Décrocher le gros lot hors de l'eau

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Landing a Bargain - Dive Watches at Auction
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Faut-il se jeter à l’eau et investir dans la montre de plongée vintage ?

Classer les stars des enchères, catégorie «Montre de plongée », c’est un peu comme jouer au Quinté : l’on retrouve presque toujours les mêmes joueurs, mais pas dans le même ordre. Rolex semble toutefois se démarquer du lot: par son histoire, son ancienneté, sa technique, son esthétique. «Rolex, c’est une machine de guerre », confie un spécialiste. «L’étanchéité a toujours été une préoccupation pour eux, depuis les années 1930. Aujourd’hui encore, il faut entre 5 et 10 ans pour sortir une nouvelle boîte, un nouveau mouvement. Mais quand il sort, il est parfait ». 

Un marché qui reste immature

Pourtant, les plongeuses n’ont pas tout de suite attiré ni les maisons de vente aux enchères, ni les collectionneurs. « Il fallait de 30 à 40 ans pour qu’une plongeuse atteigne des records de vente», explique Romain Réa, CEO de Antiquorum. «La montre de plongée n’est pas une complication en tant que telle. Elle est relativement rare et il faut pouvoir l’expliquer, ce qui demande du temps ». Et c’est un constat qui vaut pour toutes les marques : d’un point de vue technique, le mouvement d’une plongeuse ne représente pas son intérêt premier. Seule compte la boîte et son étanchéité associée. Autre atypisme : les utilisateurs finaux sont pour la plupart inconnus (plongeurs, opérateurs sous-marins, militaires). 

Pour ajouter à sa singularité, elle se faufile entre une histoire (vraie), du marketing (parfois outrancier), des pièces hommage (mais grand public), des pièces opérationnelles (pour des forces armées qui en gardent le secret), durant des temps de guerre où l’histoire n’a pas toujours été du bon côté (Italie et Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale), ce que les marques préfèrent parfois passer sous un silence gêné… Au final, débrancher le mythe de la réalité, les prototypes de la série limitée, relève parfois du casse-tête. Pour y voir clair, il faut donc en rester aux faits : les plongeuses qui ont une antériorité, et celles qui ont une histoire ou un record. Celles qui sont à l’intersection des deux gagnent le gros lot. 

Décrocher le gros lot hors de l'eau

Les pionnières

Dans la première catégorie : Panerai. Les premières études pour montres de plongée (à caractère militaire, en l’occurrence) datent de 1936/1937. Les pièces sont rarissimes, souvent très éprouvées. Il peut même s’agir d’instruments de plongée, et non de montres (comme des boussoles).

Leurs mouvements sont secondaires — il s’agit souvent de calibres Angelus et Cortebert Rolex. Le 8 décembre 2014, Artcurial fut précurseur avec une vente «Panerai Only ». Les lots les plus anciens dataient des années 1950. La vente connut un succès d’estime, beaucoup de pièces partant à seulement quelques milliers d’euros.

Durant les années 1940, la Seconde Guerre mondiale stoppe les développements horlogers. Les années 1950 leur offre en revanche un double rebond: les forces armées commencent à se rééquiper, et la plongée de loisir émerge.

Les grandes marques se jettent donc à l’eau: l’Omega Seamaster date de 1948, la Rolex Submariner de 1953, la Blancpain Fifty Fathoms de 1954, la Breitling SuperOcean de 1957. Ces pièces originelles restent très recherchées, avec une surcote affirmée pour Rolex et Blancpain, dont l’aura horlogère ruisselle sur les montres de plongées, fussent-elles réservées à un public plus averti. Plus tard, la Royal Oak d’Audemars Piguet (1972) et la Nautilus de Patek Philippe (1976) complètent le bal, mais sans entrer dans la catégorie des montres de pure plongée. 

Décrocher le gros lot hors de l'eau

Une histoire de records

Dans la catégorie des montres à belle histoire ou record, les pièces sont plus récentes — tout simplement parce que les plongées extrêmes (3000 à 10000 mètres) le sont aussi.

Il en va ainsi des fameuses pièces produites par Rolex pour la COMEX (Compagnie Maritime d’Expertises), sise à Marseille : environ 1800 montres, en 35 ans… et bon nombre de contrefaçons, surtout sur les cadrans. Les pièces originales se négocient entre 80000 CHF et 100000 CHF à l’heure actuelle, avec une croissance de 5% en moyenne chaque année. Antiquorum a atteint un sommet à 524000 CHF avec une Réf. 1680 Submariner COMEX de 1979, issue d’un lot de seulement 60 pièces.

Phillips et Christie’s ont vendu chacune une Rolex Deep Sea Special. C’est le 23 janvier 1960 que cette montre de plongée extrême a décroché le record de la plongée la plus profonde (10911 mètres). Elle a atteint 1058500 CHF chez Phillips mais 1890000 CHF chez Christie’s (celle-ci étant la toute première, donc mieux cotée). On est loin devant la Blancpain Fifty Fathoms, dont la cote atteint néanmoins régulièrement les 50000 CHF pour les modèles de 1955 à 1965.

Décrocher le gros lot hors de l'eau

Les challengers et valeurs à suivre

Aujourd’hui, l’intérêt pour les montres de plongée remet en lumière quelques autres références, outre Rolex et Blancpain: Breitling SuperOcean, Omega Seamaster, quelques Doxa des années 1970 et, dans une moindre mesure, certaines Royal Oak Offshore, dont on fêtera les 30 ans en 2023 — anniversaire qui devrait lui donner un coup de projecteur. Chez Omega, la Ploprof, lancée en 1970, séduit certains amateurs. À défaut d’être une pièce portable au quotidien, son intransigeance technique et son look atypique en font une curiosité. Quelques très rares exemplaires prototypés pour la COMEX en 1968 atteignent déjà 140000 CHF, mais les modèles des années 1970 plafonnent encore au dixième de cette exception. La SuperOcean des années 1950 reste accessible à moins de 20000 CHF et se profile comme une valeur à suivre. Enfin, les Seamaster spéciales, comme celles fournies à la Royal Navy à la fin des années 1960 (et dûment estampillées comme telles), atteignent les six chiffres mais, bien souvent, les modèles figurant parmi les premières séries (1955 - 1965) restent accessibles entre 30 000 et 40 000 CHF. 

Cette année, GMT Magazine et de WorldTempus se sont lancés dans le projet ambitieux de résumer la montre de plongée depuis l'an 2000 dans The Millennium Watch Book - Diver, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book - Diver est disponible sur en français et en anglais ici :

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