit que des conflits internes au groupe ont poussé l'organisation du salon à refuser l'accès à la marque, obligée de faire cavalier seul. En 2023, son absence serait anormale, quelle qu'en soit la raison....sauf si elle est d'origine virale et qu'un nouveau variant vient à nouveau paralyser la planète horlogère. 

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