Coup de tonnerre dans le ciel horloger. Une des règles les plus stables de la production horlogère vient de sauter. Rolex a actualisé sa collection Daytona. Patience, le choc n'est pas là. Vous êtes bien accrochés ? La nouvelle Daytona en platine avec cadran bleu glacier a... un fond en saphir ! Vous vous rendez compte ? N'est-ce pas incroyable ? Comment ça non ? Ah bon ? Alors c'est que vous ne maîtrisez peut-être pas la subtilité des codes de design Rolex.
Il faut se remettre à la bonne distance pour prendre toute la mesure de ce que Rolex vient de faire. Et ce recul s'obtient avec un petit retour sur l'histoire de la marque. En particulier en interrogeant son rapport à cet élément de design horloger devenu absolument indispensable, omniprésent, à tous les niveaux de prix : le fond transparent.
Rolex est la marque qui a généralisé le verre en saphir transparent. Dans les années 80, cette matière inrayable et prestigieuse commence à remplacer systématiquement les verres minéraux et les plastiques qui régnaient alors, faute de mieux. Vers le début des années 2000, elle s'est invitée sur les fonds de montres, afin d'en dévoiler les mouvements au regard qui en était jusqu’alors privé. Très rapidement, porté par la mise en avant de la mécanique et un âge d'or de la complication, le fond de boite en saphir transparent est devenu ubiquitaire. Mais Rolex lui a toujours opposé un refus net, restant totalement et même rigidement fidèle au fond plein.
Totalement? Il existe tout de même une exception. Dans le courant des années 2000, la marque avait lancé une des nombreuses itérations de sa gamme Cellini. Elle rassemble pêle-mêle plusieurs interprétations de la montre classique selon la Couronne. Les références Cellini Prince 5440 ou 5442 étaient particulières de par leur forme rectangulaire, mais surtout par leur mouvement. Le calibre 7040 était non seulement visible à travers un fond transparent, mais aussi de forme, guilloché, à petite seconde et, tenez-vous bien, à remontage manuel. On est loin des codes Rolex...
Mais mis à part cet ovni qui n'a pas duré, Rolex avait créé un véritable dogme autour du fond plein. Non seulement plein, mais lisse. Car à de très très rares exceptions près, il ne comportait aucune gravure, aucune mention, même légale. Le terrain était totalement en friche.
A la faveur du 60e anniversaire de la Rolex Oyster Perpetual Cosmograph Daytona, c'est à dire le Dayto, la marque a tout changé. Nouveaux cadrans, nouveaux index, nouvelles combinaisons de couleur, nouvelle approche du polissage de la boite et bien entendu, nouveau mouvement. Et là, il ne s'agit pas que d'une mise à niveau dont la marque est coutumière et ce modèle, pionnier.
En effet, la Daytona avait été la première à recevoir un nouvelle génération de calibre entièrement repensé, le 4130, qui a posé plusieurs jalons techniques qui se sont répandus dans toute les gammes Rolex. Et bien entendu, on ne le voyait jamais, à moins de mettre la main sur des photos de réparation ou de ces gentils fous qui décortiquent les montres pour les expliquer au monde...
Or le nouveau calibre 4131 ne se contente pas d'adopter le nouvel échappement Chronergy et autres augmentations. Pour sa première apparition sous les feux de la rampe, le calibre a reçu une toute nouvelle masse oscillante. Fini le demi-cercle parcouru de fentes, aux finitions poussées mais pas très esthétiques et-puis-ce-n'est-pas-grave-personne-ne-les-voit. Rolex a créé un rotor à trois bras parcouru de deux grands ajourages. Sur les modèles en or, en acier et en Rolesor, ce rotor est exécuté avec un filet doré tandis que le reste reste gris. Mais sur la version en platine, tout change.
Le platine, ce n'est pas que le plus précieux des métaux que Rolex utilise. Il est nimbé d'une aura particulière. Il est le seul à avoir sa couleur de cadran unique (bleu glacier), sa couleur de lunette céramique unique (chocolat), son prestige unique (des tarifs bien appuyés). Et de toute manière, quand Rolex diffuse une nouveauté, c'est toujours en commençant par le haut de gamme. Donc sur la nouvelle Daytona en platine, le mouvement est entièrement visible, très beau, fini avec des Côtes de Genève et son rotor est en or jaune massif. Vous m'excuserez si j’écris comme je parle, mais c'est pas un truc de grand malade, ça ?
