Des nerfs d'acier

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Nerves of Steel - Seiko
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Conçue littéralement « sous pression», afin qu’elle résiste à la pression, la légendaire Tuna symbolise la recherche incessante de montres fonctionnelles conformes aux normes professionnelles chez Seiko

Avec sa forme distinctive, la troisième montre de plongée historique de Seiko — la Professional 600M de 52mm de diamètre dévoilée en juin 1975 — est incontestablement une icône. Associé à une lunette métallique, le singulier boîtier monocoque, qui s’ouvre uniquement par le dessus, est comparé à une boîte de thon. Cette étrange ressemblance a incité les collectionneurs à donner à la montre de plongée Professional 600M le surnom affectueux de « tuna can» («boîte de thon» en français). La Seiko Tuna est devenue un classique : près d’un demi-siècle plus tard, des variantes évoluées continuent à assurer la place du modèle dans la collection contemporaine de la marque, tout simplement parce que c’est toujours un best-seller. La Seiko Tuna est dotée d’une enveloppe conique distincte, d’un carénage qui sert de couche protectrice et qui se place avec précision sur le boîtier intérieur. Son grand diamètre, d’environ 52mm au total, est une de ses principales caractéristiques. Les versions plus petites, de 43mm de diamètre, sont connues sous le nom de Baby Tuna.

La SLA041, The 1975 Professional Diver’s 600m Re-creation, et la SLA042, nominée au Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG) 2020, sont des reproductions de la Tuna présentes dans la collection Prospex de Seiko, une collection de montres de sport conformes aux normes de qualité exigeantes de la marque. Prospex est un mot-valise approprié, dérivé de «professionnal » et « specifications ». 

En mars 2020, Seiko a revendiqué l’utilisation en première mondiale dans l’industrie horlogère de ce qu’elle appelle l’Ever-Brilliant Steel, pour les boîtiers de ses montres de plongée SLA037 et SLA039 — rééditions de ses montres de plongée de première et de deuxième génération, la Professional 150M de 1965 et la Professional 300M de 1968. L’Ever-Brilliant Steel a un PREN — acronyme du Pitting Resistance Equivalent Number qui mesure la résistance à la corrosion — de 1,7 fois supérieur à celui des aciers utilisés dans la majorité des montres de luxe. Ce matériau durable, d’un blanc brillant, est largement utilisé dans l’industrie maritime, notamment pour les surfaces, les revêtements, les boulons et de multiples composants des structures et des navires.

Tuna

Evolution constante

Pour la SLA041, réédition de la montre de plongée de troisième génération 600m, l’Ever-Brilliant Steel est réservé à la lunette, Seiko restant fidèle au boîtier original en titane. Il ne faut pas oublier qu’en 1975, l’utilisation du titane pour le boîtier d’une montre de plongée était une première mondiale. Le titane est solide, résistant à la corrosion et léger.

S’il y a eu un intervalle de trois ans entre le lancement de la toute première montre de plongée Seiko et le modèle de deuxième génération, il a fallu attendre sept ans pour voir apparaître la Professional 600M, la marque souhaitant répondre aux exigences des plongeurs professionnels.

Le catalyseur du projet Professional 600M fut une plainte écrite de Yo Oshima, un plongeur de Kure City, dans la préfecture de Hiroshima, employé par l’entreprise Nihon Kaiyo Sangyo aujourd’hui connue sous le nom de Sumitomo Marine Development. En 1968, Oshima proclamait de manière cinglante que la Professional 300M était « impropre à l’usage ». 

C'était un véritable rouleau venu du fond de la mer. La Professional 300M de deuxième génération avait à peu près un an et son étanchéité à 300 mètres, soit environ 1000 pieds, représentait le double de celle de la précédente Professional 150M, grâce à une construction innovante en une seule pièce, jamais rencontrée auparavant dans les modèles suisses, et à l’utilisation de verre minéral durci.

Les développeurs de Seiko ont sollicité des remarques constructives de la part d’Oshima, professionnel de la plongée à saturation sur un navire de forage qui effectuait des descentes et des remontées dans une cloche pressurisée et travaillait à des profondeurs d’environ 350 mètres. Les membres de l’équipe de développement de Seiko se sont même rendus sur le navire où travaillait Oshima afin de mieux comprendre l’environnement et les problèmes rencontrés par les montres des plongeurs à saturation. Parmi les problèmes, il y avait la magnétisation, car on effectuait du soudage électrique sous l’eau, la faible lisibilité dans l’obscurité, le mauvais fonctionnement des mouvements dans la chambre de décompression, ainsi que le décrochage des couronnes sous l’effet des chocs accidentels.

Cela explique la feuille antimagnétique entre le fond du boîtier et le mouvement, les grands index circulaires luminescents, le triangle de référence à 12 heures, les larges aiguilles des heures et des minutes, la pastille luminescente sur l’aiguille des secondes, le mouvement le plus fiable de la marque à l’époque, le calibre automatique 6159, le positionnement de la couronne à 4 heures et la projection thermique du revêtement noir — l’application à haute température d’un matériau dur afin d’améliorer la protection à la surface de la coque extérieure du boîtier.

Dans sa guerre contre le magnétisme, Seiko a persévéré en dotant la SLA041 d’un cadran en fer pur dont la résistance atteint 40000 ampères par mètre. 

Les plongeurs à saturation qui travaillent à de grandes profondeurs respirent un mélange d’hélium et d’oxygène. L’hélium pénètre inévitablement dans les boîtiers de leurs montres. Pendant la remontée, l’hélium retenu à l’intérieur peut engendrer une surpression et provoquer une fissuration ou un saut violent du verre. Alors que Rolex a résolu le problème en créant la valve à hélium, Seiko a trouvé sa propre voie en concevant, pour sa Professional 600M, un boîtier qui est non seulement résistant à la pressurisation et à la décompression, mais également imperméable à l’hélium. Pour ce faire, Seiko a, entre autres réalisations, développé des joints exclusifs en forme de L pour sceller le verre et la couronne. C’est pourquoi les montres de plongée Seiko Tuna, dont la SLA041 étanche à 1000 mètres, n’ont pas besoin d’une valve à hélium.

Le proverbe japonais 継続は力なり — que l’on prononce keizoku wa chikara nari et qui signifie « la continuité, c’est le pouvoir » — exprime la recherche, indéfectible chez Seiko, de montres de plongée profonde robustes et fiables. Bien que les plongeurs en eaux profondes ne représentent qu’un petit segment, ils ne sont en rien négligés car leur contribution inestimable a permis à Seiko de sensibiliser même les «plongeurs de bureau», un marché mondial beaucoup plus important, économiquement considérable.

Cette année, GMT Magazine et de WorldTempus se sont lancés dans le projet ambitieux de résumer la montre de plongée depuis l'an 2000 dans The Millennium Watch Book - Diver, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book - Diver est disponible sur en français et en anglais ici :

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